Claude Vaillant (1924 – 2004) : Métamorphoses
Métamorphoses
1
Avez-vous jamais vu
un homme insulter l’arbre
quand l’hiver a tari
la sève et le feuillage ?
Avez-vous jamais vu
reprocher à la terre
la blanche aridité
qui enrobe les prés ?
2
Depuis toujours l’été
s’épuise et se dépouille ;
depuis toujours l’automne
grince au vent qui se rouille ;
et l’amour est semblable
aux pommes du verger :
le temps qui le mûrit
le fait tomber de l’arbre.
3
Quand le fruit se détache
et s’écrase sur l’herbe,
il ne faut pas gémir
sur cette déchirure ;
mais louer la saison
incisive et cruelle
qui promet à l’été
sa future saveur.
4
Jouirions-nous autant
du cycle des saisons
sans l’attente et l’absence,
la jachère et l’épure ?
S’il faut de longs sommeils
pour reposer la terre ;
pour savoir son odeur,
il faut sortir de soi !
5
Toute vie s’accomplit
dans la métamorphose.
Pour s’accroître de soi,
il faut se séparer.
Pour mesurer son âme,
il faut de la distance.
Et toute poésie
se nourrit de mémoire.
6
Les vergers sont-ils clos ?
Les arbres sont-ils morts ?
Non ! les arbres sont verts
et les vergers ouverts.
Son amour m’a couvert
de bourgeons innombrables.
Les fleurs de son verger
Ont blanchi mes ténèbres.
7
J’ai renoncé au gel
pour accepter l’offrande
et le consentement
que son cœur me dispense.
Ses mains ont suscité
la beauté que j’abrite ;
et j’ai uni son nom
à tout ce que j’aimais.
8
Sois bénie pour l’annonce
et la salutation !
Sois bénie pour l’azur
dont ton regard me vêt !
Sois bénie sur le seuil
doré de l’allégresse !
ô lumineuse enfant
debout dans mon printemps !
dans l’incendie tout a brûlé
Editions Autres Rives, 35000Rennes, 1984
Du même auteur :
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