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Le bar à poèmes
27 janvier 2015

Walt Whitman (1819 – 1892) : Descendance d'Adam / Children of Adam

 

 

 

whitman[1]

 

Descendance d’Adam

 

JUSQU’AU JARDIN LE MONDE

 

Jusqu’au jardin le monde montant à nouveau,

Puissance d’époux, de filles, de fils en prélude,

Etant ou signifiant l’amour et la vie de leurs corps,

Voyez comme est curieuse ma résurrection, j’ai dormi

Mais la ronde des cycles en son vaste manège m’a ramené

Vers vous, je suis mûr, amoureux, tout est beau, tout m’étonne,

M’émerveillent plus que tout mes membres et ce feu frémissant qui y court,

     expliquez-moi pourquoi,

J’existe, je suis vivant, je regarde, je pénètre,

Car le présent me plaît comme me plaît le passé,

Allant à mon côté ou qui me suit derrière

Ou bien qui me précède, Eve, et alors je la suis.

 

DEPUIS LA PRISON DES RIVIERES DOULOUREUSES

Depuis la prison des rivières douloureuses,

Du fond de cela en moi sans quoi je ne serais rien,

Par cela que je veux exalter dans la gloire du jour, fussé-je le seul homme

    à le faire,

Avec ma voix, ma vibrante voix, glorifiant le phallus,

Disant le chant de la procréation,

Disant le chant du besoin d’enfants superbes qui donneront ensuite des adultes

     superbes,

Disant le désir musculaire, la fusion brûlante,

Disant le désir de partager sa couche avec une femme

(L’irrésistible désir !

Le magnétisme corrélatif  du premier corps venu !

Oui, l’urgente corrélation de votre corps, qui que vous soyez ! Là est bien votre

     plaisir, non ?),

Par cette faim rongeuse qui me mange nuit et jour,

Du fond de ces minutes intimes, ces peines pudiques, dont j’alimente mon chant,

Quêtant cet inouï que mes patientes enquêtes échouent à trouver depuis tant d’années,

Disant le chant fidèle de l’âme à l’humeur errante,

Faisant résurrection au plus brut de la Nature parmi les bêtes,

D’elles, de leurs mœurs imprégnant mes poèmes,

De l’odeur des pommes ou des citrons, de l’appariement des oiseaux,

De l’humide des sous-bois, du lapement des vagues,

De la folle avancée des vagues sur le sable, moi, à l’orchestre,

Entamant l’ouverture légère, annonçant la mélodie,

L’approche soulageante, la vue du corps parfait,

Nageur qui nage nu dans l’eau, qui fait la planche paresseuse immobile, sur le dos,

Et voici la femme en ses formes, je suis rêveur, ma chair d’amour frissonne, elle a mal,

Pour elle-même, pour vous, pour tous modelant l’image du divin catalogue,

Le visage, les jambes, la liste complète de cap en pied et ces envies qui naissent,

Délires mystique, fureur amoureuse, total abandon

(Chut ! écoute-moi chuchoter à ton oreille,

Je t’aime, tu me possèdes entièrement,

Toi et moi évadons-nous très loin des autres, pour toujours partons, libres, sans

     contrainte,

Plus libres que le couple de faucons dans le ciel ou que poissons glissant au fond

     de l’océan),

L’orage fulgurant sa course dans mes os, et moi que la passion secoue,

Et notre serment d’inaltérable fidélité que nous jurons ensemble, la femme que

     j’aime et qui m’aime, oui, avec elle, prêtant ce serment

(Tout, j’abandonne sans remords tout pour toi,

S’il le faut, je veux bien être perdu,

Que nous importe, dis-moi, ce que pensent ou font les autres, toi et moi ?

Que nous importe le reste, pourvu que nous nous aimions jusqu’à l’épuisement

     si cela est écrit !)

Par le pilote, par le maître à qui je cède le vaisseau,

Par la permission prise au général qui me commande et qui commande tout,

Par le temps qui hâte le programme (c’est vrai j’ai trop tardé !),

Par le sexe, par l’inhérente maille du tissu,

Par l’intimité, par les longues frustrations solitaires

Par le nombre de fois où la foule des présents n’offre pas la présence souhaitée,

Par la lente caresse des mains glissant sur moi, des doigts qui jouent dans mes

     cheveux, dans ma barbe,

Par l’inépuisablement long baiser sur la bouche, sur la poitrine,

Par la pression intime qui m’enivre comme elle enivre n’importe quel homme,

     et voici que je défaille de bonheur,

Par le savoir de l’époux divin et l’œuvre de paternité

Du cœur de l’exultation, du triomphe et de l’apaisement, d’entre les bras de la

     compagne nocturne,

Par les poèmes en acte de l’œil, de la main, de la hanche et des seins,

Par la prise du bras qui tremble,

Par la courbe du corps penché dans l’étreinte

Par le retrait facile de la couverture en travers du lit,

Par l’extrême réticence de l’autre corps à me lâcher et ma réticence non moins réciproque

(Un simple moment, ô ma douce et je reviens),

Par l’heure des étoile allumées et des rosées sur l’herbe

Du fin fond de la nuit, voici qu’émergeant sur mes ailes

 Je te célèbre acte divin, je vous célèbre enfants conçus,

Je vous chante reins de vigueur.

 

JE CHANTE LE CORPS ELECTRIQUE

1

Je chante le corps électrique,

Celui des foules de ceux que j’aime comme je les ceins,

Qui n’ont de cesse que je les suive, que je leur réponde,

Que je les décorrompe, que je les charge à plein de la charge de l’âme.

 

Qui doutera que ceux qui corrompent leur corps se masquent à eux-mêmes ?

Qui doutera que ceux qui souillent le vivant ne valent pas mieux que ceux

     qui souillent les morts ?

Qui doutera que le corps agisse aussi pleinement que l’âme ?

Le corps ne serait pas l’âme ? Dans ce cas, l’âme quelle est-elle ?

2

Aimer un corps d’homme ou de femme interdit tout commentaire, d’ailleurs 

     le corps lui-même interdit les commentaires        

L’homme a un corps parfait, la femme un corps parfait.

 

La physionomie d’un visage interdit les commentaires,

Et puis ce n’est pas sur le visage seulement qu’on lit la physionomie de

     l’homme bien né,

C’est dans ses bras, ses jambes, ses articulations, oui bizarrement dans

      l’articulations de ses anches, ses poignets,

Dans son allure, le port de son cou, la souplesse de son bassin, ses genoux,

     on voit tout à travers les habits,

Le drap ni le coton ne peuvent cacher la force tendre qui l’habite,

Le meilleur poème de tout c’est quand il passe dans la rue, on en apprend plus,

On se retourne, on regarde son dos, la nuque du cou, les épaules.

 

La plénitude joufflue des bébés, les seins et le visage des femmes, le drapé de

     leur robe, leur style quand on les croise, le dessin de leurs formes jusqu’en bas,

La nudité du nageur dans la piscine, corps vu en transparence de l’eau vert bleuté,

     ou bien balançant  sans bruit, sur le dos, d’avant en arrière dans la houle, face

     vers le ciel,

La flexion du buste des rameurs dans leurs esquifs, en avant puis en arrière,

     l’assiette du cavalier en selle,

Les mères, les filles, les maîtresses de maison en leurs multiples rôles,

Le groupe d’ouvriers penchés sur leurs gamelles à la pause de midi, pendant

     que les épouses attendent,

La femme prodiguant ses caresses à l’enfant, la fille de ferme dans le potager,

      le pré aux vaches,

Le jeune journalier qui désherbe le blé à la houe, le conducteur de traîneau

     maniant  ses six chevaux en pleine foule,

Les  catcheurs en plein combat, les deux petits manoeuvres indigènes, costauds,

     musclés, rigolards qui prennent le frais à la brune dans un terrain vague après

     leur travail,

La casquette, la veste qu’on enlève, le bras qu’on passe au cou pour l’amour et

     les résistances ,

Par-dessus, par-dessous, l’empoignade qui ébouriffe les cheveux et les fait tomber

     dans les yeux ;

Le défilé des pompiers roulant martialement des muscles dans leurs uniformes

     spécifiques, pantalons et ceinturons tirés à quatre épingles,

Leur retour de l’incendie, plutôt lent, et puis, quand la cloche se remet à sonner,

     de nouveau l’arrêt, le guet pour l’alarme,

Corps en positions diverses, toutes belles, tête penchée, cou incliné, suivant le compte ;

Voilà les tableaux qui me plaisent – et moi, qui suis le passant oisif, sans aucune gêne,

     me retrouve petit enfant au sein de la mère,

Nage au milieu des nageurs, catche avec les catcheurs, défile en rang avec les pompiers,

     écoute, compte

3

J’ai connu un homme, un simple fermier, père de cinq fils,

A leur tour pères de fils, pères de fils à leur tour.

