Dino Campana (1885 – 1932) : Gênes / Genova
Gênes
Dès lors que la nuée s’arrêta dans les cieux
Dans le lointain sur l’infinie silencieuse
Rade enfermée marine en ses voiles lointains,
Et revenait l’âme partie
Et tout alentour d’elle mystérieusement
enluminé déjà du jardin le vert
Rêve dans l’apparence de ses coruscantes
statues superbes surhumaine : et j’entendis
et un chant j’entendis une voix de poètes
Dans les fontaines et les sphynges aux frontons
Un premier oubli bienveillantes aux courbés
Humains encore offrir parurent : des secrets
Dédales je sortis : surgissait un bâti
Blanc de tours dans l’air : innombrables de la mer
Parurent les blanches rêveries des matins
Au loin s’estompant enchaîner
Comme un inconnu tourbillonnement de son.
Entre les voiles d’écume entendait le son.
Plein était le soleil de Mai.
*
Sous la tour orientale, dans les terrasses vertes dans l’ardoise cendrée
Se déverse la place à la mer qui condense les navires inépuisable
Rit l’arqué palais rouge depuis le grand portique :
Comme les cataractes du Niagara
Chante, rit, varie la symphonie de fer féconde urgente à la mer :
Gênes chante ton chant !
*
Au cœur d’une grotte de porcelaine
Sirotant du café
Je regardais de la baie vitrée la foule monter rapide
Entre les vendeuses pareilles à des statues, tendant
Des fruits de mer avec de rauques cris tombant
Sur la balance immobile :
Ainsi de toi je me souviens encore et te revois impériale
Montant la pente en tumulte
Vers la porte déclose
Contre l’azur du soir,
Fantastiques de trophées
Mythiques entre les tours nues au ciel serein,
A toi agrippée d’alentour
La fièvre de la vie
Première : et par les ruelles lubriques de fanaux le chant
En ritournelles des prostituées
Et du fond le vent de la mer sans trêve,
*
Par les ruelles marines dans l’ambigu
Soir chassait le vent depuis l’enchevêtrement
Des bateaux des préludes entre les fanaux :
Les immeubles marins de blanches arabesques
Avaient dans l’ombre alanguie
Et nous allions et moi et le soir ambigu :
Et moi les yeux en haut aux mille je levais
Et mille et mille yeux bienveillants
Des Chimères dans les cieux : ……….
Quand
Mélodieusement
De haut sel, le vent comme blanche feignit une vision de Grâce
Comme de l’aventure infatigable
Des nuages et des étoiles dedans du ciel du soir
Dedans la ruelle marine en haut s’élève, ……………
Dedans la ruelle car rouges en haut sel
Marin les ailes rouges des fanaux
Arabesquaient l’ombre alanguie, ……………
Qui dans la ruelle marine, en haut sel lève
Qui blanche et légère et plaintive s’éleva !
Comme en les ailes rouges des fanaux
Blanche et rouge dans l’ombre du fanal
Qui blanche et légère et tremblante s’éleva……-
Or déjà dans le rouge du fanal
Etait déjà l’ombre laborieusement
Blanche………………………..
Blanche quand dans le rouge du fanal
Blanche lointaine laborieusement
L’écho abasourdi rit une irréelle
Rire : et que l’écho laborieusement
Blanc et léger et abasourdi s’éleva….
Déjà tout alentour
Luisait le soir ambigu :
Et battaient les fanaux
Palpitation dans l’ombre ;
Des rumeurs au lointain s’éboulaient
Dedans des silences solennels
En demandant : si de la mer
Le rire ne s’élevait….
En demandant si l’entendait
Infatigablement
Le soir : à l’aventure
De nuages là en haut
Dedans du ciel stellaire.
*
Au bord le bateau se pose
Dans le crépuscule qui brille
Dans les mâts calmes de fruits de lumière,
Dans le paysage mythique
De navires dans le sein de l’infini
Dans le soir
Chaud de félicité, étincelant
En un grand en un grand voilage
De diamants étendus sur le crépuscule,
En mille et mille diamants en un grand voilage vivant
Le bateau se décharge
Interminablement grinçant,
Infatigablement il gronde
Et le pavillon est baissé et la mer et le ciel est d’or et sur le môle
Courent les enfants et ils crient
Avec des cris de félicité.
Déjà par bandes s’aventurent
Les voyageurs à la cité tonnante
Qui étend ses places et ses rues :
La grande lumière méditerranéenne
S’est fondue en pierre de cendre :
Par les ruelles antiques et profondes
Fracas de vie, joie intense et fugace :
Voilage d’or de félicité
Est le ciel où le soleil très riche
Abandonna ses dépouilles précieuses
Et la Cité comprend
Et s’allume
Et la flamme titille et absorbe
Les restes magnificents du soleil,
Et tisse un suaire d’oubli
Divin pour les hommes fatigués.
