Yves Prié (1949 -) : Glanes
Glanes
Et je suis
toujours sur le chemin
celui qui cherchait l’espace
L’oubli est vain
Je cherche l’instant
unique
l’objet merveilleux
serré au fond de la poche
et le goût vif
du bonheur qui se consume.
*
Je sais maintenant descendre contre le jour
dans la cession des rivières
L’air de l’été
très haut libéré
se délie dans le chemin
Je recompose la dérive des fossés
charriant les scories de l’hiver
Ce souffle peut-être du jour
que fermera la tenaille du givre
Face à la nuit qui monte
le vent oppose un feu imaginaire
Dans le coin sombre de l’horizon
la haie s’invente dans le silence
*
Le lien est d’ailleurs
d’avant les fougères en crosse
de plus loin que la naissance de la dune
Des brassées d’herbes en témoignent
J’aurai plié le talus
assagi les chênes dans leur loupe
Dans le fauve des digitales
perce mon secret
et la langueur du liseron me repose
*
Falaises qui soulevez la conque du ciel,
retenez les pins que guette
la séduction du vent
et la noire fascination de la mer
*
Ramasser une pierre
et fendre cette toile
trop parfaite
Habiter ce silence
exige la démesure
*
Deux rosiers sauvages
nourris de la chaleur du mur
suffisent pour dire l’été
Nous ne confirmerons aucune nouvelle
Elles savent ignorer notre sollicitude
Un martinet dans la folie de son vol
livre son cœur
L’été brûlera les persiennes
*
Je n’étais ce jour
que branche calcinée par l’été
l’orage menaçait
Le vent – à peine –
frôlait la resparition des feuilles
Des papiers alimentaires
pourrissaient sous une fenêtre
Midi bascula dans le silence
Ce fut ma chance
Une fontaine jaillit
du cœur de la chambre
*
Feu qui ne consume
la bogue de l’air
Impatient moissonneur d’herbes sèches
tu consens au chemin
un supplément de présence
après le don de ta mort sereine
*
Etrange pays
il survit la nuit
dans le bruit des moteurs
des faïences brisées des moissons
Un arc-en-ciel
saigne l’orage
Nous irons voir
L’iris de l’eau
perçant des feuilles mortes
*
Nous savons peu de mots
et la courbure du ciel
dans un crépuscule hésitant
nous interroge
Nous ne savons que
les plis timides de ce pays
Il absente les éboulements
où se noient quelques drames lointains
Musique juste posée
sur une portée qui
signe ses limites
O patience des champs
labourant l’été
de communes floraisons
*
Ce serait vif instant que l’intime
bris du soleil dans le talus.
Revue « Vagabondages, N°65, Octobre/Novembre/ Décembre 1986 »
Association « Paris-poète », 1986
Du même auteur :
Esquisses pour un hiver (10/03/2016)
« Ce fut une longue attente… » (10/03/2018)
« Que nous soient rendues... » (14/01/2020)
« Fumées lentes sous la nuit... » (14/01/2021)
Passage des amers (14/01/2022)
L’atelier du peintre (14/01/2023)
Le désir d’une île (14/01/2024)
Rumeurs du temps – Mélancolies (14/01/2025)