Georges Gratiant (1907 – 1992) : Volcan éteint
Volcan éteint
Vomissures de flamboyants
Carrousel du cadre rouge au Grand Palais de cuivre
Les canéficiers fieuzals de miel roux engendrent les longues silhouettes
noires de mélasse opiacée
Lauriers blancs face à la mer
Sabots pommelés de fracas incandescents
sabots de feu et de sang
lambeaux de feu qui descend
dans les flancs sabordés pleins de sang qui descend
et qui coule et qui roule
boule de feu
sabot noir étincelant
boule de feu et de sang noir figé
Et les canéficiers croulant de miel doré coulent les longues chairs brulées
De la coupe marine brusquement renversée du fracas des tonnerres
le voilà recréé
Fils de chair de mélasse brune père de cette mélasse aux paillettes
dorées dont les yeux brillent
de cette mélasse qui prend à la gorge
soif de lait gorgée d’alcool
de cette mélasse qui te prend au ventre
Nuits gastralgiques aux rêves de belladone argentée
Et des bulles en feu coule ta chair vive
Et de ta plante exacerbée crisse la jeune tourbe de locustes variées…
Jeunesse dorée de bouts dorés
de fumée et de cendres
Jeunesse de volutes bleues de panaches éteints
de cendres mortes
Mortiers et creusets sous ton talon d’ébène
d’où flaque aux quatre vents l’indolent latex blanc
terrifiante exsudation au soleil d’octobre
tempête flamboyante des neiges éruptives
l’euphorbiacée cramoisie crépite de colère
Et partout
et toujours
dans le sang dans la tourbe
le bruit lourd du talon plein de boue plein de tourbe
le bruit lourd des talons de la tourbe qui bout.
Revue « Tropiques » N° 8-9, Octobre 1943
Fort-de-France, Martinique, 1943