Le temps nouveau et mai et violette
Et rossignol me somment de chanter,
Et mon fin cœur me fait d’une amourette
Si doux présent que ne l’ose refuser.
Or me laisse Dieu en tel honneur monter
Que celle où j’ai mon cœur et mes pensers
Tienne une fois entre mes bras nuette,
Avant que j’aille outre mer !
Pour commencer la trouvai si doucette
Que ne croyais pour ell’ mal endurer,
Mais son doux vis et sa belle bouchette,
Et son bel œil qui est riant et clair
M’eurent pris avant que me pus donner.
Or ne me veut retenir ni quitter,
J’aime mieux avec ell’ faillir, si (me le) promet,
Qu’à une autre parvenir.
Las ! pourquoi l’ai-je de mes yeux regardée
La douce chose qui fausse amie a nom ?
Elle me raille, et je l’ai tant pleurée,
Si doucement ne fut trahi nul homme.
Tant que fus mien, ne me fit que le bien,
Or je suis sien, elle m’occit sans raison
Et pour autant que de cœur l’ai aimée,
Je ne sais autre raison.
De mille soupirs que je lui dois par dette,
Ne me veut pas d’un seul quitte clamer,
Et faux amour ne laisse que s’entremettre
Ni ne me laisse dormir ni reposer.
Si veut m’occire, moins aura à garder ;
Je ne sais m’en venger fors de pleurer,
Car qui amour détruit et déshérite
On ne l’en doit pas blâmer...
Traduction de France Igly
In, « Troubadours et trouvères »
Pierre Seghers, 1960
Du même auteur :
« La douce voix du rossignol sauvage... » / « La douce voiz du louseignol sauvage... » (15/03/2021)
« Lorsque l’été et la douce saison... » (15/03/2022)