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Le bar à poèmes
6 septembre 2019

Denise Le Dantec (1939 -) : mémoire des dunes

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mémoire des dunes

à Reinout

 

 

Stries

sur le gris arraché

à l’extrême du pays

 

sous l’œil,

c’est un champ de mémoire,

intact,

qui se retire

 

les vagues ne viennent plus

 

 

l’herbe s’annule

 

 

 

 

Peut-être,

une membrane

 

pour écrire

 

 

un silence de poisson

 

 

 

 

Ramures

sur l’étendue du sable,

 

preuve

par-delà l’oiseau blanc

qu’ici écuma l’océan

 

le mot humecté de salive

 

 

de tout ce qui commence

 

 

 

 

Vagues sédimentées,

 

l’étoile vivante du carex

accuse l’état blanc-sombre

de toute lumière

 

lointaine

 

 

 

remémorée

 

 

 

 

Matière étale

et sourde,

séparée de son eau

 

excoriée

 

la phrase écrit sa phrase

 

 

dans la phrase

 

 

 

 

Le geste simple du pinceau

suspendu avec l’encre

 

au-dessus de l’étendue natale

 

 

qui craint

 

 

 

 

Intimité

de l’espace :

 

la pulsation

raye :

 

la confusion des sables

 

 

à la surface

 

 

 

 

Au noir de l’œil

dans l’épars,

 

plantation de racines

 

le sable s’ouvre

 

 

pour voir

 

 

 

 

Pauvres,

les semences de la nuit

 

à déchiffrer

 

dans les alphabets

 

 

absents des botaniques

 

 

 

 

Et c’est un peu la pluie,

parmi les joncs,

qui fait briller

dans l’explosion de vent

qui les agite

 

avec des larmes

 

 

les mots

 

 

 

 

Immense

rosée de mer

 

dans la vallée des gneiss

 

les lumières

 

 

se raniment

 

 

 

 

De tertre en tertre,

le chardon

 

chiffre son bleu mouvant

 

 

où cela cingle

 

 

 

 

Etoile de mer,

posée,

 

en extase

 

 

sur le chemin

 

 

 

 

A l’instant clair

où l’œil,

ouvert plus haut,

 

apaise sa soif

 

dans ce qu’il voit

 

 

de l’océan

 

 

 

 

Semis silencieux

des lilas de mer

 

pente

d’essences

 

à demi-chemin

 

 

de la grande parole liquide

 

 

 

 

Rescapé des déluges,

l’oiseau signe

avec la lumière

 

et l’aile encore humide

 

 

vole dans l’air marin

 

 

 

 

Contrée

du rien et du multiple

 

avec cette marge de clarté

 

unique

 

 

ouverte sur le limon

 

 

 

 

Chargé de bleu

et d’indigo

 

avec la houle,

 

l’œil

voit

 

 

en regardant la mer

 

 

 

 

Sous l’entrepôt d’étoiles

     les caissons

 

     versent

 

 

     dans la magie

 

 

 

 

Intempestif

le poisson gît sur le roc

 

avant l’immersion bleu-nuit

 

 

feuilletée de vagues

 

 

 

 

Ortie de mer

où se dévêt l’écume,

 

l’à-peine fleurie

 

 

détachée de la vague

 

 

 

 

Rompu au vent

le pétrel

risque le bec

 

au point brisé

de l’eau

 

 

et crie

 

 

 

 

Stridence finale

de la parole

 

dans les traverses

 

 

vert-océan

 

 

 

 

... Nous conversons ensemble dans le bleu de l’obscur. D’un côté trop de mer,

trop de sable de l’autre. Les étoiles brillent suspendues aux roseaux poussés

au bord du ciel.

   A qui offrir cet abandon si vaste qui tantôt nous altère tantôt nous inonde ?

     Il n’y a ici ni stupeur ni espoir.

     L’immense s’assemble sous un grain de sable et s’évapore loin là-bas.

 

 

 

 

     Et de ce pays fatal qu’en créant je parcours rien ne reste à donner sinon, ô

lèvres fermées en espérance de sel, ce segment d’océan tombé en déshérence.

 

 

mémoire des dunes

Editions Folle Avoine, 35850 Romillé, 1985

De la même autrice :

« Nous ne sommes plus rien… » (07/10/2014)

Les fileuses d'étoupe (I) (18/09/2017)

Mésange (06/09/2018)

Les fileuses d’étoupes (II) (05/09/2020)

Les fileuses d’étoupe (III) (04/03/2021)

Les fileuses d’étoupe (IV) (05/09/2021) 

Procné (05/09/2022)

Strophes pour une agapè (05/09/2023)

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Commentaires
S
le texte comme des langues d'eau s'avançant sur kla feuille blanche du sable! magnifique!!
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