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Le bar à poèmes
18 février 2022

Denis Rigal (1938 - 2021) : Divers exil

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Divers exils

1

De l’exil au bord des flots

opaques, cette voix de nuit

tombée, sans nom, qui parle bas

syllabes de sybille

confiées à l’étendue, coulées

sur la chair à la tiède cadence

ainsi nuées dans le clos du regard,

dans la noire et violente toison,

des mots mués enfin, encens

inverse, feu ophidien

des métamorphoses.

 

2

le monde est à regarder seul

est un mur sans rien derrière

ni dedans que la poussière

qui sourd à l’identique

petit matin à l’endémique lent

demain se pose sur les visages

frémit d’improbables murmures

comme courait un feu dans la pierraille

du désert sans une épine à consumer

jusqu’à marquer d’un signe encore

la paroi déjà peinte le roc déjà gravé

 

3

ailleurs sont les amants cloués

à leur zénith ou vagues algues

dans l’eau indéfinie cette parole

est leur exil la vraie femme très nue

très droite parmi d’autres figures

er fabriques ne dira rien

 

4

ni la bouche lasse lourde

meurtrie peut-être et qui remue

heureuse entre deux rêves entre deux os

confluent des silences où gémit

où j’ai mis...

 

non.coupez.

 

5

ô certes le temps le vent

vous caressaient bouches obscures

une lueur montait     un souffle

dans l’herbe déliée et même

dans le regain vert-noir et les colchiques

 

on partageait

le baragouin des communions cosmiques

on jouait la ferveur

à cinquante contre un

 

6

un caillou gris parmi tant d’autres

jeté par-dessus la mythique épaule

et qui rêve de dragons édentés

d’homonculus hurlant sous la potence

d’un dieu tonitruant et pleuvant  l’or

qui se fait cygne pour abuser Léda

née de la terre : ainsi va toute fable

laisse égarés quelques humains épars

puis çà puis là poussés dans le saumâtre

entre la fange et le désert poussés

à bout poussés au four et à la fosse

 

7

et tu dis : « le cri noir de la terre »,

tu clames, la glaise grasse luit jaune-bistre,

la lise lisse absorbe et indiffère,

les mots y bordent leurs racines,

font comme si, adhèrent à peine,

ni à eux-mêmes ; au-delà un dessin

peut-être vaudrait, fait de répudiations,

bancal,

oblique ;

un estran hachuré d’épaves,

de coques vides, de brise-l’âme

 

mais il y a beaucoup à retenir

Vieles aber

la silhouette du bassier le goût

du vent l’odeur du bois

dans l’appentis du menuisier

au bord du fleuve

Vieles aber ist zu behalten

 

 

Fondus au noir

Editions Folle Avoine, 35137 Bédée,1996

 

Du même auteur :

« Une fois, / Les écluses s’ouvrirent… » (16/03/2015)

Des fins premières (25/08/2016)

« rouillés sont les vaisseaux friables… » (25/08/2017)

Nord Nord-Ouest par Ouest (25/08/2018)

Pour tenir lieu (25/08/2019)

Problématique (25/08/2020)

Fondus au noir (25/08/2021)

Combaneyre (25/08/2022)

La joie peut-être (18/02/2023)

Denis Rigal : Nord (18/02/2024) 

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