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Le bar à poèmes
21 août 2023

Yousouf Al-Khal (1917- 1990) / يوسف الخال : Le puits abandonné

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Le puits abandonné

 

J’ai connu ’Ibrahim, mon cher voisin, il y a longtemps.

Je l’ai connu pareil à un puits dont l’eau débordait

tous les gens

passaient, nul n’y buvait, n’y jetait

pas même une pierre.

 

« Et s’il m’était donné encore une fois de déployer mon front

sur le mât de la lumière »

dit ’Ibrahim sur un papier

taché de son sang versé en vain, 

« voyons, le ruisseau changerait-il son cours,

les branches bourgeonneraient-elles en automne

et les fruit mûriraient-ils,

les plantes pousseraient-elles dans la pierre ? »

S’il m’était donné

s’il m’était donné de mourir ou de vivre encore une fois

le ciel se dériderait-il, les aigles ne déchireraient-ils pas

sur les terres rases les caravanes des victimes ?

Les usines, la fumée riraient-elles ?

Le bruit se tairait-il dans les champs,

dans la grand-rue ?

Le pauvre mangerait-il son pain quotidien

à la sueur de son front et non pas avec les larmes de l’humilité ?

 

« Et s’il m’était donné de déployer mon front

sur le mât de la lumière 

s’il m’était donné de rester en vie,

voyons, Ulysse reviendrait-il ?

Et le fils désobéissant, et l’agneau ?

Et le pécheur frappé de cécité reviendrait-il

afin de voir le chemin ?

 

Quand l’ennemi a braqué le canon de la mort

et que les soldats se sont précipités sous une averse

de balle et de mort,

on leur a crié : « Reculez, reculez.

Dans le refuge derrière, c’est un abri

face aux balles et à la mort ! »

Mais ’Ibrahim a continué de marcher

en avant, de marcher,

et sa poitrine étroite remplissait l’horizon.

« Reculez, reculez.

Dans le refuge derrière, c’est un abri

face aux balles et à la mort ! »

Mais ’Ibrahim a continué de marcher

comme s’il n’entendait pas l’écho.

 

Et on disait c’est de la folie

sans doute est-ce de la folie.

Mais j’ai connu ’Ibrahim, mon cher voisin, il y a longtemps.,

dans l’enfance.

Je l’ai connu pareil à un puits dont l’eau débordait

tous les gens

passaient, nul n’y buvait, n’y jetait

pas même une pierre.

 

                                                                                   Beyrouth, 3 mars 1957

 

Traduit de l’arabe par Saleh Diab

in, « Poésie syrienne contemporaine. Edition bilingue »

Le Castor Astral éditeur, 2018

Du même auteur :

Le voyage (31/07/2019)

Les compagnons (31/07/2020)

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