Claude Michel Cluny (1930 – 2015) : Manhattan and C°
Manhattan and C°
New York, the Big Apple.
Par la fenêtre ouverte sur la nuit et Central Park
on entendit on entendit longtemps
mourir le halo orange du rock
Un jour viendra sans inutile envie de renaître
un autre dimanche mort
alors seront Parques à New York.
Pas de black out pour l’aurore
apothéose qui se lève et bande
avec des caresses de fin du monde
et des poses de star
dans les façades en verre de l’East River
Eclats de mouettes qui volent
à jeter un sort
le Chrysler coupe ses ongles d’acier
dans un ciel de soleil rose.
Faux athlètes joueurs
les New-yorkais s’en vont
sans regard
alourdis de miel et de lait
L’haleine blanche des morts monte du sous-sol
parmi les poubelles du vent
on entend
l’appel de sirène du paquebot blanc de Gênes
chargé de reliques industrielles
et de prières plombées à vous faire la peau
et de veuves mauves américaines
aux dents de fausse porcelaine
qui rient seulement la nuit
dans un verre d’eau minérale.
Old Bastard Apple
juive, noire et chinoise idole
se lève-t-elle encore du fond de tes entrepôts
ou de tes blocks de crasse
qui se douchent les jours d’incendie
la charmante odeur du chèvrefeuille
au feuillage vert dollar ?
Mais tu respires le fuel
la viande grasse grillée
la sueur mal léchée de tes foules aveugles
dont le métro tatoué
aux bombes aérosol
meugle en traînant les wigwams de paumés
- libres
bâillonnés au chewing-gum.
(Tu es libre,
accoudé au comptoir tu penses un peu court
au Magnum des flics calibre
à trouer du béton,
à ton sexe de luxe
luisant d’embrocation solaire bon marché
lubrifiant le zip d’un jean
à belle ceinture d’herbe
ou bien cloué d’amphétamines sinistres
Tu es là,
debout, à mâcher tes sacro-saints hamburgers
farcis de lames de rasoir
la bouche rose rouge
comme une révolution
programmée par les flippers
ou le néon des théâtres de Broadway)
Grosse pomme fastueuse
(et les savants disent : inhumaine inhumaine)
aux tendresses infinitésimales
magicienne au chic de femme parfaite
(comme les huîtres de la Gare centrale)
toi que la musique des voitures de police
scie en tranches le jour et la nuit,
tu renais toujours de tes grands catafalques
de verre fumé
de tes cent dix étages gothiques
découpés à vif
dans tes ruissellements
d’éclairage hémorragiques
Tu renais des illusions porto-ricaines
du gâchis de ces corps de charme
qui tuent comme des lames
ou crèvent d’une over-dose
(acide ou bacille de Koch).
Vieille pomme ! La mère Liberté (à cause
du vent du large) garde sa sérénité.
Automne-moi !dit l’hiver,
revenons un peu sur nos pas
- mais la fanfare d’Harlem
est déjà louée
pour le naufrage imminent
de nos lointaines années.
Inconnu passager
Editions Gallimard, 1978
Du même auteur :
La mémoire du sel (11/04/2015)
D’autre planètes (02/06/2017)