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Le bar à poèmes
16 octobre 2023

Georges Perros (1923 -1978) : Marines (2)

63df6fdc430ce45a1931a83c[1]Georges Perros photographié devant les halles de Douarnenez par son ami René Pichavant (1929-2009), qui a dirigé pendant trente ans la rédaction locale du journal Le Télégramme.

 

Marines

 

............................................

Basse est la marée

Noire l’eau

Cette eau fiévreuse qui rabote

Le sable sale fatigué

Cette vase gélatineuse, la grève

Où viennent s’enfoncer

Les vieilles boîtes de conserve

Hier j’ai vu un chat crevé

Les coquilles d’huître, les pneus

Les caisses les culs de bouteille

Les pots de chambre

Tout ce que l’homme casse ou renie,

La ferraillerie quotidienne

Tout ce que l’homme mange et laisse

Pour les chiens, laborieux clochards

Avec poubelles attitrées,

Sans parler du reste

Qui ne sent pas toujours très bon

On y va le soir, d’un grand geste

Jeter ce à quoi vous pensez

L’hygiène est encore en retard

Dans nos pays civilisés

Afin que la mer en reprenne

Large possession

Qu’est-ce qui pourrait la salir ?

Les mouettes y font repas froid

L’œil de profil cisaillant l’air

Et cette voix rauque, ce rire

Qu’ont-elles avalé, c’est pire

Que le cri quand nous en rêvons,

Que le cri de la mort qui passe.

 

Lui préfère la naturelle

Sous les coups de trois heures du matin

Les cloches se dandinent au vent

D’un christianisme mourant

Mais têtu

Une musique qui s’infiltre

Dans les plis mouvants du sommeil

Une étrange combinaison

De bois et de bitume

Dans l’air pain d’épice moisi

Un bruit mat

On sent que l’homme de ce bruit

Ne tient à réveiller personne

Qu’il vient de sortir de chez lui

Comme un enfant qui s’en va à l’école

Avec son panier sous le bras

Sa chique au bec

Ou dans une petite boîte

Ou dans sa casquette

A quoi pense-t-il dans la nuit ?

Il va travailler voilà tout

Comme tant d’autres

Qui dégringolent vers la mer

Et se retrouvent sur le quai

Silencieuse foule bleutée

La lune fait ses dernières chinoiseries

 L’obscurité craque comme une étoffe que l’on fripe

Cette forme blanche là-bas

Qui émerge dans un coin de grève

Cette rondeur couleur locale

N’allez pas vous en offusquer

Ce n’est que l’un de ces messieurs

Qui pose culotte.

Et dans la barque du passeur

Ils gagnent leur bateau

Par petits groupes

Graves, au garde-à-vous

Debout l’un derrière l’autre

On dirait des condamnés à mort

Qui mijoteraient encore

Je ne sais quel crime

Ce ne sont que des ouvriers

Ils sont nés près de leur usine

Qui s’ouvre sur le monde entier.

On n’imagine pas un pêcheur

Loin de la mer ou en vacances

Et depuis quand je le demande

A-t-on pu prendre l’océan

Pour une partie de plaisir ?

Leurs bateaux ont toutes couleurs

Rouges jaunes noirs

A nom de femme ou de déesse

Amphitrite ou Marie-José

Ils se font du ventre amical

Jouent d’un coude désabusé

En attendant de lever l’ancre

Les poissons somnolent encore

Dans les songes de l’aventure

La mer tremble très doucement

Comme les entrailles

D’une femme enceinte au repos

Qui protège son petit nageur

La nuit s’allume, japonise

Des moteurs se mettent en branle

Ces gens-là vont gagner leur vie

Entre la pointe du Raz et le cap de la Chèvre

Ou au-delà, dans l’Iroise.

La pointe du Raz où l’été

L’horizon se trouve bouché

Par les amoureux en tous genres

La pointe du Raz où l’hiver

On marche à quatre pattes

Pour ne pas s’envoler

Du côté de l’île de Sein.

On dit que la terre finit là

C’est faux

La terre prend des vacances

Elle va se refaire dans les caves

Par-dessous le phare de la Vieille

Sur son rocher Gorlebella

Beau nom pour mourir.

On raconte qu’un des gardiens de ce phare

Fou de jalousie

Y enferma sa femme et l’amant

Qu’elle s’était choisi

Jusqu’à ce que mort s’ensuive

Pour les trois

Car il se jeta dans la mer

Pour y noyer son grand malheur.

On raconte beaucoup de choses

A propos de ce passage haineux

Où la mer est tuberculeuse

Avec des cavernes des trous

Des toux de sa poitrine en feu

Entre le nid de roches brunes.

