Gérald Neveu (1921 – 1960) : Raison sociale
Raison sociale
Je vis de peu. J’entends tinter des pierres dans ma tête. On vient me
visiter — un peu pour entendre ce bruit et pour m’aider à fabriquer de la
mousse. Je suis très bien comme cela. Il paraît que ça me va à merveille.
Il ne me manque qu’un joyeux scorpion sur la bouche. J’entends au loin
mes amis qui m’appellent. Ils ont des voix attendrissantes. Ils m’exhor-
tent à m’échapper. C’est gentil. Ça réconforte. D’ailleurs ils ignorent
totalement que je suis dans un pavé. C’est mieux ainsi, leur mauvais sang
tournerait à l’aigre.
C’est drôle comme le centre du cyclone est calme, immobile,
champêtre... On se croirait presque en sécurité, n’était-ce un méchant ver
de terre dans la poitrine qui fait : zhm... zhm... en brodant par-ci par-là
dans la viande spéculative. On pourrait aussi trouver à redire à l’arc
électrique qui fonctionne obstinément d’une tempe à l’autre. Mais à part ça...
Fournaise obscure
Pierre Jean Oswald éditeur, 1967
Du même auteur :
… Un miroir (15/12/2016)
Midi (15/12/2017)