Jacques Ancet (1942 - ) : L’Imperceptible
L’imperceptible
C’est là. Ca n’a pas d’images
C’est un souffle dans les heures,
un instant comme arrêté,
on ne sait pas, presque rien.
Un vide sous les visages,
sous les gestes quelque chose
qui vacille : ombre ou mémoire.
Un silence qu’on écoute
avec toujours ce qui parle
sans un lot, ce qui se tait.
*
Ca n’existe pas, peut-être.
La pierre ou l’arbre l’ignorent,
l’oiseau qui passe, le ciel
et sa lumière. C’est un feu
qui n’aurait jamais brûlé,
une eau qui n’apaiserait
jamais la soif. Mais c’est là.
Le matin vient, sa pluie lente,
sur tes yeux des gouttes brillent,
tes cils battent : ce n’est rien.
*
C’est à midi, une cour
vide avec un seul oiseau
les feuilles qui bougent un peu.
On ne sait pas si c’est ce
qui vient ou s’en va. C’est comme
une chaise oubliée là,
pour personne, un souffle
retenu, des voix trop loin
pour qu’on puisse les comprendre.
*
Et même si nous tombons
si le temps nous défait
c’est un signe, moins parfois,
un mot mal articulé.
C’est toi, de loin, qui arrives
du soleil. Il y a des mouettes,
leurs cris. Je compte les pas
qui nous séparent. Je vois
ce qui ne sera plus. C’est
Là. L’imperceptible brûle.
In, « Il fait un temps de poème.
Textes rassemblés et présentés par Yvon Le Men »
Filigranes Editions, 22140 Trézélan