L’île de Sein qu’on voit au loin

Assiette plate au ras des eaux

Avec le poivre nécessaire

A faire éternuer le soleil

Et le gros sel en ses ruelles

Où l’on marche l’un derrière l’autre

Merlin l’enchanteur y naquit

C’est ce qu’on dit

Elle fut lieu de féerie

De nymphes et de dryades

On en parle généralement

Comme d’une île triste

Un rien damnée

Dont les habitants sont sinistres

Et le furent bien davantage.

J’y ai trouvé de braves gens

Qui n’ont de soucis que les nôtres

Les hommes y vont aux travaux que la mer propose

Les femmes tout de noir vêtues

Comme portant deuil éternel

Y prennent soin de leur maison

De leur minuscule jardin

De leurs gosses heureux d’être là

Où nul accident de voiture n’est à craindre

Il n’y en a pas. Ni de gendarmes

C’est appréciable.

On y regarde sans envie

Le continent, masse indistincte

Sans trop penser à ce qu’il cache

De milliers d’individus

Assez étrange de se dire

Qu’on peut aller

De la pointe du Raz à Moscou

Sur ses deux pieds

Avec des villes des villages

L’avenue des Champs-Elysées

A traverser

Mais vous connaissez le chemin.

Ce qu’il n’y a pas au-delà

De cette terre menacée

De ce désert en pleine mer

C’est une gaieté particulière

Une bonne humeur

Sans rien d’exubérant

Une gaieté tranquille

Une façon d’être sur la terre

Comme si elle n’existait pas

Et certes on pourrait en douter

Quand le soir tombe au cœur de l’île

Et que la mer ronge son os

Sur les grèves, zones pierreuses

Marché aux puces océanique

Que lèche avec voracité

La langue tranchante des phares

Qui patrouillent l’obscurité.

 

Armen, la dernière lumière

Avant la grande plaine folle

Qu’on mit huit années à construire.

Tévennec. Son premier gardien

Devint fou. Il entendait dire

Va-t’en va t’en

Pas en français mais en breton

Kerscuit kerscuit

Toutes les nuits

Et ceux qui vinrent après lui

Le même bruit les effraya

Phare de la malédiction

Entre nous ce n’étaient que mouettes

Par centaines dans le rocher

Il est feu fixe maintenant

Et plus personne n’y habite.

 

Plus loin vers le nord, Ouessant,

Et ses pupilles dans le noir

Le Stiff, Créac’h et la Jument

Nividic, Men Tensel, et d’autres

Ouessant dont les hommes et femmes

Passent pour avoir été les meilleurs du monde...

          « Le vol y était aussi inconnu que la mauvaise foi. La pureté paraissait au

premier abord y avoir trouvé un asile assuré contre la corruption universelle.

Les jeunes gens gardaient publiquement dans leurs paroles la réserve la plus

sévère. Un travail opiniâtre et continu en même temps qu’il bannissait la

pauvreté, devenait la sauvegarde de l’innocence et de la santé. On y vivait

jusqu’à cent ans, cent vingt ans, quelquefois même cent quarante. Un

octogénaire venait-il à décéder on pleurait sa perte comme celle d’un homme

qu’une mort prématurée vous aurait ravi. Le bétail était nombreux dans l’île,

mais nul arbre, nul serpent, en sorte que la mère du genre humain y eût                                                      

été à l’abri de la tentation... »

Ils étaient même si gentils

Qu’ils composaient des prières

Pour leurs voisins de Molène

Dans le genre que voici :

« Madame Marie de Molène

Envoyez un bon naufrage à mon île

Et vous Monseigneur saint Ronan

N’en envoyez pas un seulement

Mais plutôt deux et même trois

Afin que chacun en ait sa part. »

Ouessant

Où l’on parle encore aujourd’hui

De la jeune fille héroïque...

 

Une nuit en 1905

Un vapeur marseillais Vesper

Se prit dans le nid de vipères

Que forment les rochers d’Ouessant.

 

Quatorze d’entre ses marins

Parvinrent sur une chaloupe

A se sauver, mais la furie

Les empêcha de débarquer.

 

Une jeune fille une îlienne

Elle s’appelait Rose Héré

Entendit leurs cris de détresse

Comme elle allait vagabondant

 

Sur la falaise. Elle se laissa

Glisser jusqu’à la grève

Le granit est dur, et sa jambe

En fut bien vite ensanglantée

 

Jupe en l’air mais quelle pudeur

Résisterait à cette quête

Que font les hommes quand leur vie

Ne tient plus qu’à celle de ceux

 

Qui vont les tirer de la mort

Elle rentra dans l’eau mauvaise

Trébucha en voulant saisir

La corde désespérée.

 

Et la voilà bouchon fragile

Un filin lancé la sauva

Et la voilà dans la chaloupe

Conduisant les hommes au port.

 

Dans l’île sa voix retentit

L’air aura sculpté l’innocence

De ce grand cri : « Ils sont sauvés »,

Quelle proféra en breton

Car elle ignorait le français.

