Jean de La Croix / Juan de La Cruz (1542 – 1591) : « Au sein d'une nuit obscure… » / En una noche oscura… »
Au sein d'une nuit obscure
Brulante d'un amour plein d'angoisse,
Oh! quelle heureuse aventure !
Je sortis sans être vue,
Quand tout, chez moi, déjà reposait...
A l'obscur, en sûreté,
Par l'escalier secret, déguisée,
Oh ! quelle heureuse aventure !
A l'obscur et en cachette
Quand tout, chez moi, déjà reposait...
Au sein de la nuit bénie,
En secret - car nul ne me voyait ,
Ni moi je ne voyais rien -
Sans autre lueur ni guide
Hors celle qui brûlait en mon coeur.
Et celle-ci me guidait,
Plus sûre que celle du midi,
Où Celui-là m'attendait
Que je connaissais déjà,
Sans que nul en ce lieu ne parût.
O nuit ! toi qui m'as guidée,
O nuit ! plus que l'aurore aimable,
O nuit ! Toi qui as uni
L' Aimé avec son Aimée,
L' Aimée en son Aimé transformée.
Sur mon coeur couvert de fleurs,
Qui se gardait, entier, pour lui seul,
Il reste là - endormi -
Et moi, je le caressais,
L'éventant de l'éventail des cèdres.
L'air qui soufflait du créneau -
Quand je lui caressais les cheveux-
De sa main, sereinement,
Venait me blesser au cou,
Et tenait en suspens tous mes sens.
Je me tins coi, dans l'oubli,
Le visage penché sur l'Aimé.
Tout cessa. Je restai là,
Abandonnant mon souci,
Parmi les fleurs des lis, oublié.
Traduit de l’espagnol par le Révérend Père
Cyprien de la Nativité de la Vierge
In, Jean de la Croix : « Oeuvres complètes »
Edition Desclée de Brouwer, 1967
Du même auteur :
« J’entrai, mais point ne sus où j’entrais… » / « Entréme donde no supe… » (29/01/2016)
Cantique spirituel / Cántico espiritual (29/01/2018)
Flamme vive d’amour / llama de amor viva (27/05/2019)
En una noche oscura,
Con ansias en amores inflamada,
¡ Oh dichosa ventura !,
Salí sin ser notada,
Estando ya mi casa sosegada.
A escuras, y segura,
Por la secreta escala, disfrazada,
¡ Oh dichosa ventura !
A escuras en celada,
Estando ya mi casa sosegada.
En la noche dichosa,
En secreto, que nadie me veía,
Ni yo miraba cosa,
Sin otra luz ni guía,
Sino la que en el corazón ardía.
Aquésta me guiaba
Más cierto que la luz del mediodía,
Adonde me esperaba
Quien yo bien me sabía,
En parte donde nadie parecía.
¡ Oh noche que guiaste !
¡ Oh noche amable más que la alborada !
Oh noche, que juntaste
Amado con amada.
Amada en el Amado transformada!
En mi pecho florido,
Que entero para él sólo se guardaba,
Alí quedó dormido,
Y yo le regalaba,
Y el ventalle de cedros aire daba.
El aire de la almena,
Cuando yo sus cabellos esparcía,
Con su mano serena,
En mi cuello hería
Y todos mis sentidos suspendía.
Quedéme y olvidéme,
El rostro recliné sobre el amado,
Cesó todo, y dejéme,
Dejando mi cuidado
Entre las azucenas olvidado.
Poème précédent en espagnol :
Federico Garcia Lorca : Embuscade / Sorpresa (19/12/2016)
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