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Le bar à poèmes
9 août 2022

Joachim Du Bellay (1522 – 1560) : Trois poésies latines

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Trois poésies latines

 

I


Au lecteur


Alors que j’ai couché dans mon lit chaste avec la muse

Gauloise et que je l’ai faite mère d’autant d’enfants,

 

Tu t’étonnes, lecteur, que je brûle pour une jeune

Romaine et que je viole ainsi les droits d’un ancien lit.

 

Si la Gauloise est l’épouse dont je suis le mari,

La Romaine est, j’avoue, la maîtresse que je courtise.

 

Et donc, diras-tu, l’adultère passe avant l’épouse ?

L’une est charmante, certes, mais l’autre plaît beaucoup plus.

 

II

À Gordes


À qui dois-je offrir ce nouveau petit recueil

Où je raconte l’enlèvement de ma belle,

Sinon à toi, Gordes, qui aimes ma maîtresse

Comme si tu la tenais pour ta propre sœur ?

Tout ce que chante ce nouveau petit recueil,

Gordes, que je te donne à lire maintenant,

Je veux que tu l’accueilles en sachant combien

J'aime ma belle à laquelle je tiens tout comme

A toi, plus qu’à la prunelle de mes deux yeux.

 

III


L’enlèvement de Faustine

 


Comme jadis Proserpine sur son char des Enfers

Courait à l’aventure, Enna, par tes ravins boisés,


Ainsi Faustine fut enlevée de nuit par un char

– ah ! folle de laisser la porte de sa chambre ouverte !


Enlevée, ô misère, enfermée dans un cachot noir,

Elle pleure aujourd’hui dans le lit d’un époux ingrat.


Lui désormais comme une brute fière du rapt d’une

Vierge, triomphe et se réjouit, hélas, de mon mal 


Pendant qu’une mère malheureuse court affolée

Par la ville et passe ses nuits devant des portes qu’elle

 

Ignore, n’appelant que toi, Faustine, recherchant

Ta geôle, comme la bonne Cérès chercha sa fille.


Pour moi qu’un méchant Cupidon brûle d’un feu constant,

Je suis fou comme la Bacchante excitée par son Dieu.


Je n’hésiterais pas à briser des portes en bronze,

À faire sauter à la main, la nuit, de gros verrous,


À entrer armé : si le sort exigeait mon malheur,

Je porterais les chaînes de l’audacieux Pirithoüs.

 

Traduit du latin par Yves Leclair

In « Secousses, N°21, Mars 2017 »

Revue numérique, Editions Obsidiane, 89500 Bussy-le-Repos

Du même auteur :

« Heureux qui comme Ulysse… » (09/08/2014)

« Déjà la nuit en son parc… » (09/08/2015)

« Las où est maintenant ce mépris de Fortune ? » (09/08/2016)

« J'aime la liberté… » (09/08/2017)

D’un vanneur de blé aux vents (09/08/2018)

« Comme on passe en été... » (09/08/2019)

La complainte du désespéré (09/08/2020)

« Seigneur, je ne saurais regarder... » (09/08/2021)

« Comme le marinier... » (09/0/2023)

 

 

I

Ad lectorem


Cum tot natorum casto sociata cubili

Musa sit ex nobis Gallica facta parens,


Miraris Latiam sic nos ardere puellam,

Et veteris, Lector, rumpere jura tori.


Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito :

Pro Domina colitur Musa Latina mihi.


Sic igitur (dices) praefertur adultera nuptae ?

Illa quidem bella est, sed magis ista placet.


II


Ad Gordium


Cui donem potius novum libellum,

Quo raptum refero meae puellae,

Gordi, quam tibi, qui meam puellam

Sic amas, propriam ut putes sororem ?

Quare quicquid id est novi libelli,

Gordi, quod tibi nunc damus legendum,

Sic velim accipias, scias ut illam

A me plus oculis meis amatam,

Et te plus oculis meis amatum.



III


Raptus Faustinae

 


Qualis tartareo quondam Proserpina curru,

Dum vaga discurrit saltibus (Enna) tuis,


Nocturnis nuper rapta est Faustina quadrigis,

Dum tenet, ah demens, limina aperta domus.


Rapta est, me miserum, et caeco sub carcere clausa

Conjugis ingrato nunc gemit in thalamo.


Et nunc ille ferus tanquam de virgine rapta

Exultat, nostris heu fruiturque malis.


Interea infoelix mater lymphata per urbem

Currit, et ignotas excubat ante fores,


Te solam (Faustina) vocans, tua limina quaerens,

Quaesisse ut natam dicitur alma Ceres.

 

Ast ego, quem assiduo torret malus igne Cupido,

Deferor, ut noto concita Baccha Deo.

 

Nec dubitem oeratos liceat si rumpere postes

Duraque nocturna solvere claustra manu,

 

Irruere armatus : vel si hoc mala nostra feratsors,

Perferre audacis vincula Pirithoi.


 

Andini poematum

Frédéric Morel, Imprimeur, 1558

Poème suivant en latin :

Ovide : Pénélope à Ulysse / Pénélope Ulixi (26/01/2024)

 

 

 

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