Wolfdietrich Schnurre (1920 – 1989) : Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (III)
Messages clandestins
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TRIBULATIONS
Ce n’est pas le sommeil
qui t’alourdit les paupières,
c’est le commencement de l’interrogatoire ;
on a seulement éteint la lumière.
Chauves-souris
sont les questions du requérant ;
longtemps elles sont restées suspendues
inanimées sous la poutre du toit ;
maintenant elles font leur nid en permanence
dans la fougère au creux de mon oreille,
en attendant les rêves :
lentement, les pâles étoiles
les tirent en haut
sans pudeur.
Soudain un éclair –
tu prends peur,
tu té réveilles et fixes ton regard
sur la lampe du juge
INVITATION
Entre, vent ;
dérobe à la chouette une plume
et écris-moi une chanson.
J’ai exprimé de la rosée une encre
lisible seulement pour qui sait s’oublier ;
ce qui nous a souri, ce qui s’est dissipé,
à des mâts vermoulus était en vain hissé.
Entre, vent ;
prends son rire à la bécassine
et fais-moi une chanson.
J’ai coupé du papier dans la clarté lunaire,
voilà qu’il gît à des pages d’ombre mêlé ;
ce qui fit notre joie, ce qui fit notre peine,
depuis longtemps, un buvard de mousse l’a effacé.
Entre, vent ;
vole au rossignol ses sanglots
et dis-moi une chanson.
J’ai entortillé d’herbe ma machine à écrire,
maintenant l’alphabet aux sens est dérobé ;
ce que nous avons perdu ou trouvé,
l’un et l’autre est orné de toiles d’araignée.
Entre, vent ;
dérobe à la chouette une plume
et écris-moi une chanson.
WEISSENSEE
Les jambes brisées
de la sonnerie du tramway
ont des attelles d’argent ;
il fait des éclairs, quand elles courent.
Sous le marteau-piqueur
qui danse
respire la pierre.
Au ciel
une porte s’est refermée ;
sa rouille en miettes
de la gorge criarde
du martinet ruisselle
vers le bas.
MESSAGE CLANDESTIN
La toundra se lève,
réveillée
par le cri du faucon des neiges.
Feuille de route numéro un,
direction l’homme :
elle est choisie
par les brigades des lemmings.
Feuille de route numéro deux,
les champs de la sagesse :
ils sont
doucement broutés à ras
par des troupeaux de rennes.
Feuille de route numéro trois,
dans le cœur de tout être :
ils cultivent les mousses.
ECLAIRS DE CHALEUR
Le chant de pluie du pinson
s’achève en cliquetis :
l’étouffante chaleur
lui dessèche la bouche.
Déjà ruisselle de plomb
le plumage de l’hirondelle
et elle tombe des nuages ;
mais le cri d’effroi du merle
l’attrape au vol dans des filets de verre.
ATTAQUE
Avec des flancs qui halètent
la ville se tapit,
ses oreilles-cheminées tremblent ;
elle écoute
le pas silencieux
des brigades de chardons,
des armées du lierre.
Le pissenlit a sauté
en parachute,
déjà le centre ville est occupé.
L’ombre de la nuit vient,
la prêle se disperse,
la camomille assassine
les villas dans la banlieue.
ARRIERE-SAISON
La nonne vorace ronge les aiguilles,
la crotte de chenille ruisselle comme le temps ;
les os des pins plissent,
comme s’il avait neigé.
Le bruant gris fait ronfler sa chanson,
la vipère sèche au bord du chemin ;
les antres noirs de la tanière du blaireau
évoquent le meurtre.
Les petits de la buse ont été massacrés,
avec ses dents la marte en a brisé les os ;
et dans les crânes profanés
tombe la pluie.
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Traduit de l’allemand par Raoul Bécousse
In, Wolfdietrich Schnurre : « Messages clandestins,
et nouveaux poèmes »
Editions Noah, 1986
Du même auteur :
Adoration /Anbetung (28/11/2014)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (I) (28/11/2015)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (II) (28/11/2016)
Harangue du policier de banlieue pendant sa ronde du matin /Ansprache des vorortpolizisten waehrend der morgenrunde (28/11/2018)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (IV) (28/11/2019)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (III) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (III) (28/11/2020)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (I) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (I) (28/11/2021)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (IV) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (IV) (28/11/2023)
Kassiber
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HEIMSUCHUNG
Es ist nicht Schlaf,
was die Lider dir schwermacht,
es ist der Beginn des Verhörs ;
man hat nur das Licht ausgelöscht.
