L’Hôtellerie du destin
La Lune aveugle dans le ventre
du Poisson
et toi, éloigné du pays natal,
tu ne vis pas, tu ne meurs pas.
Le Feu des Mages s’est éteint,
allume donc le lampion !
Cherche où a passé le papillon.
Peut-être vole-il dans l’ombre verte
de cette ténèbre ensorcelée ?
Bois la nuit qui coule de cette lumière,
puis brise en morceaux le verre.
Cette nuit, sache-le,
ne reviendra pas.
La flèche du sort t’a rejoint.
Aucune issue pour t’enfuir,
ô Sommeilleux !
A moins de ne prendre à ton tour le coq pour un âne,
ainsi que nous l’impose
le déroulement des jours.
La gazelle dans le désert…
les chiens de chasse au soir
traquent sa course.
Le vin dans son cruchon…
hume-le tout ton soûl,
puis vide la coupe du ciel,
ou le verre ami des larmes,
jusqu’à mourir à ton tour
en cette hostellerie du Destin que chacun quitte
les mains vides
aux pieds de l’hôtelier –
ton unique compagnon à l’instant
du dernier voyage
vers la cité des fourmis abusées
gouvernées par les chiffres
et les calculs de la banque.
O toi, l’esclave,
à combien vends-tu ces chaînes ?
Cette nuit, sache-le,
ne reviendra pas.
Elle s’est envolée, tout comme
s’est envolé
le tapis des Mille et Une Nuits,
et nous avec lui,
embrassant le « Tigre » à la clarté fuyante
des étoiles
et semant dans sa course un palmier…
Mieux vaut taquiner les cordes du luth,
car le coq de cette nuit aura rendu l’âme
avant que ton verre ne t’offre
sa première lueur…
Traduit de l’arabe par René R. Khawam
in, « La poésie arabe des origines à nos jours »
Editions Phébus, 1995
Du même auteur :
Amants en exil (11/02/2016)
Tristesse de la violette (20/04/2017