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Le bar à poèmes
5 octobre 2020

Pierre Torreilles (1921 – 2005) : « Je dis / La souveraineté des choses évidentes... »

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Je dis

La souveraineté des choses évidentes

Je dis

Qu’entre le visage et le cœur,

Mêlée d’ombre et dans la lumière,

Git la naissance, avec la mort.

Et je dis la limpidité

Des choses de la mort

Je dis l’éternité de l’évidence.

 

*

Il semble que mon dire est déjà loin de moi

Dans le temps éloigné comme déjà perdu

Déjà presque effacé.

A-t-il laissé qui soit visible

Le lieu de son espacement ?

Car il est là

Le seul silence disponible.

 

Le temps non déroulé n’est donc pas perceptible

Et j’ai vu cependant l’espace, tel un rire.

 

*

Je murmure et j’entends,

La distance est acquise,

La noria des mots épuise le silence

 

Nous sommes loin

 

Et le cri des oiseaux multiplie la distance,

Leur cri

Le froid limpide

Et leur distance bleue.

 

L’ombre est si près de la lumière maintenant.

Chacun des mots s’élève en moi

Plus inconnu que chaque chose.

 

*

Indifférence

 

En cet apaisement que laisse l’inconnu

Chaque chose reprend son visage et se pose,

Ce qui lentement s’ouvre à l’interrogation,

Cela qui lentement remonte de la mort,

Porteur de l’œuvre de la mort et lourd

De l’immortalité renouvelée de l’évidence.

 

De la question que laisse à floraison

La générosité de la répétition

L’inconnu, le retour

En chaque chose s’émerveille.

 

*

Dans le silence ici

A l’intérieur des mots

Rien ne s’est prononcé

Que la saison prévue.

Cependant tout est autre

Comme au-delà semblable à ce qu’il est

Et comme confirmé dans cet autre visage.

La mousse avec le lierre

Ont conservé la pureté de leur humus

Détourné le sentier

Donné naissance à ce repos des origines.

Les bruits de la méditation

Sont couverts de commencement,

La lumière tranchante

Brille des gouttes de la nuit

 

Durant la longue nuit du jour

Médite le long temps de la reconnaissance,

Avant

Et maintenant

La limpidité du jour

 

Je perçois désormais

Dans l’alternance des saisons

S’élevant sans briser la distance intérieure

Dans chaque chose en ce jardin

L’écart, le cercle de la différence

Entre l’aller et le retour,

Le même qui se dit infiniment

Telle une sorte de mémoire

Où je piétine à haute voix.

 

 

 

Reconnaissable oubli

La voici retrouvée

La statue aux yeux vides

Que peuplent les oiseaux.

Leurs cris ont recouvert de lierre son silence.

 

Denudare (Ode)

Editions Gallimard,1974

Du même auteur :

« Silence... » (05/10/2018)

« Ouvrage de silence ... » (0510/2019)

Commentaires
M
Bonjour, <br /> <br /> merci de ce partage. Je découvre tardivement Pierre Torreilles dont j'apprends qu'il a fondé la librairie Sauramps que je fréquente régulièrement.
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