 

C’était un homme d’une vigueur, d’une beauté, d’une sérénité merveilleuses,

Le profil de son visage, le jaune pâlissant de ses cheveux, des poils de sa

     barbe, l’infinie profondeur de ses yeux noirs, la générosité affectueuse

     de son commerce

Etaient les buts de ma visite en allant le voir, et puis il avait la sagesse,

Cet homme de quatre-vingt ans, haut de six pieds, que ses fils costauds,

     barbus, soignés, hâlés, bien faits,

Ainsi que ses filles adoraient, d’ailleurs tout le monde l’adorait,

Ne l’adorait pas par obligeance mais d’un engagement personnel,

Il ne buvait que de l’eau, le sang pigmentait d’écarlate le cuivre clair de

     son teint,

Maniait fréquemment le fusil, la canne à pêche, il pilotait aussi son propre

     bateau, splendide voilier à lui offert en cadeau par un charpentier, et

     d’autres amis lui avaient fait présent de ses canardières,

Quand vous le voyiez partir chasser au milieu de ses cinq fils et sa horde

     de petits fils c’était sans conteste lui dont on remarquait en premier la

     beauté et la vigueur,

Ah quel immense plaisir de pouvoir marcher longtemps à ses côtés, de pouvoir

     s’asseoir dans le bateau et d’être en contact physique vous avec lui !

 

4

J’ai compris qu’avoir la compagnie de ceux que j’aimais me suffisait,

Que m’arrêter avec les autres à l’étape le soir me suffisait,

Qu’être entouré de chairs merveilleuses, curieuses, respirantes et riantes

     me suffisait

passer en leur milieu, caresser l’une ou l’autre, poser à peine le bras sur

     tel cou, homme ou femme, ou tel autre un bref instant, oui qu’en dire ?

Il n’y a pas d’autres joies pour moi, je m’y baigne comme dans l’océan !

 

Quelque chose se passe dans le contact suivi avec les hommes et les femmes,

     leur spectacle, leur présence, leur parfum, qui séduit si fort l’âme,

Car l’âme prend plaisir à tout mais surtout à cet élément.

 

5

Voyez les formes de la femme,

Qu’une exhalaison divine nimbe de la tête aux pieds,

Ne m’attirent-elles pas par leur puissant magnétisme,

Regardez-moi pauvre petite vapeur inexistante être aspiré par cette

     haleine, tout a fondu, nous voici seuls,

Devenus cendres : livres, art, religion, temps, terre visible et solide,

     espérances ou craintes promises par ciel ou enfer,

Les filaments de la folie, liaisons irrésistibles, irradient de partout,

     comment réprimerais-je l’écho de mon côté,

Cheveux, poitrine, hanches, pli des genoux, bras désinvoltes sont ondes

     diffuses comme sont les miens,

Jusant qu’excite le flux, flux par le reflux pressé, douleur délicieuse de

     la chair que l’amour gonfle,

Larges éjaculations d’amour chaud, d’amour fluide, jus frémissant, décharge

     blanche, gelées du délire,

 Et l’époux de la nuit qui s’applique à son ouvrage précis et tendre jusqu’à

     l’aube des épuisements

Ondule dans l’acquiescement harmonieux du jour,

S’oublie dans l’adhésion des bras de l’aube à chair tendre.

 

C’est cela le noyau central – après la naissance de l’enfant au ventre de

     la femme, l’homme naît du ventre de la femme,

Grand bain des naissances, fusion des tailles larges et petites, avant l’ultime

     naissance.

 

Femmes ne rougissez pas, vous détenez le privilège qui inclut tous les autres,

Vous êtes l’entrée et la sortie du corps, vous êtes l’entrée et la sortie de l’âme.

 

Toutes les qualités sont dans le féminin qui les nuance,

La femme aux gestes équilibrés tient son rang,

Elle est toutes les choses sous leur voile approprié, elle est active aussi bien que

     passive,

Elle met au monde les filles aussi bien que les fils : il n’y a pas de différence.

 

Contemplant mon âme au reflet de la Nature,

Contemplant comme à travers un voile, ne faisant qu’Un avec l’inexprimable

     perfection, santé, beauté,

contemplant la tête infléchie, les bras repliés sur les seins, c’est le féminin que

     je vois.

6

Le masculin - a sa place lui aussi – n’est pas davantage ni moins âme,

Toutes les qualités sont en lui, en lui action, puissance,

En lui la pleine lumière de l’univers connu,

En lui la raillerie l’appétit la défiance, qui lui vont bien,

Les passions les plus immensément folles, la joie à son sommet comme

     l’enfer des douleurs lui vont bien,

L’orgueil aussi – quoi de plus apaisant, quoi de plus excellent pour l’âme

     que l’orgueil masculin dans toute son envergure,

La connaissance lui va bien, c’est un plaisir sans faille, par lui tout est soumis

     à son propre critère,

Qu’importe l’arpentage, qu’importe la voile, qu’importe la mer, le coup de

     sonde final sera en fait en lui et par lui.

(Sonde-t-il jamais autrement ou ailleurs?)

 

Sacré est le corps masculin comme sacré est le corps féminin,

L’individu, quel qu’il soit, son corps est sacré – s’agit-il du plus humble de

     l’équipe des manœuvres ?

S’agit-il de l’émigrant à mine obtuse à peine débarqué sur le quai ?

Ici, n’importe où, ils sont à leur place tels qu’ils sont, tout autant que l’homme

     riche ou que vous,

Chacun, elle ou lui,  participe à la même procession.

 

(L’unique procession,

La procession de l’univers de vitesse parfaite et mesurée.)

 

 

Dites, en savez-vous vous-même tellement que vous puissiez vous permettre

     d’appeler le plus humble ignare ?

De quel droit estimeriez-vous avoir le droit d’avoir une onne vue, vous et pas

     les autres ?

Et alors vous pensez comme çà que la matière s’est solidifiée à partir de nuées

     diffuses pour qu’il y ait du sol à la surface, que les rivières coulent et que les

     feuilles poussent,

Rien que pour vous, et pas pour eux, lui ou elle ?

7

On a mis un corps d’homme aux enchères

(La scène se passe avant la guerre, c’est ma coutume d’assister à la vente

     des esclaves),

J’aide le vendeur, il est nul, il ne connaît pas son boulot.

 

S’il vous plaît, messieurs, contemplez-moi un peu cette merveille,

Est-ce que la plus élevée des enchères du plus fortuné des acquéreurs sera

     suffisante : non !

Pour ce corps, le globe est demeuré en gestation pendant des quintillions

     d’années sans vie animale ni végétale,

Pour ce corps ont tourné les roues régulières et lourdes des cycles planétaires.

 

Dans ce corps, un cerveau, une boîte à surprises,

Dans ce corps, au bas de ce corps, une fabrique de héros.

 

Ces bras, ces jambes, rouges, noirs ou blancs, observez bien, n’ont-ils pas

     finesse musculaire et nerveuse,

Si vous y tenez, nous irons jusqu’à les disséquer pour que vous voyiez bien.

 

Exquise acuité des sens, flamme de vie dans les yeux, culot et détermination,

Carapace des muscles pectoraux, souplesse de l’axe du cou, des vertèbres, 

     fermeté de la chair, bonne solidité des bras, des jambes,

Sans compter les merveilles cachées sous la peau !

 

Là où coule le sang,

Ce bon vieux sang unique, ce brave liquide rouge, universel !

Là où se dilate, là où gicle un cœur, où battent passions, désirs, projets, ambitions

(Parce que vous croyez qu’incapables de s’exprimer dans les salons ou les salles

     de conférences ils n’existeraient pas ?)

 

Il n’y a pas qu’un homme devant vos yeux, mais un père d’hommes qui seront

     pères à leur tour,

Qui seront la souche d’Etats peuplés, de républiques florissantes, 

La source d’innombrables vies immortelles aux innombrables incarnation

     des plaisrs.                         

