Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le bar à poèmes
19 juillet 2023

George Oppen (1908 – 1984) : Un langage de New York

oppenimage[1]

 

Un langage de New-York

 

I

Une ville d’entreprises

 

Sous-verre

De rêve

 

Et d’images –

 

Et la joie pure

Du fait minéral

 

Pourtant impénétrable

 

Comme le monde, s’il est matière,

Impénétrable.

 

II

Qui ne peut commencer

Par le commencement aura la chance

De trouver tout déjà en place. Il est client,

Arbitre et juge... Et la violence, ici

Est sans issue, un cul-de-sac.

 

                                       Ils relancent

Le débat pour parler, ils deviennent

irréels, irréels, la vie perd

sa consistance, son poids, leur jeu : le baseball

car le baseball n’est pas un jeu

mais un débat et les avis contradictoires

font les courses de chevaux. Ce sont les spectres qui menacent

 

Votre âme. Quelque chose bouge

Dans l’air

Qui a des relents d’écurie ils pourront voir la fin

D’une ère

Premier entre les peuples

Et vous pouvez dignement prendre

Vos distances

Si vous y parvenez

 

III

Même à présent je ne parviens

Pas à me détacher vraiment

De ces hommes

 

Près de qui j’ai vécu dans des camps, sous des tentes

Dans des hôpitaux, des hangars et, caché, dans les bas-côtés

De routes défoncées dans le paysage détruit,

 

Parmi eux nombre d’hommes

Plus capables que moi –

 

Moykut et un sergent

Nomme Healy

Ce lieutenant aussi –

 

Comment l’oublier ?

Comment dire

« Le peuple » d’un ton dégagé ?

 

Qui est le peuple ? qu’il est

 

Cette force entre les murs

Des villes

 

Où les voitures

Des ouvriers

Et des patrons

 

Résonnent comme l’histoire

Le long des avenues murées

Ou l’on ne peut parler.

 

4

Possible

D’employer

Des mots à condition de les traiter

En ennemis.

Non des ennemis – des Spectres

Devenus fous

Dans le métro

Et bien sûr les bureaux

Et les banques. Si je les capture

Un par un en procédant

 

Avec soin ils recouvreront

Je l’espère la raison

Et le sens.

 

5

Acte qui est

Violence.

 

Et nul ne s’accommode d’un avenir

De déplacements rapides avec bruit décroissant

Moins de cahots

Moins d’engagement. Ils attendent

 

La guerre, et les nouvelles disent : Guerre

Comme toujours

 

Que la sève coule en eux

Et la sève stagne.

 

De grandes choses arrivèrent

Sur la terre, lui offrant une histoire, les armées

Et les hordes en haillons déferlant, les passions

De cette mort

 

Mais qui trompe

La mort ?

 

Qu’il y ait ou non la guerre, qu’il ait

On non son opinion, et non seulement les guerriers,

Non seulement les héros

 

Non seulement les victimes, et ils ont peut-être vu la fin

De tout cela, et si tel est le cas

Peut-être ont-ils vu la fin.

 

6

Il peut y avoir une brique

Dans un mur de brique

Que l’œil descelle

 

Un si calme dimanche.

Voici la brique, elle attendait

Ici-même ta naissance,

 

Mary-Anne.

 

7

Curieux comme les gens les plus jeunes que je connaisse

Telle Mary-Anne vivent dans les plus vieux immeubles

 

Disséminés dans la ville

Dans les chambres noires

Du passé – et les immigrants,

 

Les sombres

Immeubles rectangulaires

Des immigrants

 

Ce sont les enfants de la classe moyenne.

 

« De purs produits de l’Amérique – » 

 

Envahissent

Les vieux immeubles

Se bousculent

 

Dans le demi-oubli, ce commerce pesant,

Cette muraille de Chine.

 

8

                                                                                     Whitman : « 19 avril 1964

 

La capitale au fil du temps, pousse au-dessus de votre tête, surtout maintenant

qu’ils l’ont ornée de cette grande figure et qu’on la voit de partout. C’est une

grande figure de bronze, Le Génie de la Liberté, je suppose. Au crépuscule elle

est superbe. J’adore aller la contempler. Le soleil, lorsqu’il est presque couché,

brille sur la tête et la couronne, qui accueille et vous éblouit comme une grosse

étoile ; c’est d’un aspect assez

 

bizarre. »

 

 

Traduit de l’américain par Pierre Alféri

George Oppen :Un langage de New York

Format Américain, 1993

Publicité
Publicité
Commentaires
Le bar à poèmes
Publicité
Archives
Newsletter
95 abonnés
Publicité