Pierre-Albert Jourdan (1924 – 1981) : Fleurs de cerisiers
Fleurs de cerisiers
Le petit espace de temps où tu traverses les fleurs du cerisier, éclatantes
au soleil, déjà s’effaçant comme neige, c’est toute ta vie que tu traverses
ainsi d’un regard. Elle est ce pur espace comme il va s’effondrer d’un nuage,
d’une brume, d’une nuit ; ce pur espace qui tremble dans l’espace et qui
ne se déploie que par blessures, jamais glissade heureuse, sinon de ce
regard accroché un instant à un blason de vert tendre et de blanc. Ceci
n’est pas compté, jamais, cette somme de ta vie ! La blessure est ancrée
dans le corps mais lui n’a pas de racines – pas encore – il porte ces
fleurs comme un aveugle (en une nuit parfois il ne reste que cette promesse
du fruit – trop rouge le fruit !), il porte ces fleurs, il les broie avec ses pilons
d’os.
Ô poudre commune, comme nos chemins sont légers !
Le bonjour et l’adieu
Editions du Mercure de France, 1991
Du même auteur :
Jardin suspendu (01/07/2014)
Prière (01/07/2015)