Claude Vaillant (1924 – 2004) : Frontière
Frontière
Pour Lucette
et Gilles FOURNEL
1
Où veut le vent
mener sa cécité :
le vent la mène ;
et sa voix rauque
- à travers rocs
et ronces –
interpelle
au hasard
et se rie
des réponses
et des plaintes de l’eau
qu’il lacère en hurlant.
2
Mais l’homme au vent
n’est pas voué :
il se gouverne.
Il connait sa lumière
au tranchant
de la nuit.
Il sait son jus
à la coupu-
re de son fruit.
Au manège
de la lanterne,
il sait l’écueil.
3
A la frontière du tourment,
je tends les mains…
Demain
- regénéré -
je jaillirai
de mon aurore.
Demain
j’irriguerai
ma face aride
où mord
le vent qui crucifie
la croisée des chemins.
4
Et déjà
la nuit craque
et les ombres
se fendent.
Bientôt je blottirai
le soleil dans mes paumes,
pour éclairer la force
et le défi
d’un homme
qui pénètre
vivant
dans sa propre légende.
5
La claire
et vigilante Eternité
suspend
la lampe qui s’allume
sur l’arbre
de l’orage ;
et révèle
au guetteur
la ligne de partage
où son salut
dépend
de son consentement.
6
L’heure
se fait
juteuse
et le temps
se dérobe…
Voici l’instant parfait,
le jour qui se déplie.
Dans la maturité
de sa grâce accomplie,
l’Eternité
m’invite
- et retire sa robe.
dans l’incendie tout a brûlé
Editions Autres Rives, 35000Rennes, 1984
Du même auteur :
Métamorphoses (22/11/2016)
« Pour aller plus avant ... » (22/11/2018)
Corbeaux dans un paysage de neige (28/03/2022)