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Le bar à poèmes
28 janvier 2015

Monica Mansour (1946 - ) : Lumière / Luz

Mansour-Monica[1]

Lumière

 

 

le vendredi à sept heures du soir

par toutes les portes entre

un flamboiement

pour célébrer la création du monde

chaque septième jour la mer de lumière

se prête de nouveau à la terre

pour que l’on puisse distinguer ses formes

pour que l’on continue à leur donner

chaque jour un nouveau nom

le vendredi à sept heures du soir

tu es morte

en regardant vers la porte

et la lumière t’as inondée

 

depuis un cercueil en bois

arbre creux endormi

ton corps retournera

dans un drap blanc

à l’ombre fraîche de la terre

 

les gens déambulent

chuchotent, se regardent

nul ne sait que faire de la mort, ma sœur

nul ne sait que faire de ta mort

 

sous les cyprès au sommet de la montagne

près des nuages et du silence

le regard se prolonge vers la clarté

six femmes lavent ta peau

elles l’honorent pour la dernière fois

elles prient pour le corps et l’âme

l’eau claire qui le purifie

nous déchirons nos robes à l’endroit du cœur

 

je marche lentement derrière le cercueil de pin

vers la grotte où tu habiteras

le rabbin murmure

l’un après l’autre nous jetons une pelletée de terre noire

afin de revêtir le cercueil nu

et d’y déposer un caillou

les pierres t’accompagneront tout au long du chemin

médiatrices parfaites rédemptrices

dure barrière d’humidité   de feu

pour que tu ne perdes pas ton chemin

pour que tu ne reviennes pas

 

j’aurais préféré gardé la texture de la terre

poudre du caillou que je t’ai déposée en offrande

mais les vivants ont l’obligation de laver la mort

de la laisser à sa place

chaque pierre un fondement de ta nouvelle maison

 

sept jours de prière pour que l’âme dise adieu

sept jours pour qu’elle parte en paix

sept jours de cauchemar

assis par terre

près de la terre où tu reposes

les miroirs sont voilés

l’âme ne voit pas son visage

les proches ne regardent pas leur deuil

les couronnes de pain en cercles parfaits

attrapent en leur centre le vide

pur et protecteur

mémoire

 

la vie s’inventera tous les jours

les proches retourneront dans le monde

les miroirs seront dévoilés

 

aleha ha-shalom

 

Traduit de l’espagnol par Adrien Pellaumail

In « Monica Mansour. Poèmes », 

Edition Caractères, Paris / Ecrits des Forges, Québec, 2009

De la même autrice :

« moi je dis que le monde... » / « yo digo que el mundo... » (07/10/2021)

« Je veux écrire des mots d’oiseaux... » / « quiero escribir palabras de ave... » (07/10/2022)

                                                                                                                                               Silences de terre / Silencios de tierra (07/09/2023)

 

 

Luz

 

el viernes a las siete de la noche

entra por todas las puertas

un resplandor

para celebrar la creación del mundo

cada séptimo día el mar de luz

se presta de nuevo a la tierra

para que logremos distinguir sus formas

para que les sigamos poniendo

cada día un nombre nuevo

el viernes a las siete de la noche

moriste

mirando hacia la puerta

y te inundó la luz

 

desde un cajón de madera

árbol hueco dormido

tu cuerpo volverá

en una sábana blanca

a la sombra fresca de la tierra

 

las personas deambulan

susurran, se miran

nadie sabe qué hacer con la muerte, hermana

nadie sabe qué hacer con tu muerte

 

bajo los cipreses en la cima del cerro

junto a las nubes y el silencio

la mirada se prolonga hacia la claridad

seis mujeres lavan tu piel

la honran por última vez

rezan por el cuerpo el alma

el agua clara que lo purifica

rasgamos los vestidos en el punto del corazón

 

camino lentamente tras el cajón de pino

hacia la gruta que habitarás

el rabino murmura

uno a uno echamos una palada de tierra negra

para arropar la caja desnuda

y colocar encima un guijarro

las piedras te acompañarán en el camino

mediadoras perfectas redentoras

dura valla de humedad    de fuego

para que no pierdas el camino

para que no vuelvas

 

habría preferido atesorar la textura de la tierra

polvo del guijarro que te puse de ofrenda

pero los vivos tienen la obligación de lavar la muerte

dejarla en su lugar

cada piedra un cimiento de tu nueva casa

 

siete días de rezos para que el alma se despida

siete días para que se vaya en paz

siete días de pesadilla

sentados en el suelo

cerca de la tierra en que estás

los espejos están cubiertos

el alma no ve su imagen

los deudos no miran su duelo

las roscas de pan en círculos perfectos

attrapan en su centro el vacío

puero y protector

memoria

 

la vida se reinventará a diario

los deudos volverán al mundo

los espejos se develarán

 

aleha ha-shalom

 

Poema para Silvia

Ediciones del Ermitaño, Mexico, 2000

Poème précédent en espagnol :

Octavio Paz: L’avant du commencement /Antes del Comienzo (17/01/2015)

Poème suivant en espagnol :

Jaime Sabines : « ce n’est qu’en rêve... / sólo en sueños … » (17/04/2015)

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