Qui peut dire quelle sera la descendance de sa descendance dans les siècles futurs ?

(Et si l’on remontait le cours des siècles passés pour vous-mêmes, qui sait qui l’on

     trouverait au commencement ?)

8

Voici maintenant qu’est mis en vente un corps de femme,

Or ce n’est pas elle seule que l’on vend, c’est toute une fécondité de mères futures,

Qui portent en elle des fils qui mûriront, qui seront les époux de ces mères.

 

Avez-vous déjà aimé un corps de femme ?

Avez-vous déjà aimé un corps masculin ?

Ne comprenez-vous donc pas quel que soit le pays, quelle que soit l’époque tous

     se ressemblent ?

 

Non, rien de plus sacré que le corps humain !

C’est douceur et gloire de l’homme qu’un tel gage de virilité sans souillure,

Corps d’homme ou de femme qui est fort, qui est sain, bien musclé, a plus de

     beauté en lui que le plus beau visage.

 

Avez-vous déjà vu comment, homme ou femme, les vivants parfois détruisent

     bêtement leurs corps ?

impossible de dissimuler ce qu’eux-mêmes, d’ailleurs, ne cherchent pas à masquer !

9

Toi mon corps! Comment oserais-je trahir ton image en mes semblables, hommes

     ou femmes, oserais-je trahir tes organes,

Tant j’ai conviction que ton image est étroitement soudée à l’image de mon âme

     (qu’elle est mon âme elle-même),

Tant j’ai conviction que ton image est étroitement soudée à mes poèmes, qu’elle

     est mes poèmes eux-mêmes,

 Poèmes de l’homme, la femme, l’enfant, l’adolescent, l’épouse, l’époux, la mère,

     le père, le garçon, la jeune fille,

Cheveux, cou, tête, oreilles, lobe, tympan,

Yeux, franges de l’œil, iris de l’œil, sourcils, éveil ou chute des paupières,

Bouche, langue, lèvres, dents, voûte du palais, mâchoires et leur pivot,

Nez, narines, cloisons nasales,

Joues, tempes, front menton, gorge, nuque, axe du cou,

Carrure, barbe virile, omoplates, haut du dos, ample cercle de la cage thoracique,

Humérus, aisselle, trochlée du coude, avant-bras, muscles, os du bras,

Poignet, attaches du poignet, attaches des doigts, paume, carpes, pouces, index,

     jointures, ongles,

Envergure du poitrail, toison bouclée sur la poitrine, sternum, seins,

Côtes, ventre, vertèbres, colonne des vertèbres,

Hanche, glène des hanches, vigueur des hanches, cirque interne externe du bassin,

     bourses d’homme, racine sexuelle,

Puissant couple des cuisses, assise mobile du tronc,

Tendon des jambes, genou, rotule, fémur, tibia,

Chevilles, cou-de-pied, voûte plantaire, doigts, tarses, talon ;

Ensemble des allures, plasticité générale, propriétés de mon corps, votre corps,

     tous les corps, homme ou femme,

Eponge des poumons, sac stomacal, viscères soyeux et nets,

Plis du cerveau dans la boîte crânienne,

Affections, valvules cardiaques, glotte et luette, sexualité, maternité,

Féminité, et toute la femme, et l’homme qui sort de la femme,

L’utérus, les tétons, les bouts de sein, le lait, les larmes, le rire, les pleurs,

     l’échange des regards amoureux, les élans de l’amour, le désordre de l’amour,

La voix, l’expression, le langage, les murmures, la parole haute et claire,

L’aliment, la boisson, le pouls, la digestion, la sueur, le sommeil, la marche, la nage,

L’assiette des hanches, le saut, la sieste, l’étreinte des bras, le cercle des bras qui se  

     serrent

L’humeur changeante des plis de la bouche, des rides de l’œil,

La peau, le hâle solaire, les rousseurs, les poils,

L’étrange complicité sensible en la main qui caresse la chair nue du corps,

Ces ondes circulaires notre souffle, inhalant, expirant,

La merveille de la taille, donc des hanches, donc plus bas des genoux,

Ces confitures rouges et fluides en nous, vous et moi, les os, la moelle à l’intérieur,

L’exquise sensation de la bonne santé ;

Eh bien j’affirme que ce ne sont pas seulement poèmes élémentaires du corps ; mais

     l’âme aussi,

Oui, je dis qu’ils sont l’âme !

JE SUIS ATTENDU PAR UNE FEMME

Je suis attendu par une femme, tout est en elle, rien ne manque,

Car le sexe manquerait-il, tout manquerait, comme si manquait le jus

     de l’homme fait pour elle.

 

Tout, âme et corps, est dans le sexe,

Sens, preuves, puretés, orgueil, mystère maternel, lait séminal,

Espoirs, bénéfactions, legs généreux, foule des passions, amours, splendeurs,

     plaisirs de la terre,

Gouvernements, juges, dieux, personnages escortés,

Tout est dans le sexe, fait partie du sexe, justifie le sexe.

 

Il n’a pas honte mon ami l’homme, il le sait, il l’avoue, le plaisir délicieux

     que lui donne son sexe,

Elle n’a pas honte mon amie la femme, qui sait et qui avoue le sien.

 

C’est pourquoi vous me voyez quitter tout de suite la femme froide,

Pour aller chez celle qui m’attend, et autres femmes au sang brûlant qui

     sont à mon goût,

Elles me comprennent, elles, elles ne me frustrent pas,

Elles sont à ma mesure, je veux être leur époux solide.

 

Mes égales parfaites,

Au visage hâlé par l’éclat du soleil, par le souffle des vents,

Qui ont cette vieille félinité et fermeté divine en leur chair,

Qui savent nager, qui savent ramer, monter à cheval, lutter, tirer au fusil,

     courir, frapper, décrocher, avancer, résister, se défendre,

Et vont aux extrémités pour leur droit – calmement, calmement, en

     parfait sang-froid.

 

Je vous prend dans mes bras, femmes,

Et ne vous lâche pas, je vous ferai du bien,

Je suis dans votre camp comme vous dans le mien, pas seulement pour vous,

     mais aussi pour les autres,

Car dorment enveloppés en vous de plus gigantesques héros et leurs bardes

Qui refusent d’êtres réveillés par un autre que moi.

 

C’est moi, femmes, me voici, j’entre,

Je suis dur, acéré, grand, indissuadable, et qui vous aime

Sans vous blesser plus profondément qu’il ne faut,

Répandant à foison la matière à faire naître filles et fils aptes à nos Etats,

     vous pressant lentement de mon muscle rigide,

M’armant de patience efficace, n’écoutant nulle supplique,

N’osant pas m’en aller tant que n’aura pas été libérée cette longue accumulation

     en moi .

 

En vous j’épuise les rivières comprimées de mon être,

En vous j’enclos un millier d’années pour le futur,

Sur vous je greffe les greffes de mes propres préférences qui sont le choix de

     l’Amérique,

Ces gouttes que je distille en vous deviendront filles athlétiques et fortes, nouveaux

     artistes, chanteurs ou musiciens,

Ces enfants que j’engendre avec vous, à leur tour reproduiront leur descendance,

J’escompte de mes frasques amoureuses des hommes, des femmes parfaits,

J’attends d’eux, comme nous à présent, qu’ils s’interpénètrent,

Me fondant sur la fertilité de leurs vagues inondantes comme je compte sur la fertilité

     des vagues déferlantes que je libère ici,

Espérant voir lever d’amoureuses moissons d’entre ces plants de vies, naissance,

     mort, immortalité qu’en vous je plante amoureusement.