Fierdermäuse
sind die Fragen des Klägers ;
lange hingen sie leblos
unterm Dache am Balken ;
nun nisten sie ständig
im Farm des Gehörgangs,
erwarten die Träume :
Langsam, die bleichen
Gestirne, schamlos
ziehn sie herauf.
Plötich ein Blitz –
du erschrickst,
du erwachst, und du blickst
in die Lampe des Richters.
EINLADUNG
Komm herein, Wind ;
stiehl dem Kauz eine Feder
und schreib mir ein Lied.
Ich habe aus Tau eine Tinte gewonnen,
die kann nur lesen, wer sich selber vergisst ;
was uns geglückt ist, was uns zerronnen,
an morschenden Masten war es vergeblich gehisst.
Komm herein, Wind ;
stielh der Bekassine das Lachen
und mach mir ein Lied.
Ich habe Papier aus Mondlicht geschnitten,
hier liegt es, mit Schattenseiten vermischt ;
was uns erfreute, was wir erlitten,
ein Löbschblatt aus Moosen hat es lange verwischt.
Komm herein, Wind ;
stielh dem Sprosser das Schluchzen
und sag mir ein Lied.
Ich habe die Schreibmaschine mit Gräsern umwunden,
nun ist das Alphabet den Sinnen entrückt ;
was wir verloren, was wir gefunden,
es ist beides spinnwebgeschmückt.
Komm herein, Wind ;
stiehl dem Kauz eine Feder
und schreib mir ein Lied.
WEISSENSEE
Die gebrochenen Beine
des Strassenbahnläutens
sind silbern geschient ;
es blitzt, wenn sie rennen.
Untern Presslufthammer,
dem tanzenden,
atmet der Stein.
Am Himmel
ist eine Tür zugefallen ;
bröckelnd rieselt ihr Rost
aus kreischenden
Seglerkehlen
herab.
KASSIBER
Die Tundra steht auf,
geweckt
vom Schneefalkenschrei.
Marschroute eins,
Ritchung Mensch :
sie wird gewählt
von den Lemmingbrigaden.
Marschroute zwei,
die Felder der Weisheit :
sie werden
von Rentierherden
sanft überweidet.
Marschroute drei,
ins Herz allen Seins :
sie ziehen die Moose.
WETTERLEUCHTEN
Die Regenstrophe
des Buchfinks zerklirtt ;
die Schwüle dörtt ihm
den Mund. Schon trieft
das Gefieder der Schwalbe
von Blei, und sie stürzt
aus den Wolken ; doch der
Schreckruf der Amsel
fängt sie in Netzen aus Glas.
ANGRIFF
Mit pumpenden Flanken
duckt sich die Stadt,
ihre Schlot-Ohre zittern ;
sie lauscht
dem lautlosen Schritt
der Distelbrigaden,
de Hederichheere.
Löwenzahn sprang
mit Fallschirmen ab,
schon ist die City besetzt.
Nachtschatten kommt,
Schachtelhalm schwärmt,
die Villen im Vorort
meuchelt Kamille.
SPAETSOMMER
Nonnenfrass nagt an den Nadein,
Raupenkot rieselt wie Zeit ;
die Knochen der Kiefer verbleichen,
als hätt es geschneit.
Grauammer schnarrt ihre Stophe,
die Otter am Wegrand verdorrt ;
die Schwarzen Höhlen des Dachsbaus
erinnren an Mord.
Die Bussardjungen verdarben,
der Marder zerbiss ihr Gebein ;
in die geschändeten Schädel
regnets hinein.
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Kassiber und neue Gedichte,
Ullstein Buch, Berlin, 1979 et 1982
Poème précédent en allemand :
Rainer - Maria Rilke (1875 – 1926) : Deuxième élégie / Zweite Elegie (23/11/2017)
Poème suivant en allemand :
Paul Celan : Le Menhir (01/12/2017)