 

On lui décerna des médailles

La presse dit son beau courage

On la reçut même en Sorbonne

La pauvre n’y comprenait rien.

 

Elle est morte il y a dix-sept ans

Près de sa vache et de ses poules

Un Allemand se servit d’elle

Pour écrire un très beau roman

 

Mais pourquoi l‘avoir magnifiée ?

C’était une clocharde, errant

Sans qu’aucun amour lui rappelle

Que l’être humain peut être aimé

Par autre chose que le vent.

 

Paix à toi par-dessous la terre

Rose Héré, fille de brume

Dans ton cimetière d’Ouessant.

 

Sans doute est-il bien imprudent

De vivre longtemps sur les îles

Sans y être né

Sans en avoir connu enfant

La merveilleuse absurdité.

Elles semblent ignorer tout

De l’ambition de l’homme adulte

Qui veut convaincre son prochain

De l’anarchisme apprivoisé

Du citadin dans une cage

Qui exalte la liberté, qui vote pour elle

Enfermé

Dans ce qu’il nomme sa vertu

Raymond Queneau dirait mon cul

Mais le temps des îles est ainsi

Qu’il y faut faire son devoir

Qu’il crée le vide si l’on ne va

Au bar, c’est un gros poisson argenté

A la vieille, au homard

Il faut mettre sa montre à l’heure

D’une éternité toute plate

Dont l’unique obstacle serait

Les caprices de la lune

Cette folle à tout jamais

Qui fait de la mer une femme

Aux menstrues quotidiennes

Si j’ose dire.

Cette gaieté dont je parlais

S’y manifeste dans des rires

A réveiller l’âme des morts

Autour d’une table où le beurre salé

Fait boire un vin très fort qui noie

Les soucis dans son encre rouge

Sans doute ce rire est précaire

Car l’océan fait sa rumeur

Mais c’est la vie guerre pour guerre

Moi je m’amuse quand tu pleures

Quand tu mugis je me réveille

Quand tu fais mal à mes amis

Je vais me battre en ta fournaise

Grand œil pour œil et dent pour dent

Œil de la mer

Dent de la vie...

Les îles ne sont qu’un tableau

Où l’enfance du monde

Trace à la chaux un mot sans fin

Que le temps trouble et qui revient

Dans le vent qui meurt et qui passe

Car tout ici meurt et s’efface

Ne seraient-elles pas un rêve

Que la mer aurait fait bouche ouverte ?

On y vient en foule l’été

Y déposer son air urbain

Ah c’est là que je voudrais vivre

Dit la demoiselle à son chien

Puis on repart. Déjà si loin

Le paradis. Mais on prend garde

A s’émouvoir de moins en moins.

Nous retournons sur la grand’terre

Après tout une île elle aussi

Et l’homme redevient une île

Au contact froid de son prochain

Dans les souterrains de la ville.

 

Ô Concorde Solferino

Ô Vaugirard, Sèvres-Lecourbe

Lèvres se courbent disait Fargue

Les visages crus de vos lignes

Me sont à tout jamais restés

Visages au moins pathétiques

De ceux qui rentrent enfin chez eux

L’œil mangé de cernes mauvais

Le métro je l’aime au matin

Quand les ouvriers s’y rassemblent

Rasés de frais, silencieux

Comme le sont dans la nuit bleue

Ceux que j’entends de ma fenêtre

Vers les trois heures du matin

Qui s’en vont pêcher la sardine

Ou plus loin le thon, ou encore

Beaucoup plus loin

Ceux-là sont les Mauritaniens.

Ils reviennent trois mois après

Leurs casiers remplis de langoustes

Roses et vertes qu’on envoie

Dans les restaurants fruits de mer

Des grandes villes.

D’être restés longtemps en mer

Les fait bégayer quelque peu

Comme si le rythme des vagues

Les empêchait d’aller plus loin

Qu’une syllabe ou deux. Ils butent

Sur les rochers de leur histoire

A force anecdotes salées.

Dans les rues du port retrouvé

Ils tanguent mais allez me dire

Si c’est le vin d’un bon retour

Où l’océan qui leur donne cet air penché

Leur démarche dit leur pensée

Elle va d’un côté de l’autre

Jambes arquées mains dans les poches

Les pêcheurs ne sont pas pressés

Et le dimanche à trois ou quatre

Ils goûtent peu la solitude

Ils font les cafés de la ville

Trop bien vêtus, ils se balancent

Comme des pingouins engoncés

Sans se parler beaucoup

Il n’y a rien de plus difficile

Que de tenir, je dis tenir

Une conversation avec un pêcheur.

Il est fuyant ou il se tait

Ou parle sans penser à l’autre

On le dirait happé par l’horizon

L’hameçon du ciel dans la langue

Le langage ne l’intéresse pas

A-t-il tort avons-nous raison

De vouloir parler à tout prix

Allez le dire ?