 

MON MOI SPONTANE

Mon moi spontané la Nature,

Ce jour tendre, le soleil ascendant, l’amie qui est ma joie,

Les bras de mon amie paresseusement à mon épaule,

Le coteau de la colline blanchi des fleurs du tremble montagnard,

Le même arbre à l’automne, teinte rouge, jaune sale, pourpre, vert pâle

     ou sombre,

La riche couverture de l’herbe, les bêtes, les oiseaux, le talus privé livré à

     l’herbe folle, les pommes sauvages, les galets,

Tous ces fragments qui dégouttent de rosée, leur liste désinvolte l’un après

     l’autre, les convoquant à la pensée ou même jusqu’à moi,

Ces poèmes réels (ne se nomment poème, d’ordinaire que de banales images),

Poèmes d’intimité nocturne, d’hommes semblables à moi,

Ce poème mon poème que mon corps véhicule tout coiti, débandé, comme

     font les autres hommes

(Je fais exprès de le dire : sachez donc que partout où circulent des hommes

     comme moi, nous accompagnent nos secrets et raides poèmes masculins),

Pensées d’amour, jus d’amour, odeurs d’amour, fentes d’amour, déroulements

     d’amour et sève montante,

Bras, mains d’amour, lèvres d’amour, gros doigt phallique d’amour, seins d’amour,

     ventres pressés ensemble par la colle d’amour,

Terre du chaste amour, vie qui n’est qu’une vie d’après l’amour,

Le corps de mon amour, le corps de la femme qui est mon amour, le corps de l’homme,

     le corps de la terre,

Tendres souffles d’avant-midi qui viennent du sud-ouest,

L’abeille sauvage velue qui murmure d’avidité sur sa tige, agrippe la fleur-femme toute

     épanouie, la courbe ferme de ses pattes amoureuses, en fait son plaisir, et se tient

     toute frémissante et tendue jusqu’à l’assouvissement.

Le mouillé des sous-bois à l’aube,

Les deux corps blottis l’un contre l’autre toute une nuit, voici qu’un bras s’est enlacé

     à l’oblique sous une taille,

Le parfum des pommes, l’arôme des sauges écrasées, la menthe, l’écorce du bouleau,

Les faims de l’enfant, œil fiévreux, souffle lourd tandis qu’il me confie la nature de

     ses rêves,

La feuille morte en sa tourbillonnante vrille jusqu’au sol où elle trouve l’apaisement,

L’indistincte fourmilière m’aiguillonnant de ses spectacles, gens, objets,

Moi-même en mon moyeu plus dru que je ne fais les autres,

La délicate paire d’orbes jumeaux en ses replis de chair intimement palpable des

     seuls privilégiés ,

Cette exploreuse la main qui parcourt tout le corps, les réticences timides de la chair

     sous la caresse apaisante des doigts qui s’insinuent,

Le liquide clair aux glandes de l’homme jeune,

Le tourment de l’envie, la pensée corrosive,

L’irritable vague incapable d’assouvissement,

L’écho du désir en moi répondant à l’écho du désir en l’autre,

Le jeune homme qui n’en finit pas de rougir et le visage de la jeune femme qui

     s’empourpre,

le jeune homme au milieu de la nuit qui s’éveille, qui s’applique, main brûlante,

     à réprimer la toute-puissance de son désir,

L’amoureuse nuit mystique, les étranges angoisses à demi provoquées, les visions,

    les sueurs,

Le pouls qui cogne aux paumes, les doigts tremblants qui s’étreignent, les joues

     colorées par la honte et la colère du jeune homme ;

L’aspersion mouillée de la mer mon amante sur mon corps offert et nu,

Le plaisir fou des petits jumeaux à barboter dans l’herbe au soleil, sous la vigilance

     jamais en défaut du regard maternel,

Le tronc des noyers, la bogue des noix, le mûrissement des longues noix rondes,

La continence des végétaux, des oiseaux, des animaux,

Et donc ma sotte mesquinerie à moi de prétendre bouder ou m’estimer

     indécent quand oiseaux ni animaux ne boudent ni n’ont jamais honte,

Cette grande chasteté de la paternité à quoi est égale cette autre grande chasteté

     de la maternité,

Mon serment de procréation que je vous ai juré, mes douces filles adamiques,

L’insatiable faim qui jour et nuit me ronge et m’affame tant que je n’aurai pas

     rempli le ventre d’où produire les garçons mes héritiers posthumes,

La plénitude du repos satisfait, assouvi,

Et ce bouquet enfin, cueilli au hasard de moi-même,

Que je jette à la ronde, il a rempli son rôle, qu’il tombe ou il voudra !

 

UNE HEURE POUR LA FOLIE, POUR LA JOIE 

Une heure pour la folie, pour la joie ! Ô fureur ! qu’on ne m’enferme pas !

(Ces orages par quoi je me délivre, d’où viennent-ils ?

Mes hurlements au milieu des éclairs, du vent qui rage, quel est leur sens ?)

 

Je veux boire plus profond qu’aucun homme aux délires mystiques !

Tendres et sauvages douleurs ! (Mes enfants je vous les lègue,

C’est pour vous que je les chante, mari et épouse, j’ai des raisons pour cela.)

Qu’importe qui vous êtes, je veux m’offrir à vous en défiance du monde, vous

     voir offerts à moi !

Oui ! revenir au paradis ! Ah ! timidité féminine !

Vous séduire à moi, plaquer sur vos lèvres le premier baiser d’un homme

     déterminé.

 

Ô perplexité, nœud triple, mare sombre à l’eau profonde, qui s’illumine, qui

     se dénoue !

Se hâter là où suffit l’amplitude d’air et d’espace !

Absoudre les anciens liens conventionnels, vous les vôtres, vous de mon côté !

Découvrir une nonchalance inouïe, suprêmement naturelle !

Débâillonner la bouche !

Sentir à tout moment, aujourd’hui, sa propre plénitude satisfaite.

 

Avoir envie d’invérifiable ! de transes !

Inexorablement fuir les ancres, les attaches !

Foncer libre ! aimer libre ! intrépide et casse-cou aller de l’avant !

Flirter avec la mort par provocation, par séduction !

Gravir d’un bond l’échelle du ciel jusqu’à l’amour qui m’attend !

M’y porter de toute l’ivresse de mon âme !

Me perdre si c’est écrit !

Mais remplir mes derniers moments d’une heure de liberté totale !

D’une courte heure de joie, de folie.

PAR CE MOUVANT OCEAN LA FOULE

Par ce mouvant océan la foule une petite goutte a plu sur moi

Qui m’a chuchoté Je t’aime et bientôt je mourrai,

J’ai accompli ce long voyage pour te voir simplement, te toucher,

Tant j’avais crainte de mourir sans te connaître,

Tant j’avais crainte de te perdre dans l’au-delà.

 

Nous nous sommes vus, nous nous sommes reconnus, nous ne craignons plus rien,

Repars en paix vers mon amour l’océan,

J’en fais part moi aussi, rien vraiment ne nous sépare,

Vois l’immense courbure, la ronde cohésion du monde si parfaite !

Toi et moi cependant, l’irrésistible mer nous séparera,

Qui nous a fait singuliers une brève heure mais dans l’éternité ne nous distinguera pas ;

Pas d’impatience ! doucement ! sache que je saluerai l’air, la terre et l’océan

Pour toi mon amour, tous les soirs au coucher du soleil.

 

LE MANEGE DES AGES PAR CYCLES S’EN REVENANT

Le manège des âges par cycles s’en revenant,

L’indestructible ronde, ronde immortelle,

Moi, phallique, plein de sève, puissance des reins originelle, tendresse totale,

Chante mes chants adamiques,

Appelle dans le nouveau jardin à l’Ouest les grandes cités,

Prélude en moi mon délire aux générations, fais offrande d’elles-mêmes, de

     moi-même,

Me baigne dans le Sexe, y baigne mes chants,

Graines de mes reins.

VICTIMES D’UNE SI LONGUE ILLUSION TOUS LES DEUX

Victimes d’une si longue illusion tous les deux,

Aujourd’hui transmués, fuyant à la vitesse de la Nature,

Nous-mêmes la nature, rentrant après une longue absence,

Devenons plantes, troncs, feuillages, racines, écorces,

Prenons pieds dans le sol, sommes rochers,

Sommes chênes, poussons dans les clairières côte à côte,

Broutons, parmi les hardes sauvages couple des plus spontanés,

Nageons paire de poissons au fond de l’océan,

Diffusons nos senteurs soir et matin dans les sentiers embaumés d’acacia,

Etant tout aussi bien l’âpre chancre des bêtes, des minéraux, des plantes,

Eperviers prédateurs ensemble montant très haut d’où voir le sol en bas,

Soleils éblouissants, l’un et l’autre, nous suspendant orbes d’étoiles, couples

     de comètes,

Quadrupèdes à griffes rôdant dans les sous-bois fondant sur nos victimes,

Nuage double dérivant au fond du ciel d’après-midi ou du matin,

Mers à l’unisson, vagues folâtres roulant l’une sur l’autre et nous entre-mouillant,

Couleur d’atmosphère, transparente, plastique, perméable, imperméable,

Pluie et neige, nu et froid, produit et influence du globe chacun,

Après tant et tant de milliers de cercles voici qu’enfin nous revenons chez nous,

     tous les deux,

Ayant tout épuisé sauf la liberté et notre propre joie.

