Jacques Dupin (1927 – 2012) : Enoncé (1)
Jacques Dupin, années 1980. Collection : Dublin City Gallery The Hugh Lane © The Estate of Francis Bacon
Enoncé (1)
Comme s’il fallait se noyer
pour entendre
là, dort l’écrit retenu
bridé
le crissement
de la nervure de la langue
un desserrement
de la langue cruciforme
que sa jubilation troue
que son désarroi relance
l’orage aveugle la table
le corps se volatilise
Le sang se blanchit comme l’argent sale
avec de la couleur
un excès de vernis
sur l’archet de la contrebasse
desserré de l’être ici
piquer une seule fois le mot juste
le jambage fulgurant
console de maints déboires
et redresse à l’infini
toue une vie achoppante
l’impotence des lignes
le mur et la béquille, accointés
le morfil l’excavation
d’un mot monté à cru
par une langue altérée
l’obscur du poème
pendu à la poutre
comme une tressée de piments
le mort dessiné de profil
avec les entailles
l’atroce caresse à rebours
grondements de contrebasse
pavent de mots hirsutes
l’extrême fond du charnier
Revue « Poésie1 /Vagabondages, N° 16, décembre 1998 »
le cherche midi éditeur, 1998
Du même auteur :
« j’ai cru rejoindre par instants… » (28/06/2014)
Grand vent (27/06/2015)
« Expérience sans mesure… » (28/06/2016)
Le règne minéral (28/07/2017)
Chapurlat (28/07/2018)
« Se lever tôt... » (28/07/2019)
Malevitch (20/10/2020)