Henri Meschonnic (1932 – 2009) : « je me rattrape... »
je me rattrape
par les yeux
à tous les corps
car chacun
est un soleil
je le sais
puisque je vais
de lumière
en lumière à
chaque rencontre
et je me fais
ainsi de
jour en jour
mon propre
système solaire
*
et je m’écoute
mot par mot
de plus en plus bas pour aller
de plus en plus loin silence
en mettant de plus en plus
de silence mot après mot
parce que plus il y a de
silence dans un mot plus il
va loin sous le bruit des langues
ces mots-là on les retrouve
des années silence
après
tant qu’on ne sait plus même d’où
ils viennent
qui
ils nous apportent
pourtant c’est là que nos mains
retrouvent
le temps en nous
*
images nuages
tête pluie
le paysage est dedans
j’ai des collines dans les bras
la rivière
dort dans mes yeux
quand je me réveille j’ai
des oiseaux dans les cheveux
*
c’est ton visage
que j’écris
depuis tant et tant de mondes
j’hésite la vie
la lèvre
retient de dire
mais je sais
j’entends
c’est du loin de loin
ton nom nos noms qui sont toutes
les formes de toutes les vies
in, Jean Orizet « La poésie française contemporaine »,
Le Cherche-Midi éditeur, 2004
Du même auteur :
« des cheveux tremblent sur des pierres… » (02/09/2020)
« Ce que nous savons... » (26/04/2023)
« de nous / tous les moments vivent... » (26/04/2024)
« Tu me demandes ce que je ferai... » (26/04/2025)
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