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Le bar à poèmes
25 octobre 2017

Allen Ginsberg (1926 – 1997) : Howl

Allen_Ginsberg_1_

 

Howl

pour

Carl Solomon

 

I

J’ai vu les plus grands esprits de ma génération détruits par la folie, affamés

     hystériques nus,

se traînant à l’aube  dans les rues nègres à la recherche d’une furieuse piqûre,

initiés à tête d’ange brûlant pour la liaison céleste ancienne avec la dynamo

     étoilée dans la mécanique nocturne,

qui pauvreté et haillons et œil creux et défoncés restèrent debout en fumant dans

     l’obscurité surnaturelle des chambres bon marché flottant par-dessus le sommet

     des villes en contemplant du jazz,

qui ont mis à nu leurs cerveaux aux Cieux sous le Métro Aérien et vu des anges

     d’Islam titubant illuminés sur les toits des taudis,

qui ont passé à travers des universités avec des yeux radieux froids hallucinant

     l’Arkansas et des tragédies à la Blake parmi les érudits de la guerre,

qui ont été expulsés des académies pour folie et pour publications d’odes obscènes

     sur les fenêtres du crâne,

qui se sont blottis en sous-vêtements dans des chambres pas rasés brûlant leur argent

     dans des corbeilles à papier et écoutant la Terreur à travers le mur,

qui furent arrêtés dans leurs barbes pubiennes en revenant de Laredo avec une ceinture

     de marihuana pour New-York,

qui mangèrent du feu dans des hôtels à peinture ou burent de la térébenthine dans

     Paradise Alley, la mort, ou leurs torses purgatoirés nuit après nuit,

avec des rêves, avec de la drogue, avec des cauchemars qui marchent, l’alcool la

     queue les baisades sans fin

incomparables rues aveugles de nuage frémissant et d’éclair dans l’esprit bondissant

     vers les pôles du Canada et de Paterson, illuminant tout le monde immobile du

     Temps-intervalle,

solidités de peyotl des halls, aurores de jardinets arbre vert cimetière, ivresse de

     vin par-dessus les toits, banlieues de vitrines de magasins de fumeurs de haschisch

     de ballade en auto défoncés néon feux rouges clignotants, vibrations de soleil et lune

     et arbre dans rugissants crépuscules d’hivers de Brooklyn, imprécations de poubelle

     et aimable souveraine lumière de l’esprit,

qui s’enchaînèrent pleins de benzédrine sur les rames de métro pour le voyage sans fin

     de Battery au Bronx sacré jusqu’à ce que le bruit des roues et des enfants les firent

     redescendre tremblants débris de bouche et mornes cerveaux cognés toute brillance

     écoulée dans un éclairage lugubre de Zoo,

qui sombrèrent toute la nuit dans la lumière de sous-marin de chez Bickford flottèrent

     à la dérive et restèrent assis durant l’après-midi de bière plate dans le désert de Chez

     Fugazzi écoutant le craquement d’apocalypse du juke-box à hydrogène,

qui parlèrent sans discontinuer  pendant 70 heures du parc à la piaule au bar à l’asile

     au musée au pont de Brooklyn,

un bataillon perdu de platoniques maniaques du dialogue sautant les pentes en bas

     des escaliers de secours en bas des rebords de fenêtres en bas de l’Empire State

     Building hors de la lune,

blablateurs hurlant vomissant murmurant des faits des souvenirs des anecdotes des

     orgasmes visuels et des traumatismes des hôpitaux et des prisons et des guerres,

des intellects entiers dégorgés en mémoire intégrale pour sept jour et sept nuits avec

     des yeux scintillants, viande pour la synagogue jetée sur le pavé,

qui disparurent dans le nulle-part Zen de New Jersey laissant une traînée de cartes

     postales ambiguës d’Atlantic City Hall,

souffrant des sueurs de l’Est et des os sous la meule de Tanger, et des migraines de

     Chine sous le repli de la drogue dans la lugubre chambre meublée de Newark

qui errèrent et errèrent en tournant à minuit dans la cour du chemin de fer en se

     demandant où aller, et s’en allèrent s’en laisser de cœurs brisés,

qui allumèrent des cigarettes dans des wagons à bestiaux wagons à bestiaux wagons

     à bestiaux wagons à bestiaux cahotant à travers neige vers des fermes désolées

     dans la nuit de grand-père.

