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Le bar à poèmes
20 août 2017

Dino Campana (1885 – 1932) : Gênes / Genova

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Gênes

 

Dès lors que la nuée s’arrêta dans les cieux

Dans le lointain sur l’infinie silencieuse

Rade enfermée marine en ses voiles lointains,

Et revenait l’âme partie

Et tout alentour d’elle mystérieusement

     enluminé déjà du jardin le vert

Rêve dans l’apparence de ses coruscantes

statues superbes surhumaine : et j’entendis

et un chant j’entendis une voix de poètes

Dans les fontaines et les sphynges aux frontons

Un premier oubli bienveillantes aux courbés

Humains encore offrir parurent : des secrets

Dédales je sortis : surgissait un bâti

Blanc de tours dans l’air : innombrables de la mer

Parurent les blanches rêveries des matins

Au loin s’estompant enchaîner

Comme un inconnu tourbillonnement de son.

Entre les voiles d’écume entendait le son.

Plein était le soleil de Mai.

*

Sous la tour orientale, dans les terrasses vertes dans l’ardoise cendrée

Se déverse la place à la mer qui condense les navires inépuisable

Rit l’arqué palais rouge depuis le grand portique :

Comme les cataractes du Niagara

Chante, rit, varie la symphonie de fer féconde urgente à la mer :

Gênes chante ton chant !

*

Au cœur d’une grotte de porcelaine

Sirotant du café

Je regardais de la baie vitrée la foule monter rapide

Entre les vendeuses pareilles à des statues, tendant

Des fruits de mer avec de rauques cris tombant

Sur la balance immobile :

Ainsi de toi je me souviens encore et te revois impériale

Montant la pente en tumulte

Vers la porte déclose

Contre l’azur du soir,

Fantastiques de trophées

Mythiques entre les tours nues au ciel serein,

A toi agrippée d’alentour

La fièvre de la vie

Première : et par les ruelles lubriques de fanaux le chant

En ritournelles des prostituées

Et du fond le vent de la mer sans trêve,

*

Par les ruelles marines dans l’ambigu

Soir chassait le vent depuis l’enchevêtrement

Des bateaux des préludes entre les fanaux :

Les immeubles marins de blanches arabesques

Avaient dans l’ombre alanguie

Et nous allions et moi et le soir ambigu :

Et moi les yeux en haut aux mille je levais

Et mille et mille yeux bienveillants

Des Chimères dans les cieux : ……….

Quand

Mélodieusement

De haut sel, le vent comme blanche feignit une vision de Grâce

Comme de l’aventure infatigable

Des nuages et des étoiles dedans du ciel du soir

Dedans la ruelle marine en haut s’élève, ……………

Dedans la ruelle car rouges en haut sel

Marin les ailes rouges des fanaux

Arabesquaient l’ombre alanguie, ……………

Qui dans la ruelle marine, en haut sel lève

Qui blanche et légère et plaintive s’éleva !

Comme en les ailes rouges des fanaux

Blanche et rouge dans l’ombre du fanal

Qui blanche et légère et tremblante s’éleva……-

Or déjà dans le rouge du fanal

Etait déjà l’ombre laborieusement

Blanche………………………..

Blanche quand dans le rouge du fanal

Blanche lointaine laborieusement

L’écho abasourdi rit une irréelle

Rire : et que l’écho laborieusement

Blanc et léger et abasourdi s’éleva….

Déjà tout alentour

Luisait le soir ambigu :

Et battaient les fanaux

Palpitation dans l’ombre ;

Des rumeurs au lointain s’éboulaient

Dedans des silences solennels

En demandant : si de la mer

Le rire ne s’élevait….

En demandant si l’entendait

Infatigablement

Le soir : à l’aventure

De nuages là en haut

Dedans du ciel stellaire.

*

Au bord le bateau se pose

Dans le crépuscule qui brille

Dans les mâts calmes de fruits de lumière,

Dans le paysage mythique

De navires dans le sein de l’infini

Dans le soir

Chaud de félicité, étincelant

En un grand en un grand voilage

De diamants étendus sur le crépuscule,

En mille et mille diamants en un grand voilage vivant

Le bateau se décharge

Interminablement grinçant,

Infatigablement il gronde

Et le pavillon est baissé et la mer et le ciel est d’or et sur le môle

Courent les enfants et ils crient

Avec des cris de félicité.

Déjà par bandes s’aventurent

Les voyageurs à la cité tonnante

Qui étend ses places et ses rues :

La grande lumière méditerranéenne

S’est fondue en pierre de cendre :

Par les ruelles antiques et profondes

Fracas de vie, joie intense et fugace :

Voilage d’or de félicité

Est le ciel où le soleil très riche

Abandonna ses dépouilles précieuses

Et la Cité comprend

Et s’allume

Et la flamme titille et absorbe

Les restes magnificents du soleil,

Et tisse un suaire d’oubli

Divin pour les hommes fatigués.

