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Le bar à poèmes
24 octobre 2015

Francisco Serrano (1949 -) : Vapeur

Francisco_Serrano_-_Mexico[1]

 

Vapeur

 

Nous vivons dans un rêve,

la mort nous éveille.

Purs, impalpables

habitants d’un triste

royaume sans concession.

Yeux secs, absents,

corps nus abîmés,

paupières sans repos,

les bouches édentées.

Nous sommes sans repos.

Nous errons dans l’ombre,

sous un ciel sans astres.

Esprits violets

dans une attente futile,

nous sommes les rejetés,

les sans voix, les insomniaques.

 

Nous nous déplaçons en cercles

dans les plaines nues

d’une terre sans larmes,

terre sans mémoire,

noir pays d’épines.

Comme le vent acharné

sur l’herbe sèche,

comme l’eau qui rebondit

dans l’égout trouble,

nous inquiétons tes rêves.

Nous sommes les désincarnées

âmes sans son

toujours absentes, errantes.

Revenant sans fin

nous existons seulement

dans une vanité du temps.

 

Os, cendres : poussière

soulevée dans la poussière,

un peu moins que l’air,

beaucoup moins que rien.

Bosses informes, ombres

sans couleur, corps vides

sans sens et sans écho.

Nous venons avec la pluie

de doigts difformes,

comme une brise obstinée,

comme une insinuation.

Nous sommes le brouillard stérile,

le vent entre les arbres.

 

Nous habitons un creux

dans le creux du temps.

Terres défoncées,

yeux pleins de terre,

les mains suppliantes.

Désespérés, nous apportons

la méfiance, la peur.

Comme des nuages flottant

sur une étang livide

nous voyageons dans ton sang :

grumeaux, air : terrain en friche

dans un vague royaume.

 

Brisés pères accablés

sans ardeur et sans musique

nous nous déplaçons en cercles,

silencieux, exigus.

Nous sommes ta descendance :

l’essence et l’expérience

la mort à venir !

Nous nous déplaçons en cercles.

Rustres, maladroits, sombres,

aridité, air nul.

Nous sommes l’aigre mémoire

que les souvenirs annulent.

Douloureux, impalpables

habitants d’un triste royaume

sans concession…

 

Traduit de l’espagnol par Claude Beausoleil

In, « Un siècle de poésie mexicaine. Anthologie »

Editions Ecrits des Forges / Le Castor Astral, 1989 et 2009

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