André du Bouchet (1924 – 2001) : Dans la chaleur vacante
André du Bouchet © Pierre Tal-Coat
Dans la chaleur vacante
DU BORD DE LA FAUX
I
L’aridité qui découvre le jour.
De long en large, pendant que l’orage
va de long en large.
Sur une voie qui demeure sèche malgré la pluie.
La terre immense se déverse, et rien n’est perdu.
A la déchirure dans le ciel, l’épaisseur du sol.
J’anime le lien des routes.
II
La montagne,
la terre bue par le jour, sans
que le mur bouge.
La montagne
comme une faille dans le souffle
le corps du glacier
Les nuées volant bas, au ras de la route,
illuminant le papier.
Je ne parle pas avant le ciel,
la déchirure,
comme
une maison rendue au souffle
J’ai vu le jour ébranlé, sans que le mur bouge.
III
Le jour écorche les chevilles.
Veillant, volets tirés, dans la blancheur de la pièce.
La blancheur des choses apparaît tard.
Je vais droit au jour turbulent.
RUDIMENTS
1
Force
ou génie de la toux
incroyable glacier
2
Rester au niveau, à quelques pouces du front,
dans le feu infirme.
Comme un arbre dans le froid, le mur franchi se perd
aussi, vraie peinture.
Les mains que ce même vent, le soir,
arrêté sur la route,
brûle.
3
Ce balbutiement blanc
cette bulle
la figure
encore criblée de pierres
à côté de chaque roue
dans la paille
qui craque
près de la lumière.
4
Le feu
ce feu
qui reprend
derrière la terre fermée
je referme la porte blanche
le souffle
qui sort du champ
la lumière
la bride.
5
Au pire,
l’orage endormi contre le mur. La montagne,
le caillou qui ensevelit la montagne.
Quand la nuit tombe, la route inutile est couverte de
pays noirs qui se multiplient.
J’ai construit un été en quelques jours, au-dessus de
mes mains, au-dessus de la terre.
PAR LA VOIE RÊCHE
Pour le feu dont la tenaille court toute la nuit,
la femme qui reste éveillée.
Dans la poussière du glacier, j’aperçois le ciel,
franchi plus tard, la nuit venue,
sur le sol démonté. Et le jour bêchera notre poitrine.
Avant que ma route se perde à la surface des pierres.
L’air qui fête la dernière vague, l’air qu’on ne voit pas.
Comme la terre franchie loin des routes.
PAR LA VOIE RÊCHE
Pour le feu dont la tenaille court toute la nuit,
la femme qui reste éveillée.
Dans la poussière du glacier, j’aperçois le ciel,
franchi plus tard, la nuit venue,
sur le sol démonté. Et le jour bêchera notre poitrine.
Avant que ma route se perde à la surface des pierres.
L’air qui fête la dernière vague, l’air qu’on ne voit pas.
Comme la terre franchie loin des routes.
LE NOUVEL AMOUR.
Si loin,
déjà endormi, que je pense au sommeil.
Labour, c’est cette lame que je verrais,
j’entendrais.
L’oreiller,
le glacier, sans ta tête.
Ce matin,
éloigné
et debout.
Si je pouvais avancer sans respirer, j’avancerais peut-
être comme l’air sur la moire des routes.
Ouverte, la maison ne nous retranche plus du front des
routes,
de ce lit défait.
LE GLACIER
1
Vent
grand visage
glacé
agité
la pierre
ou le faîte
le vent.
2
La porte, l’air blanc.
3
Sur la terre compacte où je continue de brûler, l’air
nous serrant à mourir, nous ne reconnaissons plus le
mur. J’occupe soudain ce vide en avant de toi.
4
Au deuxième tournant, la vague aveuglante d’un
glacier, quelques brins d’air.
5
Je m’aliment d’un feu de pierres
je renonce
il y a une main
tendue
dans l’air
tu la regardes
comme si tu la tenais de moi
partout nos traits
éclatent.
LAPS
L’ombre,
plus courte, la chaleur, dehors, nous
tenant lieu de feu. Rien ne nous sépare de la chaleur.
Sur le sol du foyer où j’avance,
rompu,
vers ces murs froids.
AVANT QUE LA BLANCHEUR
Avant que la blancheur du soleil soit aussi proche que
ta main, j’ai couru sans m’éteindre.
Dans l’obscurité du jour, tout n’est, sur cette route,
que chute,
et éclats. Jusqu’à ce que le soir
ait fusé.
Notre route n’est pas rompue par la chaleur qui nous
renvoie,
éclairés. Sans que tu t’arrêtes à cette cha-
leur. La route où je sombre encore me devance,
comme le vent.
J’ignore la route sur laquelle notre souffle se retire. Le
jour, en tombant, m’entoure.
Ma main, reprise déjà, fend à peine la sécheresse,
le flamboiement.
LA NUE
Que l’étendue nous déserte, et nous avancerons,
comme la nue,
au fond de l’air.
Inégal,
lorsqu’il fait jour, à la force de cette route,
jusqu’à l’extinction des pierres,
inconnues
des mains, qui affleurent.
Le jour qui nous refoule dans l’empierrement du
souffle.
Au sol inaccessible, sur la route laissée à la lampe,
toute pierre est lampe.
Pour traverser la route, avant qu’elle soit battue par le
jour.
La montagne.
Le feu,
reçu,
aux
sommets du sol,
me rejoint, presque.
Dans la chaleur vacante,
Editions du Mercure de France, 1959
Du même auteur :
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