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Le bar à poèmes
1 janvier 2018

Raoul Schrott (1964 -) : Du sublime III / Über das Erhabene III

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Du sublime III

 

l’avarie de la pluie à trois heures de l’après-midi – la mer qui tombe à la

verticale – et les éventails du ranevala comme des roues à l’aube qui

fouissent à vide dans les brisants – le vent baragouine encore ses ordres

dans les champs de canne qui débordent de boue – et voilà la grêle qui

jaillit de l’artère brune des nuages et qui rebondit contre la fenêtre – le

soir la chaleur s’accumule et lance des étincelles dans la chambre tandis

que le cyclone fait route vers le nord – moisissures et chaux écaillée au

mur – jambes écartées j’exsude la bière et les cachets de quinine –

difficile d’avaler dans cette humidité le corps inerte sur des draps

élimés – des buissons de lychees rouges pendent de la maison et se

brisent à chaque bourrasque – images d’un continent perdu – gondwana

avant que les plaques ne dérivent et que la terre ne s’étale, grande, sous

le ciel - pour, dans sa propre torpeur, parvenir à un terme avant la

présence de ces choses et leur violence, la langue les invente en

histoires : naufrages et captivités, capitaines, entomologistes ou

 géographes avec leur outillage, le romantisme du kaki – pourtant

l’apathie de la saison des pluies a raison de cet héroïsme – les nuits ici

sont sans étoiles les moustiques ne renoncent pas – la solitude ronge le

ventre – seul le ravenala résiste encore à la jungle -  de loin la silhouette

de son sémaphore se dresse au-dessus de la colline et ne peut

télégraphier que son propre nom : l’arbre des voyageurs – la sécheresse

accumule l’eau au sein des palmes – à l’aisselle des feuilles, là où elles

se cicatrisent en tronc, il se fait citerne.

                                                                                    brickaville, 7.12.96

 

Traduit de l’allemand par Odile Demange

In, « La poésie allemande contemporaine »

Editions Seghers / Goethe-Institut Inter Nationes, Paris, 2001

Du même auteur :

Une histoire de l’écriture III / Eine Geschichte der Schrift III (01/01/2017)

Corollaires 1 / Korollarien I (01/01/2019)

Corollaires VI / Korollarien VI (01/01/2020)

 

Über das Erhabene III

 

die havarie des regens um drei uhr nachmittags . das senkrecht

stürzende meer . und die fächer des ravenal wie schaufelräder

die sich leer durch die brandung wühlen . der wind radebrecht

noch seine kommandos in den zuckerrohrfelderm die überborden

vor schlamm . dann aber platzt hagel aus dem tiefbraunen geäder

der wolken und prallt ans fenster . am abend staut sich die hitze

uns schlägt funken im zimmer während der zyklon dem norden

zusteuert . schimmel und blättriger kalk an der wand . ich schwitze

mit ausgebreiteten beinen das bier und die chinintabletten aus

schlucken fällt in dieser feuchtigkeit schwer der körper reglos

auf zerschlissenen laken . büschel roter lychees hängen vom haus

und knicken mit jeder bö . bilder eines verlorenen kontinents

gondwana bevor die schollen auseinanderdriften und die erde gross

unter dem himmel liegt . um in der eigenen starre mit der präsenz

dieser dinge und ihrer gewalt an ein ende zu kommen erfindet

die sprache sie zu gestichen : schiffbrüche und gefangenschaften

kapitäne insektensammler oder geographen mit ihren gerätschaften

die romantic des khaki . doch die apathie der regenzeit überwindet

solche heroischen gestalten . die nächte bleiben hier ohne sterne

die mücken lassen nicht ab . die einsamkeit frisst sich in den bauch

bloss der ravenal steht noch gegen den dschungel an . von ferme

ragt die silhouette seines signalarms über den hügel der auch

nichts als nur den eigenen namen zu telegrapherien vermag : der baum

der reisenden . die dürre sammelt das wasser im strauch . am saum

der blättter dort wo sie zum stamm vernarben wird er zur zisterne

brickaville, 7.12. 96

Tropen,

Carl Hanser Verlag, München, 1998

Poème précédent en allemand :

Paul Celan : Le Menhir (01/12/2017)

Poème suivant en allemand :

FriedrichHölderlin  :Chant du destin d’Hypérion / Hyperions Schickalslied (06/02/2018)

 

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