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Le bar à poèmes
21 avril 2024

Paul Dirmeikis (1954 -) : Etat des lieux modifié (Fugue 1)

 

Etat des lieux modifié

Fugue n°1

 

TOUJOURS S’EN VA toujours cette chose à l’angle

          toujours s’engame le seulet à ces tresses de nuages,

 

des schistes où la mousse sait tant manger du souvenir,

au-dessus de ses aires de fortune, entre les guerres

 

s’en va toujours ce rouge-gorge veillant les premiers enfants

 & les ombres, on laissera flânocher la barque au fil de l’eau,

 

à la lisière des premiers noms, toujours s’en va

dérivant loin des tanières & des songes nonchalants,

 

à chaque souffle le souffle d’une mère, rassemblant

on priera encore & encore & encore jusqu’à cette invariable

 

sa maisonnée dès la tombée du jour & son linge

tristesse des chevaux & toujours s’engame ce même

 

enfin sec, & ses désirs de mère plus impatients

solitaire à un autre cœur de décembre & on s’approchera

 

qu’un rouge -gorge & plus nécessiteux que ceux-là

sans bruit, ainsi qu’un ruisseau s’immisçant au milieu

 

parmi les plus pauvres & pourtant princiers, toujours

des bêtes assoupies & d’un coup, tel un coq en colère,

 

chaque jour & plusieurs, & s’en va le mouchoir sali

se dresserait le rauque éclair de la lampe, & toujours

 

de l’adieu, & l’ami, serré dans les bras de la pluie s’en va

engamant la nuit & ses buissons & sa grêle rosée de nuit,

 

avant la fin du sourire, à l’angle des maisons mangées de mousses

le seulet, le solitaire, celui qui dort à part, front contre

 

à cause de l’oubli & du soleil croupissant, & toujours

le gel & les traces fugaces des bêtes qui s’enfuient,

 

se souvenant & toujours s’arrachant des dents

celui-là même qui tutoie l’obscur & la pluie crépitant

 

ce rogaton de peau au long d’un ongle & cette brûlure

sur l’ardoise, oui, celui-là n’est-ce pas, qui décline

 

qui perdurera & l’envol du rouge-gorge & la vie

un peu plus chaque jour & s’agenouille & prie & prie

 

qui toujours brûlera & çà, qui est caché sous l’oreiller

& prie encore & encore, malgré la richesse des ruches

 

avec les dents de lait & les mains sèches & la terre

malgré l’intelligence des gens, celui-là purgeant sa mélancolie,

 

collée aux ongles & la porte entrebâillée, pour savoir

& laissant blanchir son front & s’émonder les jours passés,

 

ce qui se dit au dessert, avec ces lacis de versets

qui donc le préviendra de tant de pièges, & d’un chardon

 

& ces points de suspension & la vie des morts

lui griffera les yeux, qui donc lui révèlera ce reliquat

 

toujours là, s’immisçant sous la mousse des noms

au fond des poches, ah, que de sommeil voudrait-on

 

& toujours le fébrile rouge-gorge du corps, de là à là

encore pout transhumer ses rêves à l’autre bout du jardin

 

toujours, & l’harmonie des nuits à l’angle, là où quelque bête

& sereinement pisser sur le muret des regrets & ses longues

 

domestique se sera lovée sur sa quiétude fébrile de bête,

orties & vider sa mémoire au petit matin, à cette heure

 

on a faim toujours des choses proches & sûres, tel un travail

où l’amour est à flâner & les paupières à peine dessillées,

 

long à achever, tel un lacet à resserrer, toujours

& alors, à cette douleur toujours de la mort & à sa beauté

 

on se souviendra du comment, toujours on aura

toujours ignorée on fera place & aux ronces ligneuses

 

ce rouge-gorge entre les dents, on ne mordra pas, non,

de la mort on fera place & au long ruisseau

 

on gardera juste le goût de cette mort sûre & proche

de la mort on fera place & à l’eau si longtemps gelée

 

on rassemblera les syllabes éparpillées pour en serrer

de la mort on fera place & toujours & toujours & toujours

 

un bouquet sur le guéridon, près des médicaments,

& toujours s’engamera le seulet à ces tresses de nuages,

 

& le limon de l’obscurité, avec sa posologie à suivre

& on laisse flânocher la barque au fil de l’eau

 

 

Toujours

Mordre au travers, 22190 Plérin, 2021

Du même auteur :

Laudes du bois (20/04/2019)

L’Epaule d’Orphée (21/04/2020)

Laudes du feu (21/04/2021)

L’anneau des frontières (I-XI) (21/04/2022)

L’anneau des frontières (XII - XVIII) (21/04/2023)

 

 

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