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Le bar à poèmes
4 mai 2016

Blaise Cendrars (1887-1961) : I. Portrait II.Atelier

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I. Portrait

 

Il dort

Il est éveillé

Tout à coup, il peint

Il prend une église et peint avec une église

Il prend une vache et peint avec une vache

Avec une sardine

Avec des têtes, des mains, des couteaux

Il peint avec un nerf de boeuf

Il peint avec toutes les sales passions d’une petite ville juive

Avec toute la sexualité exacerbée de la province russe

Pour la France

Sans sensualité

Il peint avec ses cuisses

Il a les yeux au cul

Et c’est tout à coup votre portrait

C’est toi lecteur

C’et moi

C’est lui

C’est sa fiancée

C’est l’épicier du coin

La vachère

La sage-femme

Il y a des baquets de sang

On y lave les nouveau-nés

Des ciels en folie

Bouches de modernité

La Tour en tire-bouchon

Des mains

Le Christ

Le Christ c’est lui

Il a passé son enfance sur la Croix

Il se suicide tous les jours

Tout à coup, il ne peint plus

Il était éveillé

Il dort maintenant

Il s’étrangle avec sa cravate

Chagall est étonné de vivre encore.

 

 

II. Atelier

 

 

 

La Ruche

Escaliers, portes, escaliers

Et sa porte s'ouvre comme un journal

Couverte de cartes de visite

Puis elle se ferme.

Désordre, on est en plein désordre

Des photographies de Léger, des photographies de Tobeen, qu'on 

     ne voit pas 

Et au dos

Au dos

Des œuvres frénétiques

Esquisses, dessins, des oeuvres frénétiques

Et des tableaux...

Bouteilles vides

"Nous garantissons la pureté absolue de notre sauce Tomate"

Dit une étiquette 

La fenêtre est un almanach 

Quand les grues gigantesques des éclairs vident les péniches du ciel à grand

     fracas et déversent des bannes de tonnerre 

Il en tombe 

Pêle-mêle

 

 

Des cosaques le Christ un soleil en décomposition

Des toits

Des somnambules des chèvres

Un lycanthrope

Pétrus Borel

La folie l'hiver

Un génie fendu comme une pêche

Lautréamont

Chagall

Pauvre gosse auprès de ma femme

Délectation morose

Les souliers sont éculés

Une vieille marmite pleine de chocolat.

Une lampe qui se dédouble

Et mon ivresse quand je lui rends visite

Des bouteilles vides

Des bouteilles

Zina

(Nous avons parlé d'elle)

Chagall

Chagall

Dans les échelles de la lumière

Octobre 1913

 

 

Revue "Der Sturm", N°198-199

Berlin, 1919

Du même auteur :

Prose du transsibérien et de la petite Jehanne de France (11/05/2014)

Les Pâques à New –York (04/05/2015)

Le Panama ou les aventures de mes sept oncles (04/05/2017)

Au coeur du monde (Fragments) (04/05/2018)

Journal (27/06/2020) 

West (27/06/2021)

Contraste (27/06/2022)

Far-West (27/06/2023)

Commentaires
J
Bonjour ! Comme je ne voudrais pas publier trop de bétises, puis-je vous demander où vous avez trouvé le poème "L'atelier" et ses références ? En vous remerciant.
Répondre
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