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Le bar à poèmes
7 septembre 2019

Franck Venaille (1936 -2018) : Cantos

 

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CANTOS

 

DU CHANT PREMIER

 

J’

avais

peur

de me rendre sur leur tombe

ô

combien je craignais cette prise de main.

 

D’

ailleurs

qu’aurais-je bien pu psalmodier

(le cœur lourd de ma présence au monde)

sinon la vengeance de Dieu ?

 

Trop tôt & trop tard pour être mon propre ange gardien.

 

IL

suffisait toutefois de rallumer

la

mèche de nos bougies

enfoncées à demi

dans la terre

très ancienne

- comme ébréchée –

 

Pour supprimer l’effroi

 

DU CHANT SECOND

 

La vie m’a blessé d’âme.

Ah ! ce mur d’anxiété

qui

peu à peu

m’enserre.

ALORS

que

simplement je demande à quitter la scène où je me débats

fût-ce par la sortie bon secours.

 

Ce sont toujours les mêmes qui pratiquent l’autopsie de leur

propre corps.

Cela tient du cheval-vapeur ouvert dégoulinant de viscères

noirs.

 

Je

ne cherche qu’à disparaître dignement de ma vie.

Avec un zeste de dandysme pour l’illusion dernière.

 

Rien !

On est rien.

On naît mort.

 

Vite on recoud vite en sifflant vite le cadavre.

- déjà fané avant l’heure légale –

 

DU CHANT TROISIEME

 

Les

trépassés de l’aube dans la chambre

voisine

(encore si peu vivants soit-ils !)

ce

n’est

pas

avec eux que l’on échangera farces & attrapes.

 

Lentement, ils pénètrent lentement dans ce champ troisième

sans penser aux dépenses du temps,

lentement.

 

JAMAIS

on

ne les voit se plaindre

à l’office sous perfusion

JAMAIS

on

ne les entend critiquer

le choix de l’Eternel.

 

Forcément la vie s’en est pris à eux

- d’abord à eux-

 

A

ceux-là !

 

DU CHANT QUATRE

 

Echange :

spleen, détresse, anxiété, appréhension, sentiment  d’oppression,

contre non pas lebonheurmondieu mais au moins quelque chose

ayant à voir avec le repos du corps.

Ah ! De celui-là avec son monde nocturne, caves et souterrains,

je suis prêt à m’éloigner.

 

Pourtant nous fûmes amis, je me souviens.

Liés l’un à l’autre, j’en ai souvenir.

Un peu amant, frère & père, je l’ai parfaitement en mémoire.

 

Dès lors :

pourquoi se dispenser de lui ? Le demande-t-on à la femme belle

qui vit en chacun de nous ?

Et puis pourquoi, oui pourquoi se séparer de l’intérieur certes

rempli de vapeurs,

de sécrétions fatales, d’odeurs d’avant-hier ?

Pourquoi ?

 

ET LE COURS DU FLEUVE SANG !

Celui-là, c’est Meuse, Rhin, Danube, Tamise réunis.

Je me souviens. J’en ai souvenir. De sa beauté.

 

A qui nous cédons toujours notre pace dans l’autobus 80.

 

DU CHANT CINQUIEME

 

Lorsque

je

serai réconcilié avec mes morts.

 

Quand

ils

s’

attableront avec moi

pour le festin du soir,

moins inquiets qu’autrefois ils ne l’étaient vivants.

 

Encore sur la réserve aux main gantées d’hiver toutefois.

 

Alors

alléluia alléluia la neige

devant

tombes

ouvertes

nous danserons

alléluia

l’

ALLEMANDE

Autour

du

brasero

leurs ombres se morfondent & tremblent.

 

In, Jean Orizet : « La poésie française contemporaine »

Le cherche midi éditeur, 2004

Du même auteur :

 la tête contre la vitre… » (26/02/2016) 

 « Ainsi nous portons tous… » (26/02/2017) 

« Le marcheur d’eau… » (26/02/2018)

« Et ne sachant pas vivre... » (16/09/2021)

« Malade à en vomir des pierres... » (16/09/2022)

 C'était bon d'avoir trente ans... » (16/09/2023)

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