HYMEN ! OH ! HYMENEE !

Hymen ! Oh ! Hyménée ! pourquoi ce supplice de Tantale ?

Pourquoi cet aiguillon d’un aussi court instant ?

Pourquoi ne pas durer ?Pourquoi cesser si vite ?

Est-ce parce que au-delà de l’éphémère viendrait tantôt une mort imparable ?

JE SUIS CELUI A QUI L’AMOUR DE L’AMOUR FAIT MAL

Je suis celui à qui l’amour de l’amour fait mal ;

 La terre gravite-t-elle ? la matière n’attire-t-elle pas à elle la matière en souffrant ?

De même mon corps pour mes amis fidèles, mes amis de rencontre

MOMENTS NATURELS

Quand vous vous abattez sur moi, moments naturels, c’est tout de suite,

     c’est maintenant, 

Donnez-moi l’exclusivité de vos joies libidineuse,

Ouvrez-moi le flot de mes passions, donnez-moi la vie à cru et saignante,

Aujourd’hui nous sommes de sortie ensemble, les chéris de la Nature et

     moi, jusqu’au soir,

Je donne mes faveurs à ceux qui aiment les plaisirs faciles, je me joins aux

     orgies nocturnes des jeunes gens,

Je danse avec les danseurs, je bois avec les buveurs,

Nous réveillon l’écho de nos cris indécents, l’ami les plus humble fait mon

     affaire,

C’est une canaille, un analphabète, mal embouché, qui aura commis des crimes,

     condamnés par les autres,

J’ai assez de jouer un rôle, au nom de quoi m’exilerais-je de mes compagnons ?

Vous, les exclus, au moins je ne vous fuis pas,

Me voici tout de go au milieu de vous, votre poète,

Comptant plus que quiconque au monde pour vous.

UN JOUR PASSANT PAR UNE CITE POPULEUSE

Un jour passant par une cité populeuse je m’imprimai dans le cerveau pour un

     futur usage son architecture, ses coutumes, ses scènes, ses traditions,

Quoique aujourd’hui de cette ville ne me reste plus que l’image d’une femme

     rencontrée par hasard dont l’amour me captiva,

Plusieurs jours, plusieurs nuits, nous passâmes tous deux ensemble, le reste je

     l’ai oublié depuis si longtemps,

 Ne me rappelant plus, dis-je, que cette femme aux enlacements passionnés,

D’ailleurs voici qu’une fois encore nous marchons, nous nous aimons, nous nous

     séparons,

Voici qu’elle me tient par la main, ne t’en vas pas !

Muette à mon côté je la revois, ses lèvres qui m’implorent.

DOUCEUR SOLENNELE DE L’ORGUE. JE TE GARDE AU TUYAU

DE MON OREILLE

Douceur solennelle de l’orgue je te garde au tuyau de mon oreille depuis dimanche

     matin où je passai devant l‘église,

Et vous, vents de l’automne, comme j’allais aux sous-bois dans le soir j’ai entendu

     vos longues plaintes murmurantes entre les branches,

J’ai entendu le chant merveilleux du ténor italien à l’Opéra, j’ai entendu la voix de

     la soprano monter du fond du quatuor ;

Cœur de mon amour ! ne t’ai-je pas toi aussi perçue murmurant tout bas à ton poignet

     contre ma tête,

N’ai-je pas entendu battre ton pouls au milieu des carillonnantes musiques à mon

     oreille toute cette nuit ?

REGARDANT VERS L’OUEST DEPUIS LA CÔTE CALIFORNIENNE, 

Regardant vers l’ouest depuis la côte californienne,

M’informant, sans relâche, quêtant l’inouï,

Moi l’enfant, d’âge vénérable, par-delà les vagues et jusqu’à la maison de maternité,

     la terre aux migrations, mes yeux m’emportent,

Au loin, très loin de la mer occidentale, la boucle étant presque bouclée ;

Parti vers l’ouest de l’Hindoustan, parti des vallées du Cachemire,

Parti d’Asie, au Nord, laissant le Dieu, le prophète, le héros,

Parti du Sud, quittant les péninsules fleuries, les îles poivrées,

Au bout d’une longue errance tout autour de la ceinture de la terre,

Me voici en face de chez moi, à nouveau, joie et plaisir !

(Oui mais le but pour lequel je partis naguère, où est-il ?

Pourquoi ne l’ai-je pas trouvé ?)

COMME AU MATIN ADAM DE TRES BONNE HEURE

Comme au matin Adam de très bonne heure

Sortit de son jardine recru par le sommeil,

Voyez-moi, écoutez ma voix, approchez de ma route,

Touchez-moi, pressez la paume de votre main contre mon corps qui passe,

Qu’il ne vous fasse pas peur !                                  

 

Traduit de l’anglais par Jacques Darras

In, Walt Whitman :“ Feuilles d’herbes"

Editions Gallimard (Poésie), 2002

Du même auteur :

Drossé au sable / Sea-drift (25/07/2017)

Chanson de moi-même / Song of myself (28/01/2017)

Départ à Paumanok / Starting from Paumanok (28/01/2017)

Envoi / Inscriptions (28/01/2019)

Calamus (28/01/2020)

Salut au monde ! (28/01/2021)

Chanson de la piste ouverte /Song of the open road (28/01/2022)

La chanson du Grand Répondant - Notre antique feuillage /Song of the answerer / Our old feuillage (28/01/2023)

Sur le bac de Brooklyn / Crossing Brookling ferry (31/07/2022)

Chanson des joies / A song of joys (28/01/2024)

 

 

Children of Adam

TO THE GARDEN THE WORLD

To the garden the world anew ascending,

Potent mates, daughters, sons, preluding,

The love, the life of their bodies, meaning and being,

Curious here behold my resurrection after slumber,

The revolving cycles in their wide sweep having brought me again,

Amorous, mature, all beautiful to me, all wondrous,

My limbs and the quivering fire that ever plays through them, for reasons,

     most wondrous,

Existing I peer and penetrate still,

Content with the present, content with the past,

By my side or back of me Eve following,

Or in front, and I following her just the same.

 

FROM PENT-UP ACHING RIVERS. 

From pent-up aching rivers,

From that of myself without which I were nothing,

From what I am determin'd to make illustrious, even if I stand sole among men,

From my own voice resonant, singing the phallus,

Singing the song of procreation,

Singing the need of superb children and therein superb grown people,

Singing the muscular urge and the blending,

Singing the bedfellow's song, (O resistless yearning!

O for any and each the body correlative attracting!

O for you whoever you are your correlative body! O it, more than all else, you

    delighting!)

From the hungry gnaw that eats me night and day,

From native moments, from bashful pains, singing them,

Seeking something yet unfound though I have diligently sought it many a long year,

 Singing the true song of the soul fitful at random,

Renascent with grossest Nature or among animals,

Of that, of them and what goes with them my poems informing,

Of the smell of apples and lemons, of the pairing of birds,

Of the wet of woods, of the lapping of waves,

Of the mad pushes of waves upon the land, I them chanting,

The overture lightly sounding, the strain anticipating,

The welcome nearness, the sight of the perfect body,

The swimmer swimming naked in the bath, or motionless on his back lying and floating,

The female form approaching, I pensive, love-flesh tremulous aching,

The divine list for myself or you or for any one making,

The face, the limbs, the index from head to foot, and what it arouses,

The mystic deliria, the madness amorous, the utter abandonment,

(Hark close and still what I now whisper to you,

I love you, O you entirely possess me,

O that you and I escape from the rest and go utterly off, free and lawless,

Two hawks in the air, two fishes swimming in the sea not more lawless than we;)

The furious storm through me careering, I passionately trembling.

The oath of the inseparableness of two together, of the woman that loves me and whom

     I love more than my life, that oath swearing,

(O I willingly stake all for you,

O let me be lost if it must be so!

O you and I! what is it to us what the rest do or think?

