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Le bar à poèmes
22 février 2023

Tristan Tzara (1896 – 1963) : Réalités cosmiques

thumb_large[1]Portrait de Tzara par Marcel Janco (carton, toile de jute, encre et gouache), 1919. Centre Pompidou

 

REALITES COSMIQUES

VANILLE TABAC

EVEILS

I.

écoute. je ferai un poème mais ne ris pas

quatre rues nous entourent et nous leur disons

lumière. SUR LES POTEAUX DE

PRIERE ET TU PARLAIS AUX

éléphants, au cirque, comme la lumière

je ne veux plus que tu sois malade, sais tu

mais pourquoi pourquoi ce matin. tu veux siffler.

téléphone

je ne veux pas je ne veux pas et il me serre TROP

                   TROP FORT

II.

ce matin

de cuivre ta voix grelottait sur le fil

le jaune s’enfermait dans le pavillon COMME

LE SANG

la femme couverte de vert-de-gris de vert-de-gris

se dissipa comme la brume dans les clochettes

pleure  –  rose des vents  –  pleure blanc

voici, une lumière qui pourrait être noire

fleur. 

III.

sur des lys d’acier et de sel dis-moi encore une

fois que ta mère fut bonne

IV.

je suis ligne  qui  se  dilate  et  je  veux  croître  dans

un  tube  de  fer  d’étain

je dis cela pour t’amuser

V.

non pas parce que j’aurais pu être archange de cire

ou pluie du soir et catalogue d’automobiles

VI.

dans les fosses la vie rouge bout

pour silence je veux compter mes joies

tu m’as dit que j’ai pitié de toi

et je n’ai pas pleuré lorsque tu m’as vu, mais j’au-

rais voulu pleurer dans le tramway

tu me dis je veux partir

les perles de la tour de mon gosier étaient froi-

des, tambour major pour les cœurs et glisse

les insectes dans la pensée ne me mordent pas,

                                                  fleur des doigts

ah,

                                                         l’eau aboie

et si tu veux je rirai comme une cascade et comme

un incendie

VII

dis : vide pensée

        vite tu sais

        je serai

        violoncelle

VIII

Je te tiens le manteau lorsque tu pars, comme si tu

n’étais pas ma sœur

IX.

en acier de gel

sonne

dors-tu lorsqu’il pleut ?

X.

les serviteurs de la ferme lavent les chiens de

chasse

et le roi se promène suivi par les juges qui ressem-

blent aux colombes

j’ai vu aussi au bord de la mer la tour bandagée

avec son triste PRISONNIER

dans les fosses ouvrez l’électricité DE GLACE

par conséquent

seigneur seigneur  DE GLACE

pardonnez-moi

XI.

GRANDES LARMES glissent le long des

draperies

tête de chevaux sur le basalte, comme

des jouets de verre cassent entre les étoiles avec

des chaînes pour les animaux

et dans les glaciers j’aimerais suivre

avec racine

avec ma maladie

avec le sable qui fourmille dans mon CERVEAU

car je suis très intelligent

et avec l’obscurité

XII.

                                

                                  chanson pensée                        

Je suis fatigué – la chanson des                         

                                 reines                    

l’arbre crève de la nourriture comme une lampe

JE PLEURE vouloir se lever plus haut que le

jet-d’eau serpente au ciel car il n’existe plus la

gravité terrestre à l’école et dans le cerveau

ma main est froide et sèche mais elle a caressé le

jaillissement de l’eau

et j’ai vu encore quelque chose [au ciel] comme

l’eau visse les fruits et la gomme

XIII.

mais je suis sérieux en pensant à ce qui m’est

arrivé

lila

LILA

LILA

LILA

LILA

ton frère crie

tu lui dis

entre les feuillets du livre la main

humide

avec la chaux peins ma croyance

brûle sans lumière en fil de fer

LILA

XIV.

ton œil est grand

seigneur dans les draperies

ton œil court derrière moi

ton oeil est grand comme un cerveau pardonne-moi

envoie des médicaments

la pierre

XIV bis.

cœur de l’amant ouvert dans le ruisseau et l’électricité

regardons le point

toujours le même

des cheveux poussent autour de lui

il commence à sautiller

s’agrandir

monter vers les éclats définitifs

encercler glisse

vite

vite

roulant

nocturne

virages

XV.

Parmi les douleurs il y a des organismes et la pluie

tes doits

XVI.         VIRAGES 

golfe

ton cœur volera faisant choses si hautes

en escalier de frissons serrés comme l’arbre

entre les rougeurs des éclats

tu t’en vas

les chemins

les branches

lèchent la neige des hanches

XVII.

où l’on voit des ponts qui relient les respirations

dans la nuit

l’obscurité se partage et se groupe dans des pavillons

tendus par les chemins et les vents vers ta caresse

la plaie  SILENCES   VIRAGES

XVIII.

le cheval mange les serpents de couleur

tais-toi

XIX.

la pierre

danse danse seigneur

la fièvre pense une fleur

danse danse sur la pierre

chaude tresse

recommence en dissonance pour l’obscurité, ma

sœur

          ma

                 sœur ?

                                                     1914

 

In, Revue « aventure N°3, janvier 1922 »

Du même auteur :

« dimanche lourd couvercle… » (17/06/2014)

Il fait soir (15/07/2014)

Sur le chemin des étoiles de mer (22/01/2016) 

« il y a un bien beau pays dans sa tête… » (22/01/2017)

Terre invisible (22/02/2018)

« la tête rampe... » (22/02/2019)

« J’avance lentement... » (22/02/2020)

Doutes / Indoieli (22/02/2021)

« Le trot des mulets... » (22/02/2022)

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