Avec lui on peut se payer

De belles parties de silence

A ne rien faire qu’écouter

Le métal marin en fusion

La mer ne rend pas intelligent

Mais elle empêche la bêtise

Je ne connais ni ne conçois

De pêcheurs bêtes comme peuvent l’être

Un avocat, un docteur ès lettres

Par exemple, et certes

C’est bien autre chose

Que ce qu’on apprend dans les livres

Qui les empêche de l’être

Je ne sais quelle connaissance

Toute nue toute crue

Qui ne touche pas à la parole

Le plus souvent source de ruine

Quand on la prend comme elle vient

Une connaissance qui laisse son homme

Intact, tranquille

Tout à fait indifférent aux autres hommes sur la terre

A moins qu’ils ne soient en danger

Indifférents à leurs tourments

Plus ou moins métaphysiques

Un homme en état de sauvagerie, un peu

Comme Rimbaud souhaitait de l’être

 Mais il connaissait trop bien la langue

Française et latine

Pour en oublier les détours

Un homme en posture d’enfance

Qui n’a strictement rien à dire

A son prochain d’autre métier

Un homme avec la ruse la brutalité

La susceptibilité animale

Qui le rend parfois bagarreur

Mais aussi cette ingénuité

Cette bonne franquette du cœur

Ce goût de vivre

Je vous défie de rencontrer un pêcheur triste

C’est un mot qui n’existe pas

Dans son vocabulaire organique

Mais aussi cette étrange soumission

A la femme à l’épouse

Car la femme d’un pêcheur

C’est elle qui porte culotte

Son homme est en mer

Mais c’est elle qui lui conserve la terre

Sentinelle attentive

Dans une pièce ou deux

On y mangerait par terre

Tant c’est généralement propre

C’est elle qui tient les cordons de la bourse

Et donne à son homme le dimanche

Ou les jours de fête

De quoi s’amuser un peu

Aux boules à la belote au stade

Et boire un petit coup ou plus

Du gwinn ru qui râpe la langue

Et leur inspire des refrains

Que le soir dans les rues brumeuses

Leur grosse voix clame à tue-tête

On en ramasse quelquefois, c’est rare

On les accompagne chez eux

Leur femme dit : « Merci monsieur

Ah ma doué si c’est pas honteux

Va te coucher mon pauvre vieux. »

Quand la retraite aura sonné

Il viendra s’asseoir sur le quai

Les mains tordues de rhumatismes

L’oreille rongée par le sel

L’œil blanc d’avoir trop navigué

Dans la nuit, d’en avoir scruté

La menace dans les étoiles

Il regardera immobile

Comme ces Bédouins du désert

Sa belle usine sa maîtresse

Sa vie

Qui reviendra de très loin, là-bas

Lui rire doucement au nez

Sans rancune au moins sans rancune

Et son sang n’est-il pas salé

A force d’en avoir vaincu plus d’une

Dans ses tours d’un monde marin

Mais que d’amis perdus aussi, que d’ombres funestes

Au souvenir.

La mer est broyeuse d’histoire

Nulle trace humaine sur sa peau

Elle n’est pas comme la terre

Avec ses monuments commémoratifs

Ses statues. Les hommes ont besoin

De savoir que d’autres hommes

Sont morts avant eux

Pour la patrie ou par l’esprit

Ca leur donne cœur à l’ouvrage

Et combien ne vivent encore

Les malheureux

Qu’en vue de la postérité

Une belle croix sur le ventre

Et grands discours dessus leur boîte.

La mer s’en moque

La mer se moque des trophées

Des médailles sur la poitrine

Elle prend les hommes au début

De leur vie et les retient jusqu’à la mort.

Le passé d’un pêcheur dit bien

Son mouvement inéluctable

Il est très rare est-ce possible

Qu’un pêcheur n’ait pas eu pour père

Un autre pêcheur

On ne s’improvise pas

Homme sur la mer sur ses reins

Pas plus hélas que fonctionnaire

C’est dans le sang

Plus ou moins pâle impatient

Et puis mon Dieu

Il faut de tout pour faire un monde

Autant en emporte le vent.

 

Poèmes bleus  

Editions Gallimard, 1962

Hors Commerce

Alfred Eibel éditeur, Lausanne (Suisse), 1974

Du même auteur :

 « On meurt de rire… » (10/08/2014)

Marines (1) (10/08/2015)

« Les guerres n'est-ce pas... » (16/10/2016)

 « Il y a un bruit près de chez moi… » (16/10/2017)

« Il n’y a rien... » (16/10/2018)

« Ces envies de vivre ... » (16/10/2019)

« Cette légère envie de se saouler... » (16/10/2020)

L’âme (16/10/2021)

Huit poèmes (16/10/2022)

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