Armel Guerne (1911 – 1980) : Les maudits
Les maudits
Maudits ils sont par la malédiction qu’ils portent
Et qui les porte comme un fleuve épais, heureux
De ses remous et du bouillon de ses souillures.
Car les eaux sales sont heureuses, loin des sources,
Et ne rêvent jamais d’eau pure ou de fraîcheur :
Dormant dans la tiédeur oui bien véhiculant
Les marques trop visibles de leur majesté,
Demandez-leur comment elles pourraient songer
De les perdre au profit d’une légèreté
Dont toute trace a disparu depuis longtemps
Sous les crasses qui font l’orgueil de la mémoire.
Car la malédiction qu’ils portent, ces maudits,
C’est l’épaisseur de leur mémoire et sa richesse,
La densité de ce puant encombrement
De détritus, que ne visite plus jamais
Le souffle de l’esprit, un air de pureté.
Rhapsodie des fins dernières
Editions Phébus, 1977
Du même auteur :
Froid 02/03/2015)
L’Ouverture (02/03/2016)
Le poids vivant de la parole (02/03/2018)
L’Arbre et le mur (17/06/2024)