Françoise Hàn (1928 - 2020) : « Entaillées… », « Difficile à dire… », « Depuis qu’ils… »
1
Entaillés
dans l’écorce terrestre
avec autour d’eux du temps
assez pour échanger
la mémoire et l’oubli
avec le labyrinthe
épuisant
où ils se sont laissés prendre
et leur chance
que l’outil ébréché
ait effrité la roche
quelque échancrure
où s’agripper
2
Difficile à dire
l’anfractuosité
où ils essaient de remuer
le dialogue s’y heurte
à des angles sourds
dérision de la caverne
l’écho ne revient pas
fait tache de moisi
sur la paroi
reste à trouver des sons
que ne déglutissent pas
les murs spongieux
des phrases
qui ne pourrissent pas sur pied
une écoute entre les mots
qui serait leur espace
3
Depuis qu’ils ne comprennent
plus le langage des bêtes
il leur faut articuler
des mots sur la pierre
taillée
sur la cassure
d’avec les éléments
sur la blessure
des mots qui contiennent
assez de terre et d’eau
d’air et de feu
intersticiels
pour refaire un monde
articulé sur la faille
que ne combleront jamais
les sédiments
les forêts ensevelies
les civilisations
un monde seulement humain
exclu de la résonnance
première
mais rempli d’images de lueurs
qui bougent sur la paroi
parfois elle vacille
L’Unité ou la déchirure
Editions Jacques Brémond, 30210 Remoulins, 1999
De la même autrice : Notes en marge (10/12/2014)