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Le bar à poèmes
20 juin 2014

Fernando Pessoa (1888 -1935) : À la veille de ne jamais partir / Na véspera de não partir nunca

AVT_Fernando-Pessoa_2449[1]

27 septembre 1934

 

A la veille de ne jamais partir

du moins n’est-il besoin de faire sa valise

ou de jeter des plans sur le papier,

avec tout le cortège involontaire des oublis

pour le départ encore disponible du lendemain.

Le seul travail, c’est de ne rien faire

à la veille de ne jamais partir.

Quel grand repos de n’avoir même pas de quoi avoir à se reposer !

Grande tranquillité, pour qui ne sait même pas hausser les épaules

devant tout cela, d’avoir pensé le tout

et d’avoir de propos délibéré atteint le rien.

Grande joie de n’avoir pas besoin d’être joyeux,

ainsi qu’une occasion retournée à l’envers.

Que de fois il m’advient de vivre

de la vie végétative de la pensée !

Tous les jours, sine linea,

Repos, oui, repos...

Grande tranquillité...

Quelle paix, après tant de voyages, physiques et psychiques !

Quel plaisir de regarder les bagages comme si l’on fixait le néant !

Sommeil, âme, sommeille !

Profite, sommeille !

Sommeille !

Il est court, le temps qui te reste ! Sommeille !

C’est la veille de ne jamais partir !

 

 

Traduit du portugais par Armand Guibert

In , «Fernando Pessoa : Le gardeur de troupeau et les autres poèmes

d’Alberto Caeiro »

Editions Gallimard, 1960

Du même auteur :

 Ajournement / Adiamento (20/06/2015)

Passage des heures / Passagem das horas (20/06/2016)

Le Gardeur de troupeaux /O Guardador de rebanhos ((I-X) (20/06/2017)

« Parfois, en certains jours de lumière ... » / « Às vezes, em dias de luz... » (20/06/2018)

Le Gardeur de troupeaux /O Guardador de rebanhos (XI-XXX )(20/06/2019)

Le Gardeur de troupeaux /O Guardador de rebanhos (XXXI - XLIX) (20/06/2020)

Le pasteur amoureux / O pastor amoroso (20/06/2021)

Poèmes désassemblés (I) / Poemas Inconjuntos (I) (20/06/2022)

Poèmes désassemblés (II) / Poemas Inconjuntos (II) (20/06/2023)

 

 

Na véspera de não partir nunca

Ao menos não há que arrumar malas

Nem que fazer planos em papel,

Com acompanhamento involuntário de esquecimentos,

Para o partir ainda livre do dia seguinte.

Não há que fazer nada

Na véspera de não partir nunca.

Grande sossego de já não haver sequer de que ter sossego!

Grande tranqüilidade a que nem sabe encolher ombros

Por isto tudo, ter pensado o tudo

É o ter chegado deliberadamente a nada.

Grande alegria de não ter precisão de ser alegre,

Como uma oportunidade virada do avesso.

Há quantas vezes vivo

A vida vegetativa do pensamento!

Todos os dias sine linea

Sossego, sim, sossego...

Grande tranqüilidade...

Que repouso, depois de tantas viagens, físicas e psíquicas!

Que prazer olhar para as malas fítando como para nada!

Dormita, alma, dormita!

Aproveita, dormita!

Dormita!

É pouco o tempo que tens! Dormita!

É a véspera de não partir nunca!

 

 

Poesias de Álvaro de Campos.  

Ática, Lisboa, 1944

Poème précédent en portugais :

ClariceLispector : « Il m’est arrivé de cacher un amour…/ Jà escondi um armor » (18/06/2014)

Poème suivant en portugais :

Antonio Ramos Rosa  : La femme dilacérée / A mulher dilacerada (02/09/2014)

 

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