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Le bar à poèmes
15 mai 2023

Frédéric-Jacques Temple (1921 - 2020) : Caravane

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Caravane

 

A Lawrence Durrell

 

Fuir nous avons fui dans les contrées désertes

A pied encore à pied toujours dans le lointain suffocant

Et nous avons crevé trente dromadaires

Bu jusqu’à notre sueur

Fuir fuir toujours l’empreinte de nos derniers pas

Le galet noir le squelette d’un oiseau vaincu

La soif de midi

Le soir et le matin

 

Fuir fuir avec les sauterelles

Ne laisser que désolation et puits taris

Effacer la musique et le silence

Rencontrer des savanes verdoyantes

Et les brûler de nos regards

 

Etrange caravane étranges bêtes haletant

Sous le harnais blessant de l’embrasement

Folie de fuir pour devenir et fuir encore

Vers d’autres absences et retrouver les germes d’une espérance

Pétrifiés comme les œufs muets des vieux reptiles géants

Fixés dans les millénaires oubliés des continents

Eclairer la nuit avec les torches de nos corps où crépite la résine des noires

     forêts humaines

Réveiller par nos clameurs les troupeaux ensevelis dans les plaines

 

Caravane des soupirs et des transpirations

Marchands de sel de peaux d’armes de femmes jeunes et de vieil or

Cheminement de gloire arrachée du soleil à chaque pas certain vers les 

     horizons de l’errance

Caravane des tabagies dans la pipe creuset des étoiles froides

Caravane des implacables désirs tendus sur la peau des coursiers lointains du

     sang

 

Passons les frontières les équateurs des atlas symboliques et fuyons

Suivons les ailes noires des migrations triangulaires

Dans le sillage astral des oiseaux sonores

Marchons dans la grande nuit lactée au rythme des bêtes et de la floraison

 

Voici que disparaît la caravane vers les pluies inespérées qu’agitent les

     horizons fétides des marigots

Voici que transpire la peau de la terre lourde et gravide

Voici le doigt du sort dressé sur le nombril des directions

 

Etre où fleurit le néant et le coup de gong de l’absence

Chaque pas remplacer le mot inutile et béant

Et se sentir vaincu par la soif des montures

S’éloigner immobile et se trouver encore

Et toujours fuir la dernière halte et les feux des bivouacs

 

Ainsi marche la caravane

Dans les orages des soirs et des matins

Du devenir

Et de la fin.

 

 

Foghorn

Editions Bernard Grasset, 1975

Du même auteur :

La prison de Socrate (13/10/2014)

Un long voyage (13/10/2015)

Profonds pays (II) (15/05/2018)

Westbound (14/05/2019)

Thessalonique (15/05/2020)

Northbound (01/11/2020)

Sud (15/05/2021)

Profonds pays (I) (01/11/2021)

Profonds pays (III) (15/05/2022)

 

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