Perdues dans le crépuscule tonnant

Ombres de voyageurs

S’en vont par la Superbe

Terribles et grotesque comme les aveugles.

*

Vaste, dedans une odeur ténue évanouie

De goudron, veillé par les lunes

Electriques, dessus la mer à peine en vie

Le vaste port s’endort.

Se lève la nuée des cheminées

Cependant que le port en un doux craquement

Des cordages s’endort : et tandis que la force

Dort, dort qui berce la tristesse

Inconsciente des choses qui seront

Et le vaste port oscille dedans un rythme

Ereinté et s’entend

La nuée qui se forme du vomissement silent.

*

Ô Sicilienne altière opulente matrone

Aux fenêtres venteuses de la ruelle marinière

Dans le sein de la cité percutée de sons de navires et de chariots

Classique méditerranéenne femme des ports :

Par les gris rosés de la cité d’ardoise

Sonnaient les clameurs vespérales

Et puis plus calmes les rumeurs dedans la nuit sereine :

Je voyais aux fenêtres étincelantes comme les étoiles

Passer les ombres des familles marines : et des chants

J’entendais lents et ambigus dans les veines de la cité méditerranéenne :

Car c’était la nuit profonde.

Tandis que toi Sicilienne, depuis les creux

Des vitres en un jeu tortueux

L’ombre creuse et la lumière vacillante

Ô Sicilienne, aux mamelons

L’ombre renfermée tu étais

La Pieuvre des nuits méditerranéennes.

Grinçait grinçait grinçait de chaînes

La grue sur le port dans le creux de la nuit sereine :

Et dedans le creux de la nuit sereine 

Et dans les bras de fer

Le faible cœur battait une plus haute palpitation : tu

La fenêtre avais éteinte :

Nue mystique en haut creuse

Infiniment d’yeux trouée dévastation était la nuit tyrrhénienne.

_____________________________________________________________

 

They were all torn

and cover’d with

the boy’s

blood (1)

 

(1) Walt Whitman : Song of Myself

 

Traduit de l’italien par Irène Gayraud et Christophe Mileschi

In, Dino Campana : « Chants orphiques et autres poèmes »,

édition bilingue.

Editions Points, 2016

 

Du même auteur :

La Chimère / La Chimera (20/08/2018)

Poésie facie / Poesia facile (20/08/2019)

Jardin automnal (Florence) / Giardino autunnale (Firenze) (01/02/2020)

Bâtiment en voyage / Bastimento in viaggio (20/08/2020) 

L’espérance (sur le torrent nocturne) /La speranza (sul torrente notturno) (01/02/2021)

La baie vitrée / L’invetriata (20/08/2021)

Le chant de la ténèbre / Il canto della tenebra (01/02/2022)

Le soir de la foire / La sera di fiera (20/08/2022)

Guglielma et Manfreda au balcon (XIIIème siècle) /Guglielmina e Manfreda al balcone (Secolo XIII) (01/02/2023)

 

 

Genova

 

Poi che la nube si fermò nei cieli

Lontano sulla tacita infinita

Marina chiusa nei lontani veli,

E ritornava l’anima partita

Che tutto a lei d’intorno era già arcana-

mente illustrato del giardino il verde

Sogno nell’apparenza sovrumana

De le corrusche sue statue superbe:

E udìi canto udìi voce di poeti

Ne le fonti e le sfingi sui frontoni

Benigne un primo oblìo parvero ai proni

Umani ancor largire: dai segreti

Dedali uscìi: sorgeva un torreggiare

Bianco nell’aria: innumeri dal mare

Parvero i bianchi sogni dei mattini

Lontano dileguando incatenare

Come un ignoto turbine di suono.

Tra le vele di spuma udivo il suono.

Pieno era il sole di Maggio.

 

*

Sotto la torre orientale, ne le terrazze verdi ne la lavagna cinerea

Dilaga la piazza al mare che addensa le navi inesausto

Ride l’arcato palazzo rosso dal portico grande:

Come le cateratte del Niagara

Canta, ride, svaria ferrea la sinfonia feconda urgente al mare:

Genova canta il tuo canto!

 

*


Entro una grotta di porcellana

Sorbendo caffè

Guardavo dall’invetriata la folla salire veloce

Tra le venditrici uguali a statue, porgenti

Frutti di mare con rauche grida cadenti

Su la bilancia immota:

Così ti ricordo ancora e ti rivedo imperiale

Su per l’erta tumultuante

Verso la porta disserrata

Contro l’azzurro serale,

Fantastica di trofei

Mitici tra torri nude al sereno,

A te aggrappata d’intorno

La febbre de la vita

Pristina: e per i vichi lubrici di fanali il canto

Instornellato de le prostitute

E dal fondo il vento del mar senza posa.