What is all else to us? only that we enjoy each other and exhaust each other if it must

     be so;)

From the master, the pilot I yield the vessel to,

The general commanding me, commanding all, from him permission taking,

From time the programme hastening, (I have loiter'd too long as it is,)

From sex, from the warp and from the woof,

From privacy, from frequent repinings alone,

From plenty of persons near and yet the right person not near,

From the soft sliding of hands over me and thrusting of fingers through my hair

     and beard,

From the long sustain'd kiss upon the mouth or bosom,

From the close pressure that makes me or any man drunk, fainting with excess,

From what the divine husband knows, from the work of fatherhood,

From exultation, victory and relief, from the bedfellow's embrace in the night,

From the act-poems of eyes, hands, hips and bosoms,

From the cling of the trembling arm,

From the bending curve and the clinch,

From side by side the pliant coverlet off-throwing,

From the one so unwilling to have me leave, and me just as unwilling to leave,

(Yet a moment O tender waiter, and I return,)

From the hour of shining stars and dropping dews,

From the night a moment I emerging flitting out,

Celebrate you act divine and you children prepared for,

And you stalwart loins.

I SING THE BODY ELECTRIC.

1

I sing the body electric,

The armies of those I love engirth me and I engirth them,

They will not let me off till I go with them, respond to them,

And discorrupt them, and charge them full with the charge of the soul.

 

Was it doubted that those who corrupt their own bodies conceal themselves?

And if those who defile the living are as bad as they who defile the dead?

And if the body does not do fully as much as the soul?

And if the body were not the soul, what is the soul?

2

The love of the body of man or woman balks account, the body itself balks account,

That of the male is perfect, and that of the female is perfect.

The expression of the face balks account,

But the expression of a well-made man appears not only in his face,

It is in his limbs and joints also, it is curiously in the joints of his hips and wrists,

It is in his walk, the carriage of his neck, the flex of his waist and knees, dress does not

     hide him,

The strong sweet quality he has strikes through the cotton and broadcloth,

To see him pass conveys as much as the best poem, perhaps more,

You linger to see his back, and the back of his neck and shoul-der-side.

The sprawl and fulness of babes, the bosoms and heads of women, the folds of their

     dress, their style as we pass in the street, the contour of their shape downwards,

The swimmer naked in the swimming-bath, seen as he swims through the transparent

     green-shine, or lies with his face up and rolls silently to and fro in the heave of the

     water,

The bending forward and backward of rowers in row-boats, the horseman in his saddle,

Girls, mothers, house-keepers, in all their performances,

The group of laborers seated at noon-time with their open dinner-kettles, and their wives

     waiting,

The female soothing a child, the farmer's daughter in the garden or cow-yard,

The young fellow hoeing corn, the sleigh-driver driving his six horses through the crowd,

The wrestle of wrestlers, two apprentice-boys, quite grown, lusty, good-natured,

     native-born, out on the vacant lot at sun- down after work,

The coats and caps thrown down, the embrace of love and resistance,

The upper-hold and under-hold, the hair rumpled over and blind-ing the eyes;

The march of firemen in their own costumes, the play of masculine muscle through

     clean-setting trowsers and waist-straps,

The slow return from the fire, the pause when the bell strikes suddenly again, and the

     listening on the alert,

The natural, perfect, varied attitudes, the bent head, the curv'd neck and the counting;

Such-like I love—I loosen myself, pass freely, am at the mother's breast with the little

     child,

Swim with the swimmers, wrestle with wrestlers, march in line with the firemen, and

     pause,listen, count.

3

I knew a man, a common farmer, the father of five sons,

And in them the fathers of sons, and in them the fathers of sons.

his man was of wonderful vigor, calmness, beauty of person,

The shape of his head, the pale yellow and white of his hair and beard,

     the immeasurable meaning of his black eyes, the richness

     and breadth of his manners,

These I used to go and visit him to see, he was wise also,

He was six feet tall, he was over eighty years old, his sons were massive,

     clean, bearded, tan-faced, handsome,

They and his daughters loved him, all who saw him loved him,

They did not love him by allowance, they loved him with personal love,

He drank water only, the blood show'd like scarlet through the clear-brown

     skin of his face,

He was a frequent gunner and fisher, he sail'd his boat himself, he had a

     fine one presented to him by a ship-joiner, he had fowling-pieces

     presented to him by men that loved him,

When he went with his five sons and many grand-sons to hunt or fish,

     you would pick him out as the most beautiful and vigorous of the gang,

You would wish long and long to be with him, you would wish to sit by

     him in the boat that you and he might touch each other.

 

4

 

I have perceiv'd that to be with those I like is enough,

To stop in company with the rest at evening is enough,

To be surrounded by beautiful, curious, breathing, laughing flesh is enough,

To pass among them or touch any one, or rest my arm ever so

     lightly round his or her neck for a moment, what is this then?

I do not ask any more delight, I swim in it as in a sea.

 

There is something in staying close to men and women and looking on them,

     and in the contact and odor of them, that pleases the soul well,

All things please the soul, but these please the soul well.

 

5

This is the female form,

A divine nimbus exhales from it from head to foot,

It attracts with fierce undeniable attraction,

I am drawn by its breath as if I were no more than a helpless vapor, all falls aside but

     myself and it,

Books, art, religion, time, the visible and solid earth, and what was expected of heaven

     or fear'd of hell, are now consumed,

Mad filaments, ungovernable shoots play out of it, the response likewise ungovernable,

Hair, bosom, hips, bend of legs, negligent falling hands all dif fused, mine too diffused,

Ebb stung by the flow and flow stung by the ebb, love-flesh swell-ing and deliciously

     aching,

Limitless limpid jets of love hot and enormous, quivering jelly oflove, white-blow and

     delirious juice,

Bridegroom night of love working surely and softly into the prostrate dawn,

Undulating into the willing and yielding day,

Lost in the cleave of the clasping and sweet-flesh'd day.

 

This the nucleus—after the child is born of woman, man is born of woman,

This the bath of birth, this the merge of small and large, and the outlet again.

 

Be not ashamed women, your privilege encloses the rest, and is the exit of the rest,

You are the gates of the body, and you are the gates of the soul.

 

The female contains all qualities and tempers them,

She is in her place and moves with perfect balance,

She is all things duly veil'd, she is both passive and active,

She is to conceive daughters as well as sons, and sons as well as daughters.

 

As I see my soul reflected in Nature,

As I see through a mist, One with inexpressible completeness, sanity, beauty,

See the bent head and arms folded over the breast, the Female I see.

6

The male is not less the soul nor more, he too is in his place,

He too is all qualities, he is action and power,

The flush of the known universe is in him,

Scorn becomes him well, and appetite and defiance become him well,

The wildest largest passions, bliss that is utmost, sorrow that is utmost become him well,

     pride is for him,

The full-spread pride of man is calming and excellent to the soul,

Knowledge becomes him, he likes it always, he brings every thing to the test of himself,

Whatever the survey, whatever the sea and the sail he strikes soundings at last only here,

(Where else does he strike soundings except here?)

 

The man's body is sacred and the woman's body is sacred,

No matter who it is, it is sacred—is it the meanest one in the laborers' gang?

Is it one of the dull-faced immigrants just landed on the wharf?

Each belongs here or anywhere just as much as the well-off, just as much as you,

Each has his or her place in the procession.

 

(All is a procession,

The universe is a procession with measured and perfect motion.)

 

Do you know so much yourself that you call the meanest ignorant?

Do you suppose you have a right to a good sight, and he or she has no right to a sight?

Do you think matter has cohered together from its diffuse float,

     and the soil is on the surface, and water runs and vegetation sprouts,

For you only, and not for him and her?

7

A man's body at auction,

(For before the war I often go to the slave-mart and watch the sale,)

I help the auctioneer, the sloven does not half know his business.

 

Gentlemen look on this wonder,

Whatever the bids of the bidders they cannot be high enough for it,

For it the globe lay preparing quintillions of years without one animal or plant,

For it the revolving cycles truly and steadily roll'd.

 

In this head the all-baffling brain,

In it and below it the makings of heroes.

 

Examine these limbs, red, black, or white, they are cunning in tendon and nerve,

They shall be stript that you may see them.

 

Exquisite senses, life-lit eyes, pluck, volition,

Flakes of breast-muscle, pliant backbone and neck, flesh not flabby, good-sized

     arms and legs,

And wonders within there yet.

