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Le bar à poèmes
21 juin 2014

René de Obaldia (1918 -2022) : les cuisses de Colette

220px-René_de_Obaldia[1]

 

Les cuisses de Colette

 

Les cuisses de Colette

Sont douces au toucher

Comme des cacahuètes

Qu’on aurait épluchées.

 

Je n’aime pas sa tête

Ses yeux demi-pochés

Son oreille en cuvette

Son nez en arbalète

Sa bouche endimanchée.

 

Mais j’aime bien ses cuisses

Si douces au toucher.

Pendant le Saint-Office

L’un près de l’autre assis,

Ma main vient s’y chauffer.

 

De profundis, ad te Domine, clamavi !

 

Que c’est doux ! Que c’est doux !

Plus doux qu’une souris

Que le cœur de l’été,

Du miel et du saindoux !

 

Dans le rang d’à côté

(Ma main enfouie

En cette blanche obscurité),

Madame la Baronne d’Auxerre

Qui ressemble à un dromadaire

Me sourit.

C’est sa mère !

 

Madame la Baronne d’Auxerre

Madame la Baronne sa mère

Madame est servie

Madame très très bien avec le Bon Dieu

Très très bien avec son âme

Madame

N’y voit que du feu

 

- Retire ta main de là

Me dit Colette, tout bas !

Mais elle serre, elle serre

Avec la force du tonnerre

Ma main se trouve emprisonnée

Ainsi qu’un missionnaire en Nouvelle-Guinée.

 

- Retire ta main de là, petit garçon,

Ce ne sont pas des façons !

Mais elle serre à tout casser

Elle serre comme un Canaque !

Mes doigts craquent

Mes doigts sont tous fiancés

Je ne peux plus les retirer

Elle serre, elle serre

A tire-larigot,

Oh ! le bruit de mes os !

 

Gloria in excelsis Deo !

 

Dommage que Colette

Soit pas très belle en haut.

Mais qu’importe la tête

Quand le bas donne chaud !

 

Pour caresser ses cuisses

Je donnerai comme un rien

Desserts et pain d’épice

Et tous les paroissiens.

 

Entre ces deux poissons

Dont le sang est humain

Je laisserai ma main

Jusqu’au dimanche prochain.

 

Ah ! Colette, Colette !

Que la vie est agreste !

Et que mon cœur est leste

Et que l’Enfer est loin !

(Madame la Baronne se signe en un grand geste)

 

Ite missa est

 

Innocentines,

Editions Bernard Grasset, 1969

 

 

 Du même auteur : Les jambes de bois (21/06/2015)

 

 

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Commentaires
B
De Obaldia je connaissais déjà le plus beau vers de la langue française : <br /> <br /> <br /> <br /> « Le geai gélatineux geignait dans le jasmin »<br /> <br /> Voici, mes zinfints<br /> <br /> Sans en avoir l'air<br /> <br /> Le plus beau vers <br /> <br /> De la langue française.<br /> <br /> <br /> <br /> Ai, eu, ai, in<br /> <br /> Le geai gélatineux geignait dans les jasmin...<br /> <br /> <br /> <br /> Le poite aurait pu dire<br /> <br /> Tout à son aise :<br /> <br /> « Le geai volumineux picorait des pois fins »<br /> <br /> Et bien ! non, mes zinfints.<br /> <br /> Le poite qui a du génie<br /> <br /> Jusque dans son délire<br /> <br /> D'une main moite <br /> <br /> A écrit :<br /> <br /> <br /> <br /> « C'était l'heure divine où, sous le ciel gamin<br /> <br /> le geai gélatineux geignait dans le jasmin » <br /> <br /> <br /> <br /> ...<br /> <br /> <br /> <br /> mais j'ai bien aimé aussi cet office facétieux !
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