José Hierro (1922 – 2002) : Lamentation / Lamentación
Lamentation
Nous avons eu tant de choses
à dire, qui n’ont pas été dites !
Prodigieuses paroles jeunes
pour heurter les ouïes vieilles.
Merveilleuses mélodies,
chants inédits.
Nous avons chanté tous ensemble
et nous avons pleuré dans le silence.
Nous avons appris une dure science
au détriment de nos propres rêves.
Nous avons eu tant de choses
à dire, qui n’ont pas été dites !
Nous avons évité si gaiement
les sombres pressentiments !
Nous avons aimé chaque pousse,
chaque froide guenille d’hiver,
chaque goutte de petit matin
avec une avidité si folle, conscients
que nous étions la chair d’une fable
vécue par quelqu’un dans le mystère !
Tant de belles chansons ! des rafales
si ardentes qu’elles nous ont blessés
Musiques d’astres intérieurs
qui naissaient dans notre royaume.
Flûtes jouées, le soir venu,
par les mains vagues du rêve.
Et tant de beautés si limpides
qui sont tombées !
Et tourner sans fin dans l’aube
avec la sombre parole au-dedans,
avec le chant à fleur de vie,
ignorants de la fin lointaine.
Nous avons eu tant de choses
à dire, qui n’ont pas été dites !
Et nous regardons dans l’air
voler la musique sans maître,
sans que nous puissions la saisir
avec nos instruments maladroits.
Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
In, « Poésie espagnole. Anthologie 1945 – 1990 »
Actes Sud / Editions Unesco,1995
Du même auteur :
Pas (25/04/2015)
La rencontre (25/04/2017)
Enfant / Niño (25/04/2018)
« J’aimerais, ce soir... / Quisiera esta tarde... » (25/04/2019)
Lamentación
Hemos tenido tantas cosas
que decir, y no se dijeron!
Prodigiosas palabras jóvenes
para herir los oídos viejos.
Maravillosas melodías,
cantos inéditos.
Hemos cantado todos juntos
y hemos llorado en el silencio.
Aprendimos muy dura ciencia
a costa de los propios sueños.
¡Hemos tenido tantas cosas
que decir, y no se dijeron!
¡Hemos salvado tan alegres
los sombríos presentimientos!
Hemos amado cada tallo,
cada frío harapo de invierno,
cada gota de madrugada
con tan loca avidez, sabiendo
que éramos carne de una fábula
que alguien vivía en el misterio!
Tan hermosas canciones! Ráfagas
tan ardientes que nos hirieron.
Música de astros interiores
que nacían en nuestro reino.
Flautas tañidas, en la tarde,
por las manos vagas del sueño.
¡Y tantas limpias hermosuras
como cayeron!
Y girar sin fin en el alba
con la oscura palabra dentro,
con el cantar a flor de vida
ignorando el remoto término.
¡Hemos tenido tantas cosas
que decir, y no se dijeron!
Y miramos cómo en el aire
vuela la música sin dueño,
sin que podamos apresaría
con nuestros torpes instrumentos.
Alegria
Adonais, Madrid, 1947
Poème précédent en espagnol :
Octavio Paz : Pierres de soleil / Piedra de sol (17/02/2016)
Poème suivant en espagnol :
Pablo García Baena: Juin / Junio (27/04/2016)