Perdues dans le crépuscule tonnant
Ombres de voyageurs
S’en vont par la Superbe
Terribles et grotesque comme les aveugles.
*
Vaste, dedans une odeur ténue évanouie
De goudron, veillé par les lunes
Electriques, dessus la mer à peine en vie
Le vaste port s’endort.
Se lève la nuée des cheminées
Cependant que le port en un doux craquement
Des cordages s’endort : et tandis que la force
Dort, dort qui berce la tristesse
Inconsciente des choses qui seront
Et le vaste port oscille dedans un rythme
Ereinté et s’entend
La nuée qui se forme du vomissement silent.
*
Ô Sicilienne altière opulente matrone
Aux fenêtres venteuses de la ruelle marinière
Dans le sein de la cité percutée de sons de navires et de chariots
Classique méditerranéenne femme des ports :
Par les gris rosés de la cité d’ardoise
Sonnaient les clameurs vespérales
Et puis plus calmes les rumeurs dedans la nuit sereine :
Je voyais aux fenêtres étincelantes comme les étoiles
Passer les ombres des familles marines : et des chants
J’entendais lents et ambigus dans les veines de la cité méditerranéenne :
Car c’était la nuit profonde.
Tandis que toi Sicilienne, depuis les creux
Des vitres en un jeu tortueux
L’ombre creuse et la lumière vacillante
Ô Sicilienne, aux mamelons
L’ombre renfermée tu étais
La Pieuvre des nuits méditerranéennes.
Grinçait grinçait grinçait de chaînes
La grue sur le port dans le creux de la nuit sereine :
Et dedans le creux de la nuit sereine
Et dans les bras de fer
Le faible cœur battait une plus haute palpitation : tu
La fenêtre avais éteinte :
Nue mystique en haut creuse
Infiniment d’yeux trouée dévastation était la nuit tyrrhénienne.
_____________________________________________________________
They were all torn
and cover’d with
the boy’s
blood (1)
(1) Walt Whitman : Song of Myself
Traduit de l’italien par Irène Gayraud et Christophe Mileschi
In, Dino Campana : « Chants orphiques et autres poèmes »,
édition bilingue.
Editions Points, 2016
Du même auteur :
La Chimère / La Chimera (20/08/2018)
Poésie facie / Poesia facile (20/08/2019)
Jardin automnal (Florence) / Giardino autunnale (Firenze) (01/02/2020)
Bâtiment en voyage / Bastimento in viaggio (20/08/2020)
L’espérance (sur le torrent nocturne) /La speranza (sul torrente notturno) (01/02/2021)
La baie vitrée / L’invetriata (20/08/2021)
Le chant de la ténèbre / Il canto della tenebra (01/02/2022)
Le soir de la foire / La sera di fiera (20/08/2022)
Guglielma et Manfreda au balcon (XIIIème siècle) /Guglielmina e Manfreda al balcone (Secolo XIII) (01/02/2023)
Genova
Poi che la nube si fermò nei cieli
Lontano sulla tacita infinita
Marina chiusa nei lontani veli,
E ritornava l’anima partita
Che tutto a lei d’intorno era già arcana-
mente illustrato del giardino il verde
Sogno nell’apparenza sovrumana
De le corrusche sue statue superbe:
E udìi canto udìi voce di poeti
Ne le fonti e le sfingi sui frontoni
Benigne un primo oblìo parvero ai proni
Umani ancor largire: dai segreti
Dedali uscìi: sorgeva un torreggiare
Bianco nell’aria: innumeri dal mare
Parvero i bianchi sogni dei mattini
Lontano dileguando incatenare
Come un ignoto turbine di suono.
Tra le vele di spuma udivo il suono.
Pieno era il sole di Maggio.
*
Sotto la torre orientale, ne le terrazze verdi ne la lavagna cinerea
Dilaga la piazza al mare che addensa le navi inesausto
Ride l’arcato palazzo rosso dal portico grande:
Come le cateratte del Niagara
Canta, ride, svaria ferrea la sinfonia feconda urgente al mare:
Genova canta il tuo canto!
*
Entro una grotta di porcellana
Sorbendo caffè
Guardavo dall’invetriata la folla salire veloce
Tra le venditrici uguali a statue, porgenti
Frutti di mare con rauche grida cadenti
Su la bilancia immota:
Così ti ricordo ancora e ti rivedo imperiale
Su per l’erta tumultuante
Verso la porta disserrata
Contro l’azzurro serale,
Fantastica di trofei
Mitici tra torri nude al sereno,
A te aggrappata d’intorno
La febbre de la vita
Pristina: e per i vichi lubrici di fanali il canto
Instornellato de le prostitute
E dal fondo il vento del mar senza posa.
