Gérald Neveu (1921 – 1960) : …Un miroir
… Un miroir
Un miroir – un simple miroir, malheureux de ses rubans, las de
ses soleils – un miroir qui n’a rien dans ses mains qu’une transparence
éperdue dont on se moque sans la voir. Un miroir bègue qui meurt à
tout moment et qui voudrait vivre. Vivre. Une fêlure, une simple
fêlure ! Un jour, il eut une fêlure, une bouche, un regard personnel.
Cela aussi lui fut ôté. Un miroir, un simple miroir qui coupe la vie.
Attaché, attaché au mur, faut-il qu’il rompe tout ? Va-t-en miroir
aveugle. Va-t-en au cœur des rires mêler ton rire de suicide. Libère
d’un seul coup tes armes que tu ne connaîtras jamais, ouvre-toi comme
une grenade et comme un désespoir.
Peut-être vas-tu rêver à l’heure de la soupe, vas-tu rêver à l’heure du
papillon, rêver à l’heure de la mort ?
Vois ; le jour se lève.
1946
Poètes maudits d’aujourd’hui
Editions Seghers, 1972
Du même auteur :
Midi (15/12/2017)
Raison sociale (15/12/2018)