 

*

Per i vichi marini nell’ambigua

Sera cacciava il vento tra i fanali

Preludii dal groviglio delle navi:

I palazzi marini avevan bianchi

Arabeschi nell’ombra illanguidita

Ed andavamo io e la sera ambigua:

Ed io gli occhi alzavo su ai mille

E mille e mille occhi benevoli

Delle Chimere nei cieli:. . . . . .

Quando,

Melodiosamente

D’alto sale, il vento come bianca finse una visione di Grazia

Come dalla vicenda infaticabile

De le nuvole e de le stelle dentro del cielo serale

Dentro il vico marino in alto sale,. . . . . .

Dentro il vico chè rosse in alto sale

Marino l’ali rosse dei fanali

Rabescavano l’ombra illanguidita,. . . . . .

Che nel vico marino, in alto sale

Che bianca e lieve e querula salì!

«Come nell’ali rosse dei fanali

Bianca e rossa nell’ombra del fanale

Che bianca e lieve e tremula salì: …..»

Ora di già nel rosso del fanale

Era già l’ombra faticosamente

Bianca. . . . . . . .

Bianca quando nel rosso del fanale

Bianca lontana faticosamente

L’eco attonita rise un irreale

Riso: e che l’eco faticosamente

E bianca e lieve e attonita salì. . . . .

Di già tutto d’intorno

Lucea la sera ambigua:

Battevano i fanali

Il palpito nell’ombra.

Rumori lontano franavano

Dentro silenzii solenni

Chiedendo: se dal mare

Il riso non saliva. . .

Chiedendo se l’udiva

Infaticabilmente

La sera: a la vicenda

Di nuvole là in alto

Dentro del cielo stellare.

 

*

Al porto il battello si posa

Nel crepuscolo che brilla

Negli alberi quieti di frutti di luce,

Nel paesaggio mitico

Di navi nel seno dell’infinito

Ne la sera

Calida di felicità, lucente

In un grande in un grande velario

Di diamanti disteso sul crepuscolo,

In mille e mille diamanti in un grande velario vivente

Il battello si scarica

Ininterrottamente cigolante,

Instancabilmente introna

E la bandiera è calata e il mare e il cielo è d’oro e sul molo

Corrono i fanciulli e gridano

Con gridi di felicità.

Già a frotte s’avventurano

I viaggiatori alla città tonante

Che stende le sue piazze e le sue vie:

La grande luce mediterranea

S’è fusa in pietra di cenere:

Pei vichi antichi e profondi

Fragore di vita, gioia intensa e fugace:

Velario d’oro di felicità

È il cielo ove il sole ricchissimo

Lasciò le sue spoglie preziose

E la Città comprende

E s’accende

E la fiamma titilla ed assorbe

I resti magnificenti del sole,

E intesse un sudario d’oblio

Divino per gli uomini stanchi.

Perdute nel crepuscolo tonante

Ombre di viaggiatori

Vanno per la Superba

Terribili e grotteschi come i ciechi.

Vasto, dentro un odor tenue vanito

Di catrame, vegliato da le lune

Elettriche, sul mare appena vivo

Il vasto porto si addorme.

S’alza la nube delle ciminiere

Mentre il porto in un dolce scricchiolìo

Dei cordami s’addorme: e che la forza

Dorme, dorme che culla la tristezza

Inconscia de le cose che saranno

E il vasto porto oscilla dentro un ritmo

Affaticato e si sente

La nube che si forma dal vomito silente.

 

*

O Siciliana proterva opulente matrona

A le finestre ventose del vico marinaro

Nel seno della città percossa di suoni di navi e di carri

Classica mediterranea femina dei porti:

Pei grigi rosei della città di ardesia

Sonavano i clamori vespertini

E poi più quieti i rumori dentro la notte serena:

Vedevo alle finestre lucenti come le stelle

Passare le ombre de le famiglie marine: e canti

Udivo lenti ed ambigui ne le vene de la città mediterranea:

Ch’era la notte fonda.

Mentre tu siciliana, dai cavi

Vetri in un torto giuoco

L’ombra cava e la luce vacillante

O siciliana, ai capezzoli

L’ombra rinchiusa tu eri

La Piovra de le notti mediterranee.

Cigolava cigolava cigolava di catene

La grù sul porto nel cavo de la notte serena:

E dentro il cavo de la notte serena

E nelle braccia di ferro

Il debole cuore batteva un più alto palpito: tu

La finestra avevi spenta:

Nuda mistica in alto cava

Infinitamente occhiuta devastazione era la notte tirrena.

_____________________________________________________________

 

They were all torn

and cover’d with

the boy’s

blood (1)

 

(1) Walt Whitman : Song of Myself

 

Canti Orfici,

Tipografia F. Ravagli, 1914

Poème précédent en italien :

Giuseppe Ungaretti : Les fleuves / I fiumi (13/05/2017)

Poème suivant en italien :

Alfonso Gatto : A mon père / A mio padre (27/08/2017)

 

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