Victor Hugo (1802 -1885) : « Puisque j'ai mis ma lèvre... »
Puisque j'ai mis ma lèvre à ta coupe encor pleine;
Puisque j'ai dans tes mains posé mon front pâli ;
Puisque j'ai respiré parfois la douce haleine
De ton âme, parfum dans l'ombre enseveli ;
Puisqu'il me fut donné de t'entendre me dire
Les mots où se répand le coeur mystérieux ;
Puisque j'ai vu pleurer, puisque j'ai vu sourire
Ta bouche sur ma bouche et tes yeux sur mes yeux ;
Puisque j'ai vu briller sur ma tête ravie
Un rayon de ton astre, hélas ! voilé toujours :
Puisque j'ai vu tomber dans l'onde de ma vie
Une feuille de rose arrachée à tes jours ;
Je puis maintenant dire aux rapides années :
- Passez ! passez toujours ! je n'ai plus à vieillir !
Allez-vous-en avec vos fleurs toutes fanées ;
J'ai dans l'âme une fleur que nul ne peut cueillir !
Votre aile en le heurtant ne fera rien répandre
Du vase où je m'abreuve et que j'ai bien rempli.
Mon âme a plus de feu que vous n'avez de cendre !
Mon coeur a plus d'amour que vous n'avez d'oubli !
1er janvier 1835. Minuit et demi
Les chants du crépuscule
Eugène Renduel, 1835
Du même auteur :
A quoi songeaient les deux cavaliers (04/08/2014)
Soleils couchants (04/08/2015)
« Demain, dès l'aube… » (04/08/2016)
Stella (04/08/2017)
Horror-IV (04/08/2018)
Le matin (04/08/2019)
Une nuit qu’on entendait la mer sans la voir (04/08/2020)
« Puisque mai tout en fleurs... » (04/08/2021)
Aux arbres (04/08/2022)
« L'aurore s'allume... » (04/08/2023)