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Le bar à poèmes
29 juillet 2022

Louis-Philippe Dalembert (1962 -) : Voyage

Dalembert-Louis-Philippe[1]Photo Stéphane Haskell

 

 Voyage



quand j’étais jeune

je rêvais de vivre

à Paris New York Rome

Jérusalem Dakar ou La Havane

maintenant que j’ai vécu

à Paris à Rome et à Jérusalem

que je connais New York Dakar

et La Havane

je rêve des lumières absentes

de la ville natale

 


quand j’étais jeune

je rêvais de vivre

ailleurs partout

quelque part dans le monde

j’enfourchais alors une branche

d’arbre

ou l’une des nombreuses étoiles

de la nuit caraïbe

vaste et profonde

comme seule en invente l’enfance

et je m’envolais

(loup-garou insouciant et végétarien)

loin de mon quartier

loin de ma ville

avant que les notes fausses d’un coq

trahi par ses cauchemars

ne viennent m’arracher

aux tièdes clins d’œil

des premiers rayons du soleil

 

maintenant que je connais le monde

et la beauté de ses femmes

les yeux rieurs de ses enfants

l’arrogante impuissance de ses

hommes

maintenant que j’ai vécu

partout je rêve de vivre

chez moi

 

quand j’étais jeune

je rêvais de voyager

la vie

je partirais vers un monde

sans faim

où les lumières auraient emprunté

leur éclat à nos rêves d’enfants

aux reflets argentés de la mer au soleil

à l’eau du ravin

qui accueillait nos ébats clandestins

le lendemain des jours de pluie

aux avions dont l’envol matinal

se confondait avec la saison des

cyclones

 

maintenant que j’ai voyagé

que je voyage

jusqu’à en avoir le tournis

maintenant que mes pas

ont emprunté leur rythme

aux battement d’ailes sans fin du colibri

l’envie me prend parfois

de descendre

en cours de route

et de rentrer chez moi

de retrouver l’enfance sous le vieil

acajou

pour une partie de billes

ou un corps à corps gorgé d’orgueil

 


maintenant que j’ai voyagé

que je voyage

la vie

j’ai envie par moments

de m’arrêter

comme lorsque enfant nos semelles

vagabondes

nous ramenaient à la maison

dans l’espoir de troquer

la sueur la poussière et la faim

contre une bonne douche

des vêtements moins crasseux

et un hypothétique repas

 


j’ai envie de tout arrêter

et de rentrer au pays

de l’enfance

mais j’ai perdu

le chemin du retour

quelque rapace amblyope et

gourmand

aura gobé les cailloux

que j’avais oublié de semer

 


Medellín, 3 juillet 2011

 

 

In, « Il fait un temps de poème. Vol 2.

Textes rassemblés et présentés par Yvon Le Men »

Filigranes Editions, 22140 Trézélan

Du même auteur : « L’étranger en route sur la terre... » (29/07/2021)

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