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Le bar à poèmes
11 mars 2024

Henri Droguet (1944 -) : Scopie 1 / « ...Indéfiniment ma joie... »

Dinard. Une rencontre poétique avec Henri Droguet © dr

SCOPIE 1

 

Nous nous ferons une vie d’insomnie

il y aura

les rêves  de la mer comme un dernier barbiturique

la folie des oiseaux provisoires

des rocs neufs à ne pas dire

l’éraflure indiscrète des vents

dans la beauté des saules

 

nous nous ferons un pays réputé étranger

comme un sourire de Dieu

il se fera un jours précis de déchirure :

la mer sera haute à 21h18

le Breslinghes quittera le port, sur lest,

pour l’Allemagne

le Nordlicht, bois sciés, venant d’Halmstadt

entrera

 

Je-n’importe qui serait à rêver blanc,

dans le coin gauche.

                                                                                  15 août 1972

 

« ... INDEFINIMENT MA JOIE »

 

D’abord j’entends un chant fini et

des bruits ouvriers

le crachin froisse l’arbre mou des paresses

les feuilles choient

sur l’érosion évidente des herbes

 

J’entends les bruits désormais provisoires

des oiseaux de la mer de l’arbre de la mer

des voix d’hommes du vent

l’arbitraire du monde, son grincement de coutume

le geindre gras de l’ordinaire, la suie des mémoires et des heures

 

Je sais la vie plus loin plus loin plus loin

loin simplement de ce torchis des mots

dans un chant postérieur

 

D’abord il y eut l‘écorchure précise des villages

l’aller-retour des vents sur les mains tout à coup

de silence

l’immobilité des oiseaux ternis

- une maille ratée, ou tout comme –

le silence (je le redis)

des oiseaux de la mer des arbres de la mer

des voix d’homme du vent

un silence /antiphrase

 

Plus tôt plus tard la turbulence

des « idées pures » à la con, les miroirs

brouillés de l’automne, l’accueil des flaques

(ultérieurement) le crissement des plages

le monde quoi te vous agrippe à la main :

« Tu viens, chéri ? »

et je vous y vas, aux poubelles de la po-hai-sie

vite et bien

Les nuages gribouillaient le soleil de huit heures

les rocs noircissaient, le vent touillait

la panade des brumes froides très

j’ai joui – comme tout le monde –

je commençais, seulement je commençais

à savoir le visage de mon amour sur les doigts

de ma main

et l’énorme indisable présence

des oiseaux de la mer des arbres de la mer

des hommes et du vent

les lacets bien connus du sang

les semailles du rire

leur avant-dire :

(on verra les chiens rire les oiseaux

contre-

dire les râpes du malheur

l’ivresse des bateaux dans les soirs de fortune

l’aurore surviendra dans l’arbre

flavescent)

 

Les vents ultimes cousaient leurs violences

pourléchaient semblablement les sables

les poètes comptaient l’iambe et l’anapeste

trafiquaient leur pidgin de contre-

bande, signaient

saignent, bricolent

« Ventre affamé n’a point d’oseille »

Ca n’empêche pas la monnaie de la pluie, ni les ressou-

venirs (moi je connais un talus gauche...)

les ressouvenirs, le saute-mouton clandestin

du bonheur

 

Les vents dérapent sur les haies

la mer heureuse se déride

passagèrement et j’y vais, j’y vais.

Gare aux murs.

                                31 octobre – 1er novembre 1972

 

Chant rapace

In, Revue « Cahier de poésie, 3 »

Editions Gallimard, 1980

Du même auteur :

Sans paroles (12/03/2019)

Salut (12/03/2020)

Bout de monde (12/03/2021)

Pour l’exemple (12/03/2022)

Gwerz / Amen (12/03/2023)

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