Jean / Hans Arp (1887 – 1966) : Quatre poèmes
Poèmes
1
les rois coiffent les forêts brandissent les oiseaux grisés et vont aux thermes
sur leurs cannes en fer
les bêtes en croissance dansent sur des cothurnes en verre
les troncs d’arbres se font leurs oiseaux sur mesure
les oiseaux flagellés perdent tout leur sang dans la collonade
2
les fouets claquent et des montagnes descendent les ombres bien coiffées des
bergers
les œufs noirs et les grelots des fous tombent des arbres
les orages les grosses caisses et les tambours saillissent des oreilles des ânes
les ailes frôlent les fleurs
les sources bougent dans les yeux des sangliers
zurich, 1916.
3
l’un après l’autre
en bas se promène la chair étrangère
à l’œil sec
et porte dans chaque ride un ventre
lentement elle peut dire son nom
mot par mot
ligne par ligne
parce qu’elle roule derrière elle
elle se va bien
se comprend
et se connaît toujours
trois fois elle frappe contre son doigt
entrez entrez entrez
alors le contour de sa respiration se tient debout
avec des lèvres de mercure
sur sa langue
qui se glisse au dessous d’elle
avec des roues carrées
qui tournent
quand les rais s’arrêtent
et qui s’arrêtent
quand les rais tournent
année par année sont des années sans années
jour par jour sont des jours sans jours
ainsi vont aussi les bottes au pas articulé
à travers le tuyau de chair vivante
pas par pas
sans gêne avec les couches de leurs années
dans les cages bien collantes et ajustées
année par année sont des années sans années
rome, 1922
4
mais qu’est-ce qui le remplacera
du sommet de la table tombent les ailes
comme des feuilles de terre
devant les lèvres
dans les ailes il fait nuit
et entre les ailes manquent les chaines chantantes
le squelette de la lumière vide les fruits
le corps des baisers ne se réveillera jamais
il n’était jamais réel
la mer des ailes berce cette larme
la cloche parle avec la tête
et les doigts nous conduisent à travers les champs de l’air
vers les nids des yeux
là se fondent les noms
mais qu’est-ce qui le remplacera
dans la hauteur des cieux
ni sommeil ni veille
car les tombeaux sont plus clairs que les jours
paris, 1929
in, Revue «Bifur, N° 5,
Editions du carrefour, 1930
Du même auteur :
Place blanche (13/01/2019)
Joie noire (13/01/2020)
Cuis-moi un tonnerre (13/01/2022)
Une goutte d'homme (22/01/2023)