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Le bar à poèmes
18 avril 2024

Cesare Pavese (1908 – 1950) : Marc en septembre / Grappa a settembre

 

Marc en septembre

 

Les matins passent clairs et déserts

sur les rives du fleuve qui à l’aube s’embrume

et se charge d’un vert sombre, dans l’attente du soleil.

Le tabac que l’on vend dans la dernière maison

encore tout humide, en lisière des prés, est presque noir

et d’un goût savoureux : sa fumée est bleuâtre.

Ils ont aussi du marc qui a la couleur de l’eau.

 

Le moment est venu où tout s’immobilise

et mûrit. Les arbres, au loin, restent calmes :

ils paraissent plus sombres, et ils cachent des fruits

qui à la moindre secousse tomberaient. Les nuages épars

ont une pulpe mûre. Au loin, sur les boulevards,

chaque maison mûrit sous la tiédeur du ciel.

 

A cette heure, on ne voit que des femmes. Les femmes ne fument pas

ni ne boivent, elles savent simplement s’arrêter au soleil

et recevoir sur elles sa tiédeur, comme des fruits.

Froid de brume, l’air se boit par gorgées

comme du marc, chaque chose y exhale une saveur.

L’eau du fleuve elle aussi a bu ses rivages

et les macère au fond, dans le ciel. Les rues

sont pareilles aux femmes, elles mûrissent immobiles.

 

Il faudrait que chacun, à cette heure, s’arrête

dans la rue et regarde comment tout mûrit.

Il y a même une brise, qui n’ébranle pas les nuages,

mais suffit à diriger la fumée

bleuâtre, sans la rompre : saveur nouvelle qui passe.

Et le tabac doit être trempé dans du marc. Les femmes alors

ne seront plus les seules à jouir du matin.

 

 

Traduit de l’italien par Gilles de Van

In, Cesare Pavese : « Travailler fatigue. La mort viendra

et elle aura tes yeux ».

Editions Gallimard, 1969

Du même auteur :

Paysage (18/04/2016)

La terre et la mort (18/04/2017)

 La mort viendra et elle aura tes yeux / Verrà la morte e avrà i tuoi occhi (18/04/2018)

Paysage VIII / Paesaggio VIII (18/04/2019)

Femmes passionnées / Donne appassionate (18/04/2020)

Eté – Eté 1 / Estate – Estate I (18/04/2021)

L’Etoile du matin / Lo steddazzu (05/10/2021)

Dépaysement / Gente Spaesata (18/04/2022)

Manie de solitude / Mania di solitudine (05/10/2022)

Le paradis sur les toits / Il paradiso sui tetti (18/04/2023)

 

Grappa a settembre

 

I mattini trascorrono chiari e deserti

sulle rive del fiume, che all’alba s’annebbia

e incupisce il suo verde, in attesa del sole.

Il tabacco, che vendono nell’ultima casa

ancor umida, all’orlo dei prati, ha un colore

quasi nero e un sapore sugoso: vapora azzurrino.

Tengon anche la grappa, colore dell’acqua.

 

È venuto un momento che tutto si ferma

e matura. Le piante lontano stan chete:

sono fatte più scure. Nascondono frutti

che a una scossa cadrebbero. Le nuvole sparse

hanno polpe mature. Lontano, sui corsi,

ogni casa matura al tepore del cielo.

 

Non si vede a quest’ora che donne. Le donne non fumano

e non bevono, sanno soltanto fermarsi nel sole

e riceverlo tiepido addosso, come fossero frutta.

L’aria, cruda di nebbia, si beve a sorsate

come grappa, ogni cosa vi esala un sapore.

Anche l’acqua del fiume ha bevuto le rive

e le macera al fondo, nel cielo. Le strade

sono come le donne, maturano ferme.

 

A quest’ora ciascuno dovrebbe fermarsi

per la strada e guardare come tutto maturi.

C’è persino una brezza, che non smuove le nubi,

ma che basta a dirigere il fumo azzurrino

senza romperlo: è un nuovo sapore che passa.

E il tabacco va intinto di grappa. È così che le donne

non saranno le sole a godere il mattino.

Poème précédent en italien :

Salvatore Quasimodo : Ô mes doux animaux / O miei dolci animali (15/04/2024)

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