*
Per i vichi marini nell’ambigua
Sera cacciava il vento tra i fanali
Preludii dal groviglio delle navi:
I palazzi marini avevan bianchi
Arabeschi nell’ombra illanguidita
Ed andavamo io e la sera ambigua:
Ed io gli occhi alzavo su ai mille
E mille e mille occhi benevoli
Delle Chimere nei cieli:. . . . . .
Quando,
Melodiosamente
D’alto sale, il vento come bianca finse una visione di Grazia
Come dalla vicenda infaticabile
De le nuvole e de le stelle dentro del cielo serale
Dentro il vico marino in alto sale,. . . . . .
Dentro il vico chè rosse in alto sale
Marino l’ali rosse dei fanali
Rabescavano l’ombra illanguidita,. . . . . .
Che nel vico marino, in alto sale
Che bianca e lieve e querula salì!
«Come nell’ali rosse dei fanali
Bianca e rossa nell’ombra del fanale
Che bianca e lieve e tremula salì: …..»
Ora di già nel rosso del fanale
Era già l’ombra faticosamente
Bianca. . . . . . . .
Bianca quando nel rosso del fanale
Bianca lontana faticosamente
L’eco attonita rise un irreale
Riso: e che l’eco faticosamente
E bianca e lieve e attonita salì. . . . .
Di già tutto d’intorno
Lucea la sera ambigua:
Battevano i fanali
Il palpito nell’ombra.
Rumori lontano franavano
Dentro silenzii solenni
Chiedendo: se dal mare
Il riso non saliva. . .
Chiedendo se l’udiva
Infaticabilmente
La sera: a la vicenda
Di nuvole là in alto
Dentro del cielo stellare.
*
Al porto il battello si posa
Nel crepuscolo che brilla
Negli alberi quieti di frutti di luce,
Nel paesaggio mitico
Di navi nel seno dell’infinito
Ne la sera
Calida di felicità, lucente
In un grande in un grande velario
Di diamanti disteso sul crepuscolo,
In mille e mille diamanti in un grande velario vivente
Il battello si scarica
Ininterrottamente cigolante,
Instancabilmente introna
E la bandiera è calata e il mare e il cielo è d’oro e sul molo
Corrono i fanciulli e gridano
Con gridi di felicità.
Già a frotte s’avventurano
I viaggiatori alla città tonante
Che stende le sue piazze e le sue vie:
La grande luce mediterranea
S’è fusa in pietra di cenere:
Pei vichi antichi e profondi
Fragore di vita, gioia intensa e fugace:
Velario d’oro di felicità
È il cielo ove il sole ricchissimo
Lasciò le sue spoglie preziose
E la Città comprende
E s’accende
E la fiamma titilla ed assorbe
I resti magnificenti del sole,
E intesse un sudario d’oblio
Divino per gli uomini stanchi.
Perdute nel crepuscolo tonante
Ombre di viaggiatori
Vanno per la Superba
Terribili e grotteschi come i ciechi.
Vasto, dentro un odor tenue vanito
Di catrame, vegliato da le lune
Elettriche, sul mare appena vivo
Il vasto porto si addorme.
S’alza la nube delle ciminiere
Mentre il porto in un dolce scricchiolìo
Dei cordami s’addorme: e che la forza
Dorme, dorme che culla la tristezza
Inconscia de le cose che saranno
E il vasto porto oscilla dentro un ritmo
Affaticato e si sente
La nube che si forma dal vomito silente.
*
O Siciliana proterva opulente matrona
A le finestre ventose del vico marinaro
Nel seno della città percossa di suoni di navi e di carri
Classica mediterranea femina dei porti:
Pei grigi rosei della città di ardesia
Sonavano i clamori vespertini
E poi più quieti i rumori dentro la notte serena:
Vedevo alle finestre lucenti come le stelle
Passare le ombre de le famiglie marine: e canti
Udivo lenti ed ambigui ne le vene de la città mediterranea:
Ch’era la notte fonda.
Mentre tu siciliana, dai cavi
Vetri in un torto giuoco
L’ombra cava e la luce vacillante
O siciliana, ai capezzoli
L’ombra rinchiusa tu eri
La Piovra de le notti mediterranee.
Cigolava cigolava cigolava di catene
La grù sul porto nel cavo de la notte serena:
E dentro il cavo de la notte serena
E nelle braccia di ferro
Il debole cuore batteva un più alto palpito: tu
La finestra avevi spenta:
Nuda mistica in alto cava
Infinitamente occhiuta devastazione era la notte tirrena.
_____________________________________________________________
They were all torn
and cover’d with
the boy’s
blood (1)
(1) Walt Whitman : Song of Myself
Canti Orfici,
Tipografia F. Ravagli, 1914
Poème précédent en italien :
Giuseppe Ungaretti : Les fleuves / I fiumi (13/05/2017)
Poème suivant en italien :
Alfonso Gatto : A mon père / A mio padre (27/08/2017)