Pierre Dalle Nogare (1934 – 1984) : La dissimulation révélée
La dissimulation révélée
Le fuir précède le poète, dissimulé dans l’Oubli.
Ouvrir dans la Nuit sa Nuit, n’est-ce point travailler à l’approche
du jour ?
Celui qui ne viole le vocable ne découvre point le verbe. Afin de
se justifier, il se dit humble face à la parole. Impuissant à descendre
en Lui – donc sans l’Autre qui n’est pas Je mais encore Lui – il ne
prononce Rien, sinon des dires anciens, sans formuler sa race.
Descendre en soi est acte d’amour pour le prochain. Etre humble
en poésie est orgueil. Dire que le poète se trouve sous vocation irrésistible
est faux : il est possesseur de l’évidence qu’il ne cesse de vouloir inscrire.
Ainsi : Orphée vers Eurydice devient intériorité accueillante : la Nuit
première : le point de fusion entre le Dit et le jamais Dit.
Tout poète est chercheur d’un autre Moi, parlant en Arbre, en Mer, en
Roc. Il est la dissimulation révélée.
Son destin est de défricher. De ne jamais suivre.
Toucher l’invisible, élucider sa présence, c’est encore parler en Tout.
L’oeuvre ne juge le poète, mais épuise son infini. A celui qui écrit
l’insignifié se révèle le clair du réel. Parler de poésie est la tuer. Je le crois.
In, Revue « Poésie 1. N° 17, Juillet 1971 »
Librairie Saint-Germain-des-Prés, 1971
Du même auteur :
Explorés du feu (24/03/2016)
« Tu es clos dans ta chair… » (24/03/2018)
Je rêve de pleurs et de froid (24/03/2019)
« Ici le pays des charrois... » (24/03/2020)