Pier Paolo Pasolini (1922 – 1975) : Les pleurs de l’excavatrice, VI / Il pianto della scavatrice, VI
Les pleurs de l’excavatrice
VI
En cet abandon où flamboie
Le soleil du matin – qui resplendit
Maintenant, frôlant les chantiers, sur les installations
Qu’il tiédit – des vibrations
Désespérées écorchent le silence,
Où flotte éperdument une odeur de vieux lait,
De petites places vides, d’innocence.
Depuis sept heures du matin, au moins, cette vibration
Croit avec le soleil. Pauvre présence
D’une douzaine d’ouvriers déjà âgés,
Avec leurs haillons et leurs tricots de peau brûlés
De sueur, dont les voix, rares,
Dont les luttes contre les blocs
De boue, épars, les coulées de terre,
Semblent en ce tressaillement se défaire.
Mais parmi les explosions têtues de la
Benne, qui aveuglément broie,
Aveuglément triture, aveuglément empoigne,
Sans but, à ce qu’il semble,
Un hurlement, humain, naît soudain,
Puis, périodiquement, se répète,
Fou de tant de douleur que très vite il semble
N’avoir plus rien d’humain, et redevient
Morte stridence. Puis, doucement,
Il renaît, en cette clarté brutale,
Parmi ces immeubles éblouis, à nouveau pareil,
Un hurlement que seul un mourant
Peut proférer, en son instant suprême,
Sous ce soleil dont l’éclat blesse encore,
Mais qu’adoucit déjà l’haleine de la mer…
Qui hurle ainsi ? C’est, déchirée
Par des mois, des années de peine
Matinale – accompagnée
Par la colonne muette de ses ciseaux
La vieille excavatrice : mais c’est aussi le frais
Terreau bouleversé, ou, dans l’étroite enceinte
D’un horizon de notre siècle
Le quartier tout entier... C’est la ville,
Enfouie dans une lueur de fête,
- C’est le monde. Ce qui pleure, c’est ce qui prend
Fin, et qui recommence. Ce qui était
Champ d’herbe, espace ouvert, et qui devient
Une cour, blanche comme cire,
Murée dans une dignité faite de rancœur ;
Ce qui avait l’air d’une vieille foire
De crépissage frais, tortueux, au soleil,
Et devient un nouvel îlot, tout fourmillant,
Dans un ordre qui n’est que douleur étouffée.
Ce qui pleure, c’est ce qui change, même si
C’est pour être meilleur. La lumière
Du futur ne saurait cesser un seul instant
De nous blesser : elle est là, qui noos brûle,
En chacun de nos actes quotidiens,
Angoisse, même en cette confiance
Qui nous donne la vie, dans l’élan gobettien
Vers ces ouvriers, qui, muets, arborent,
En ce quartier, sur l’autre front humain,
Leur rouge chiffon d’espérance
1956
Traduit de l’italien par José Guidi
in, « Pier Paolo Pasoloni : Poésies, 1953-1964, édition bilingue »
Editions Gallimard, 1980
Du même auteur : « Il suffit d’un instant de paix… » / « Un po’ di pace basta… » (09/12/2014)
Il pianto della scavatrice
VI
Nella vampa abbandonata
del sole mattutino - che riarde,
ormai, radendo i cantieri, sugli infissi
riscaldati - disperate
vibrazioni raschiano il silenzio
che perdutamente sa di vecchio latte,
di piazzette vuote, d'innocenza.
Già almeno dalle sette, quel vibrare
cresce col sole. Povera presenza
d'una dozzina d'anziani operai,
con gli stracci e le canottiere arsi
dal sudore, le cui voci rare,
le cui lotte contro gli sparsi
blocchi di fango, le colate di terra,
sembrano in quel tremito disfarsi.
Ma tra gli scoppi testardi della
benna, che cieca sembra, cieca
sgretola, cieca afferra,
quasi non avesse meta,
un urlo improvviso, umano,
nasce, e a tratti si ripete,
così pazzo di dolore, che, umano,
subito non sembra più, e ridiventa
morto stridore. Poi, piano,
rinasce, nella luce violenta,
tra i palazzi accecati, nuovo, uguale,
urlo che solo chi è morente,
nell'ultimo istante, può gettare
in questo sole che crudele ancora splende
già addolcito da un po' d'aria di mare...
A gridare è, straziata
da mesi e anni di mattutini
sudori - accompagnata
dal muto stuolo dei suoi scalpellini,
la vecchia scavatrice: ma, insieme, il fresco
sterro sconvolto, o, nel breve confine
dell'orizzonte novecentesco,
tutto il quartiere... È la città,
sprofondata in un chiarore di festa,
- è il mondo. Piange ciò che ha
fine e ricomincia. Ciò che era
area erbosa, aperto spiazzo, e si fa
cortile, bianco come cera,
chiuso in un decoro ch'è rancore;
ciò che era quasi una vecchia fiera
di freschi intonachi sghembi al sole,
e si fa nuovo isolato, brulicante
in un ordine ch'è spento dolore.
Piange ciò che muta, anche
per farsi migliore. La luce
del futuro non cessa un solo istante
di ferirci: è qui, che brucia
in ogni nostro atto quotidiano,
angoscia anche nella fiducia
che ci dà vita, nell'impeto gobettiano
verso questi operai, che muti innalzano,
nel rione dell'altro fronte umano,
il loro rosso straccio di speranza.
1956
Le ceneri di Gramsci
Garzanti Editore, Milano, 1957
Poème précédent en italien :
Roberto Veracini : Maintenant que le temps est brume / Ora che il tempo è nebbia (17/09/2017)
Poème suivant en italien :
Giacomo Leopardi: L’Infini / L’Infinito (20/12/2017)