Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le bar à poèmes
3 mai 2018

Arthur Rimbaud (1854 – 1891) : Après le déluge

 

85659473_p_1_

 

Après le Déluge

 

 

     Aussitôt que l'idée du Déluge se fut rassise, 

     Un lièvre s'arrêta dans les sainfoins et les clochettes mouvantes et dit sa prière à

l'arc-en-ciel à travers la toile de l'araignée. 

     Oh ! les pierres précieuses qui se cachaient, - les fleurs qui regardaient déjà. 

     Dans la grande rue sale, les étals se dressèrent, et l'on tira les barques vers la mer

étagée là-haut comme sur les gravures.

     Le sang coula, chez Barbe-Bleue, - aux abattoirs, - dans les cirques, où le sceau de

Dieu blêmit les fenêtres. Le sang et le lait coulèrent.

     Les castors bâtirent. Les « mazagrans » fumèrent dans les estaminets.

     Dans la grande maison de vitres encore ruisselante, les enfants en deuil

regardèrent les merveilleuses images. 

     Une porte claqua, - et, sur la place du hameau, l'enfant tourna ses bras, compris   

des girouettes et des coqs des clochers de partout, sous l'éclatante giboulée.

     Madame *** établit un piano dans les Alpes. La messe et les premières

communions se célébrèrent aux cent mille autels de la cathédrale.

     Les caravanes partirent. Et le Splendide-Hôtel fut bâti dans le chaos de glaces et

de nuit du pôle.

     Depuis lors, la Lune entendit les chacals piaulant par les déserts de thym, - et les

églogues en sabots grognant dans le verger.   Puis, dans la futaie violette,

bourgeonnante, Eucharis me dit que c'était le printemps. 

     - Sourds, étang, - Écume, roule sur le pont et passe par-dessus les bois ; - draps

noirs et orgues, -  éclairs et tonnerre, - montez et roulez ; - Eaux et tristesses, montez

et relevez les Déluges.

     Car depuis qu'ils se sont dissipés, - oh, les pierres précieuses s'enfouissant, et les

fleurs ouvertes ! - c'est un ennui ! et la Reine, la Sorcière qui allume sa braise dans

le pot de terre, ne voudra jamais nous raconter ce qu'elle sait, et que nous ignorons.

 

 

Illuminations

 

In, Arthur Rimbaud : « Poésies, Une saison en enfer, Illuminations »

Gallimard (Poésie), 1984

Du même auteur :

 Aube (08/05/2014)

Alchimie du verbe (03/05/2015)

Sensation (03/05/2016)

Ma bohème (03/05/2017)

Ophélie (03/05/2019)

Marine (03/05/2020)

Première soirée (03/05/2021) 

Roman (03/05/2022)

Au Cabaret-vert (03/05/2023)

Les effarés (03/05/2024)

Commentaires
F
Ha ha ha. Bien joué !
Répondre
B
Il s'agit effectivement de Nefkeu !!! J'a changé la photo.
Répondre
F
C'est quoi cette photo ? Rimbaud avait les yeux très clairs. On dirait Nekfeu.
Répondre
Le bar à poèmes
Archives
Newsletter
106 abonnés