Christian Bachelin (1933 – 2014) : « Paysage de miséricorde... »
Paysage de miséricorde
Aubervilliers ou Clignancourt
Avec tes gazomètres tes loques de brouillard
Tes bistrots à sidis tes chardons tes orties
Et tes locomotives aux béquilles de pluie
Et tes oiseaux d’un soir valsant sur les poubelles
Paysage de miséricorde
Retiens-moi si je penche du côté de la mort
Plus rien ne me sépare du dernier faux pas
Que ce mince parapet d’herbe folle et de brume
Plus rien que la maigreur de tes arbres malades
La ferraille grinçante d’un passage à niveau
Plus rien que ta grisaille amère et fraternelle
Paysage de miséricorde
Paysage de n’importe où.
Je suis n’importe qui
Mêlé à la poussière errante de la foule
Et mes mains sont trop lourdes pour la poésie
Et mon cœur se renverse à la table commune
Trinquant à la santé du monde comme il tourne
Je n’ai rien accepté je n’ai rien refusé
Je laisse les mouches ensevelir les morts
Et s’il m’arrive encore de me souvenir
D’une aurore en forêt d’un vol de libellules
C’est d’un élan trop bref pour toucher les étoiles
Le feu des images me couronne de cendres
Et seule mon angoisse s’émerveille parfois
D’une vie top large pour être vécue.
Neige exterminatrice,
Guy Chambelland éditeur, 1967
Du même auteur :
« Pourquoi nous émouvoir... » (28/06/2019)
« Il neige sur le terrain vague... » (28/06/2021)
Blues (28/06/2022)
Vent du Nord (28/06/2023)