Marcel Béalu (1908 – 1993) : Airs pour Mariouchka
Portrait de Marcel Béalu par Roger Toulouse
Airs pour Mariouchka
1
Chaque feuille de l’arbre est un poisson vivant
Chaque mot frétillant sous ma tempe un oiseau
Un oiseau chante aussi clé de voûte à tes cuisses
Mon désir y rêvant se fait poisson volant
2
Mariouckha mon chat sauvage
Mon doux renard ma tourterelle
Bête à Bon Dieu mon ouazelle
Mon pain au laid mon arbre en chœur
3
Trésor et beauté du monde
Mon tout ma vie ma douceur
Chatte ma brebis ma sœur
Mon agnelle toute blonde
4
Lisse comme un œuf dur
Frais sorti de sa coque
Souple comme un goujon
Dure comme un bourgeon
Et belle à fendre l’âme
Toi fendue où il faut
Pour être sans défaut
5
Je t’aime à l’endroit à l’envers
En long en large en profondeur
A tout instant je perds mon cœur
Au creux que tu creuses dans l’air
6
Tes genoux versent le miel
De la terre et son langage
Tes mains sont des coquillages
Qui contiennent tout le ciel
7
Et ton sein nu
Au bout revêche
Comme la pêche
Qu’on nomme Téton de Vénus
8
O merci de m’avoir donné
Mon dieu des mains pour la toucher
Une bouche pour la baiser
Et des yeux pour la regarder
9
Je t’aime tant je t’aime tant
Que l’instant emporte le temps
Je n’ai plus que le souci d’elle
Mon amour me donne des ailes
10
Mon amour m’attache au présent
L’Air de la vie, 1936 – 1956
Editions Seghers, 1958
Du même auteur : Aux hommes futurs (02/01/2023)