Within there runs blood,

The same old blood! the same red-running blood!

There swells and jets a heart, there all passions, desires, reachings, aspirations,

(Do you think they are not there because they are not express'd in parlors

     and lecture-rooms?)

 

 This is not only one man, this the father of those who shall be fathers in their turns,   

In him the start of populous states and rich republics,                  

Of him countless immortal lives with countless embodiments and enjoyments.

 

 

How do you know who shall come from the offspring of his off spring through the

     centuries?

(Who might you find you have come from yourself, if you could trace back through

     the centuries?) 

8

A woman's body at auction,

She too is not only herself, she is the teeming mother of mothers,

She is the bearer of them that shall grow and be mates to the mothers.

 

Have you ever loved the body of a woman?

Have you ever loved the body of a man?

Do you not see that these are exactly the same to all in all nations and times all over

     the earth?

If any thing is sacred the human body is sacred,

And the glory and sweet of a man is the token of manhood untainted,

And in man or woman a clean, strong, firm-fibred body, is more beautiful than the most

     beautiful face.

Have you seen the fool that corrupted his own live body? or the fool that corrupted her

     own live body?

For they do not conceal themselves, and cannot conceal themselves.

9

O my body! I dare not desert the likes of you in other men and women, nor the likes of

     the parts of you,

I believe the likes of you are to stand or fall with the likes of the soul, (and that they are

     the soul,)

I believe the likes of you shall stand or fall with my poems, and that they are my poems,

Man's, woman's, child's, youth's, wife's, husband's, mother's, father's, young man's, young

     woman's poems,

Head, neck, hair, ears, drop and tympan of the ears,

Eyes, eye-fringes, iris of the eye, eyebrows, and the waking or sleeping of the lids,

Mouth, tongue, lips, teeth, roof of the mouth, jaws, and the jaw-hinges,

Nose, nostrils of the nose, and the partition,

Cheeks, temples, forehead, chin, throat, back of the neck, neck-slue,

Strong shoulders, manly beard, scapula, hind-shoulders, and the ample side-round of

     the chest,

Upper-arm, armpit, elbow-socket, lower-arm, arm-sinews, arm-bones,

Wrist and wrist-joints, hand, palm, knuckles, thumb, forefinger,finger-joints, finger-nails,

Broad breast-front, curling hair of the breast, breast-bone, breast-side,

Ribs, belly, backbone, joints of the backbone,

Hips, hip-sockets, hip-strength, inward and outward round, man-balls, man-root,

Strong set of thighs, well carrying the trunk above,

Leg-fibres, knee, knee-pan, upper-leg, under-leg,

Ankles, instep, foot-ball, toes, toe-joints, the heel;

All attitudes, all the shapeliness, all the belongings of my or yourbody or of an

     one's body, male or female,

The lung-sponges, the stomach-sac, the bowels sweet and clean,

The brain in its folds inside the skull-frame,

Sympathies, heart-valves, palate-valves, sexuality, maternity,

Womanhood, and all that is a woman, and the man that comes from woman,

The womb, the teats, nipples, breast-milk, tears, laughter, weeping,love-looks,

     love-perturbations  and risings,

The voice, articulation, language, whispering, shouting aloud,

Food, drink, pulse, digestion, sweat, sleep, walking, swimming,

Poise on the hips, leaping, reclining, embracing, arm-curving and tightening,

The continual changes of the flex of the mouth, and around the eyes,

 The skin, the sunburnt shade, freckles, hair,

The curious sympathy one feels when feeling with the hand the naked meat of the body,

The circling rivers the breath, and breathing it in and out,

The beauty of the waist, and thence of the hips, and thence downward toward the knees,

The thin red jellies within you or within me, the bones and themarrow in the bones,

The exquisite realization of health;

O I say these are not the parts and poems of the body only, butof the soul,

O I say now these are the soul!

A WOMAN WAITS FOR ME. 

A woman waits for me, she contains all, nothing is lacking,

Yet all were lacking if sex were lacking, or if the moisture of the right man were lacking. 

 

Sex contains all, bodies, souls,

Meanings, proofs, purities, delicacies, results, promulgations,

Songs, commands, health, pride, the maternal mystery, the seminal milk,

All hopes, benefactions, bestowals, all the passions, loves, beauties,delights of the earth,

All the governments, judges, gods, follow'd persons of the earth,

These are contain'd in sex as parts of itself and justifications of itself.

Without shame the man I like knows and avows the deliciousnessof his sex,

Without shame the woman I like knows and avows hers. 

 

Now I will dismiss myself from impassive women,

I will go stay with her who waits for me, and with those women that are warm-blooded

     and sufficient for me,

I see that they understand me and do not deny me,

I see that they are worthy of me, I will be the robust husband of those women.

 

They are not one jot less than I am,

They are tann'd in the face by shining suns and blowing winds,

Their flesh has the old divine suppleness and strength,

They know how to swim, row, ride, wrestle, shoot, run, strike,retreat, advance, resist,

    defend themselves,

They are ultimate in their own right—they are calm, clear, well-possess'd of themselves.

 

I draw you close to me, you women,

I cannot let you go, I would do you good,

I am for you, and you are for me, not only for our own sake, but for others' sakes,

Envelop'd in you sleep greater heroes and bards,

 They refuse to awake at the touch of any man but me.

 

It is I, you women, I make my way,

I am stern, acrid, large, undissuadable, but I love you,

I do not hurt you any more than is necessary for you,

I pour the stuff to start sons and daughters fit for these States, I press with slow

     rude muscle,

I brace myself effectually, I listen to no entreaties,

I dare not withdraw till I deposit what has so long accumulated within me.

 

Through you I drain the pent-up rivers of myself,

In you I wrap a thousand onward years,

On you I graft the grafts of the best-beloved of me and America,

The drops I distil upon you shall grow fierce and athletic girls,new artists, musicians,

     and singers,

The babes I beget upon you are to beget babes in their turn,

I shall demand perfect men and women out of my love-spendings,

I shall expect them to interpenetrate with others, as I and you interpenetrate now,

I shall count on the fruits of the gushing showers of them, as I count on the fruits

     of the gushing showers I give now,

I shall look for loving crops from the birth, life, death, immortality, I plant so

     lovingly now.

SPONTANEOUS ME.

Spontaneous me, Nature,

The loving day, the mounting sun, the friend I am happy with,

The arm of my friend hanging idly over my shoulder,

The hillside whiten'd with blossoms of the mountain ash,

The same late in autumn, the hues of red, yellow, drab, purple, and light and dark green,

The rich coverlet of the grass, animals and birds, the private untrimm'd bank, the

     primitive apples, the pebble-stones,

Beautiful dripping fragments, the negligent list of one after another as I happen to call

     them to me or think of them,

The real poems, (what we call poems being merely pictures,)

The poems of the privacy of the night, and of men like me,

This poem drooping shy and unseen that I always carry, and that all men carry,

(Know once for all, avow'd on purpose, wherever are men likeme, are our lusty lurking

     masculine poems,)

Love-thoughts, love-juice, love-odor, love-yielding, love-climbers, and the climbing sap,

Arms and hands of love, lips of love, phallic thumb of love, breasts of love, bellies

     press'd and glued together with love,

Earth of chaste love, life that is only life after love,

The body of my love, the body of the woman I love, the body of the man, the body of

     the earth,

Soft forenoon airs that blow from the south-west,

The hairy wild-bee that murmurs and hankers up and down, that gripes the full-grown

     lady-flower, curves upon her with amorous firm legs, takes his will of her, and holds

     himself tremulous and tight till he is satisfied;

The wet of woods through the early hours,

Two sleepers at night lying close together as they sleep, one with an arm slanting down

     across and below the waist of the other,

The smell of apples, aromas from crush'd sage-plant, mint, birchbark,

The boy's longings, the glow and pressure as he confides to me what he was dreaming,

The dead leaf whirling its spiral whirl and falling still and content to the ground,

The no-form'd stings that sights, people, objects, sting me with,

The hubb'd sting of myself, stinging me as much as it ever can any one,

The sensitive, orbic, underlapp'd brothers, that only privileged feelers may be intimate

     where they are,

The curious roamer the hand roaming all over the body, the bashful withdrawing of flesh

     where the fingers soothingly pause and edge themselves,

The limpid liquid within the young man,

The vex'd corrosion so pensive and so painful,

The torment, the irritable tide that will not be at rest,

The like of the same I feel, the like of the same in others,

The young man that flushes and flushes, and the young woman that flushes and flushes,

