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Le bar à poèmes
8 décembre 2014

Charles Ngandé (1934-) : Indépendance.

 

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Indépendance

 

Nous avons pleuré toute la nuit

Jusqu’au chant de la perdrix

Jusqu’au chant du coq

Nous avons pleuré toute la nuit

O Njambé tu étais pourtant là

Quand on coupait les oreilles

Quand on coupait le cordon ombilical de notre clan

Quand on fracassait le crâne de notre Ancêtre

Quand on brûlait le chasse mouche de notre aïeul

Ina ô ô ô  ô !

Où retrouver la tombe de l’Ancêtre

Perdus nous étions comme un mouton qui casse sa corde.

Ina ô ô ô  ô !

Dans quelle source repimenter notre sang

Perdus nous étions comme pauvre chien bâtard

Errant sur la place du marché !

 

Nous avons pleuré toute la nuit

L’étape a été longue

Et la perdrix a chanté timidement

Dans un matin de brouillard

Chants illuminés de cataractes d’espérance

Espérance d’une aurore aux dents de balafons.

Et la perdrix s’est tue

Car son chant s’est éteint dans la gorge

D’un python.

 

Et le tam-tam s’est tu

Et le grelot n’a plus ri sur la jaune savane

Et le deuil a planté sa case dans la cour du village.

Sang !Sang !Sang !

Torrents de sang !

Femmes, terrez-vous le soir dans vos enclos :

Le fusil passe.

 

Nous avons pleuré toute la nuit

Et le coq a chanté sur la tombe de l’Ancêtre

Ah ! ces os poussiéreux

     qui se mettent à gambader

     comme des antilopes et comme des gazelles

Njambé, c’est bien toi qui a ourlé

     sur la tête du coq cette langue de soleil parce

     que son gosier roule une cascade de lumière

Et le coq a clamé l’aube du grand départ

Et le coq a chanté sur le front de la pirogue

IN-DE-PEN-DAN-CE !

     Venez, filles de mon peuple

Le soleil s’est levé

Voilà la tombe de l’Aïeul

Et le grand fromager des vertes parentalies

Et la source sacrée où nous repimenterons

La force de notre sang

 

Et voici le nombril de la grande famille

Venez, filles de mon peuple

Vaillants carquois de nos flèches emplumées

Remontez, brisez vos parcs, femmes longtemps en jachère.

 

Remontez sur la croupe des étoiles filantes

Venez, battez des mains, crépitez et dansez

Sur un pied, sur deux pieds, sur trois pieds

Tambours, grelots, bois sec

Grelots, tambours, bois sec

Rythmez le mâles vibrements d’un peuple qui se lève

Que vos rires se mêlent aux antiques sanglots.

 

Hommes de mon peuple

Venez tous, venez toutes

Nous allons tous dresser une même couronne

Ave la liane la plus dure de vierge forêt

Sous le grand fromager où nous fêtions nos parentalies

Et le soir, nous danserons autour du même feu

Parce qu’ensemble, sur la tombe de l’Aïeul,

Nous aurons fait germer une grande Cité.

 

In, Lilyan Kesteloot « Neuf poètes camerounais : anthologie»,

Editions Clé, 1971

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