The young man that wakes deep at night, the hot hand seeking to repress what would

     master him,

The mystic amorous night, the strange half-welcome pangs, visions, sweats,

The pulse pounding through palms and trembling encircling fingers, the young man all

     color'd, red, ashamed, angry;

The souse upon me of my lover the sea, as I lie willing and naked,

The merriment of the twin babes that crawl over the grass in the sun, the mother never

     turning her vigilant eyes from them,

The walnut-trunk, the walnut-husks, and the ripening or ripen'd long-round walnuts,

The continence of vegetables, birds, animals,

The consequent meanness of me should I skulk or find myself indecent, while birds and

     animals never once skulk or find themselves indecent,

The great chastity of paternity, to match the great chastity of maternity,

The oath of procreation I have sworn, my Adamic and fresh daughters,

The greed that eats me day and night with hungry gnaw, till Isaturate what shall produce

     boys to fill my place when I am through,

The wholesome relief, repose, content,

And this bunch pluck'd at random from myself,

It has done its work—I toss it carelessly to fall where it may.

 

ONE HOUR TO MADNESS AND JOY.

One hour to madness and joy! O furious! O confine me not!

(What is this that frees me so in storms?

What do my shouts amid lightnings and raging winds mean?)

 

O to drink the mystic deliria deeper than any other man!

O savage and tender achings! (I bequeath them to you my children,

I tell them to you, for reasons, O bridegroom and bride.)

 

O to be yielded to you whoever you are, and you to be yielded to me in defiance of

     the world!

O to return to Paradise! O bashful and feminine!

O to draw you to me, to plant on you for the first time the lips of a determin'd man. 

O the puzzle, the thrice-tied knot, the deep and dark pool, all untied and illumin'd!

O to speed where there is space enough and air enough at last!

To be absolv'd from previous ties and conventions, I from mine and you from yours!

To find a new unthought-of nonchalance with the best of Nature!

o have the gag remov'd from one's mouth!

To have the feeling to-day or any day I am sufficient as I am.

 

O something unprov'd! something in a trance!

To escape utterly from others' anchors and holds!

To drive free! to love free! to dash reckless and dangerous!

To court destruction with taunts, with invitations!

To ascend, to leap to the heavens of the love indicated to me!

To rise thither with my inebriate soul!

To be lost if it must be so!

To feed the remainder of life with one hour of fulness and freedom!

With one brief hour of madness and joy.

OUT OF THE ROLLING OCEAN THE CROWD.

Out of the rolling ocean the crowd came a drop gently to me,

Whispering I love you, before long I die,

I have travel'd a long way merely to look on you to touch you,

For I could not die till I once look'd on you,

For I fear'd I might afterward lose you.

 

Now we have met, we have look'd, we are safe,

Return in peace to the ocean my love,

I too am part of that ocean my love, we are not so much separated,

Behold the great rondure, the cohesion of all, how perfect!

But as for me, for you, the irresistible sea is to separate us,

As for an hour carrying us diverse, yet cannot carry us diverse forever;

Be not impatient—a little space—know you I salute the air, the ocean and the land,

Every day at sundown for your dear sake my love.

 

AGES AND AGES RETURNING AT INTERVALS.

Ages and ages returning at intervals,

Undestroy'd, wandering immortal,

Lusty, phallic, with the potent original loins, perfectly sweet,

I, chanter of Adamic songs,

Through the new garden the West, the great cities calling,

Deliriate, thus prelude what is generated, offering these, offering myself,

Bathing myself, bathing my songs in Sex,

 Offspring of my loins.

WE TWO, HOW LONG WE WERE FOOL'D.

 We two, how long we were fool'd,

Now transmuted, we swiftly escape as Nature escapes,

We are Nature, long have we been absent, but now we return,

We become plants, trunks, foliage, roots, bark,

We are bedded in the ground, we are rocks,

We are oaks, we grow in the openings side by side,

We browse, we are two among the wild herds spontaneous as any,

We are two fishes swimming in the sea together,

We are what locust blossoms are, we drop scent around lanes mornings and

     evenings,

We are also the coarse smut of beasts, vegetables, minerals,

We are two predatory hawks, we soar above and look down,

We are two resplendent suns, we it is who balance ourselves orbic and stellar,

     we are as two comets,

We prowl fang'd and four-footed in the woods, we spring on prey,

We are two clouds forenoons and afternoons driving overhead,

We are seas mingling, we are two of those cheerful waves rolling over each

     other and interwetting each other,

We are what the atmosphere is, transparent, receptive, pervious, impervious,

We are snow, rain, cold, darkness, we are each product and influence of the

     globe,

We have circled and circled till we have arrived home again, we two,

We have voided all but freedom and all but our own joy.

O HYMEN! O HYMENEE!

O Hymen! O hymenee! why do you tantalize me thus?

O why sting me for a swift moment only?

Why can you not continue? O why do you now cease?

Is it because if you continued beyond the swift moment you would soon certainly kill me?

I AM HE THAT ACHES WITH LOVE.

I am he that aches with amorous love;

Does the earth gravitate? does not all matter, aching, attract all matter?

So the body of me to all I meet or know.

NATIVE MOMENTS.

Native moments—when you come upon me—ah you are here now,

Give me now libidinous joys only,

Give me the drench of my passions, give me life coarse and rank,

To-day I go consort with Nature's darlings, to-night too,

I am for those who believe in loose delights, I share the midnight orgies of

     young men,

I dance with the dancers and drink with the drinkers,

The echoes ring with our indecent calls, I pick out some low person for my

     dearest friend,

He shall be lawless, rude, illiterate, he shall be one condemn'd by others for

     deeds done,

 I will play a part no longer, why should I exile myself from my companions?

O you shunn'd persons, I at least do not shun you,

I come forthwith in your midst, I will be your poet

I will be more to you than to any of the rest.

ONCE I PASS'D THROUGH A POPULOUS CITY. 

Once I pass'd through a populous city imprinting my brain for future use with its shows,

     architecture, customs, traditions,

Yet now of all that city I remember only a woman I casually met there who detain'd

     me for love of me,

Day by day and night by night we were together—all else has long been forgotten

     by me,

I remember I say only that woman who passionately clung to me,

Again we wander, we love, we separate again,

Again she holds me by the hand, I must not go,

I see her close beside me with silent lips sad and tremulous.

I HEARD YOU SOLEMN-SWEET PIPES OF THE ORGAN.

I heard you solemn-sweet pipes of the organ as last Sunday morn I pass'd the church,

Winds of autumn, as I walk'd the woods at dusk I heard your long-stretch'd sighs up

     above so mournful,

I heard the perfect Italian tenor singing at the opera, I heard the soprano in the midst

     of the quartet singing;

Heart of my love! you too I heard murmuring low through one of the wrists around

     my head,

Heard the pulse of you when all was still ringing little bells last night under my ear.

FACING WEST FROM CALIFORNIA'S SHORES. 

Facing west from California's shores,

Inquiring, tireless, seeking what is yet unfound,

I, a child, very old, over waves, towards the house of maternity,the land of migrations,

     look afar,

Look off the shores of my Western sea, the circle almost circled;

For starting westward from Hindustan, from the vales of Kashmere,

From Asia, from the north, from the God, the sage, and the hero,

From the south, from the flowery peninsulas and the spice islands,

Long having wander'd since, round the earth having wander'd,

Now I face home again, very pleas'd and joyous,

(But where is what I started for so long ago?

And why is it yet unfound?)

AS ADAM EARLY IN THE MORNING. 

As Adam early in the morning,

Walking forth from the bower refresh'd with sleep,

Behold me where I pass, hear my voice, approach,

Touch me, touch the palm of your hand to my body as I pass,

Be not afraid of my body.

 

 Leaves of Grass

David McKay, Publisher, Philadelphia, 1891–1892

Poème précédent en anglais :

Stephen Crane : La guerre est aimable / War is kind (26/12/2014)

Poème suivant en anglais :

William Shakespeare  : « C’est quand mon œil est clos… » / “ When most I wink…” (02/02/2015)

 

 

 

 

 

 

 

 

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