qui au Kansas étudièrent Plotin Poe Saint Jean de la Croix  la télépathie et la

     cabale bop parce que le Cosmos vibrait instinctivement à leurs pieds,

qui se sont esseulés le long des rues de l’Idaho, cherchant des anges indiens

     visionnaires qui étaient des anges indiens visionnaires

qui ont pensé qu’ils étaient seulement fous quand Baltimore luisait en extase

     surnaturelle,

qui ont sauté dans des limousines avec les Chinois de l’Oklahoma sous

     l’impulsion de la pluie de minuit d’hiver réverbère petite-ville,

qui flânèrent affamés  et tout seuls dans Houston cherchant du jazz, sexe, soupe,

      suivirent l’espagnol brillant pour converser au sujet de l’Amérique et de

     l’Eternité, tâche sans espoir, et ainsi embarquèrent pour l’Afrique,

qui disparurent à l’intérieur des volcans mexicains ne laissant derrière eux que

     l’ombres des blue-jeans et la lave et la cendre de poésie éparpillée dans la

     cheminée de Chicago,

qui réapparurent sur la Côte Ouest enquêtant sur le F.B.I. en barbe et en culottes

     courtes avec de grands yeux de pacifistes sensuels dans leur peau sombre,

     distribuant des tracts incompréhensibles,

qui ont brûlé des trous de cigarettes dans leurs bras en protestant contre la brume

     de tabac narcotique du capitalisme,

qui distribuèrent des brochures sur-communistes à Union Square en pleurant et

     en se déshabillant pendant que les sirènes de Los Alamos les rattrapèrent en

     hurlant, et descendirent Wall Street en hurlant, et  le ferry-boat de Staten Island

     hurlait aussi,

qui s’écroulèrent en pleurant dans des gymnases blancs nus et tremblants devant

     la mécanique d’autres squelettes,

qui mordirent les détectives au cou et poussèrent un cri aigu de plaisir dans les

     paniers à salade pour n’avoir commis aucun crime sauf celui de leur propre

     cuisine et sauvage pédérastie et de leurs intoxication,     

qui hurlèrent à genoux dans le métro et furent traînés du toit en agitant parties

     génitales et manuscrits,

qui se laissèrent enculer par des saints motocyclistes et hurlèrent de joie,

qui sucèrent et furent sucés par ces séraphins humains, les marins, caresses

     d’amour atlantique et caraïbe,

qui baisèrent le matin et le soir dans les roseraies et sur le gazon des jardins

     publics et des cimetières  répandant leur semence à qui que ce soit, jouisse

     qui pourra,

qui secouèrent des hoquets interminables en essayant de rigoler mais qui se

     retrouvèrent en sanglots derrière la paroi du Bain Turc quand l’ange nu

     et blond vint les percer avec une épée,

qui perdirent leurs boys d’amour à trois vieilles mégères du destin la mégère

     borgne du dollar hétérosexuel la mégère borgne qui cligne de l’œil dans

     la matrice et la mégère borgne qui ne fait rien d’autre que de rester assise

     sur son cul et de couper les fils d’or intellectuels du métier  à tisser de     

     l’artisan,

qui copulèrent en extase et insatiables avec une bouteille de bière une fiancée

     un paquet de cigarettes une bougie et tombèrent du lit et continuèrent le

     long du plancher et dans le couloir et s’arrêtèrent au mur évanouis avec

     une vision de vagin et de jouissance suprêmes éludant la dernière éjaculation

     de conscience,

qui sucèrent le con d’un million de filles tremblantes dans le soleil couchant, et

     ils avaient les yeux rouges au matin mais prêts à sucer le con du soleil levant,

     étincelant des fesses dans les granges et nus dans le lac,

qui sortirent draguer à travers le Colorado, dans des myriades de voiture de nuit

     volées, N.C., héros secret de ces poèmes-ci, baiseur et Adonis de Denver –

     joie à sa mémoire d’innombrables baisages de filles dans des terrains vagues et

     dans la cour des restaurants, dans les rangées boiteuses de cinémas, au sommet

     des montagnes dans des grottes ou avec des serveuses maigres dans des

     soulèvements familiers de combinaison solitaire au bord de la route et joie

     spécialement aux solipsismes et aux Toilettes secrètes des stations-services  et

     aussi dans les ruelles de la ville natale,      

qui se dissolvèrent dans de vastes cinémas sordides, furent transférés en rêve, se

     réveillèrent sur un brusque Manhattan, et sortirent des caves se ramassant avec

     une gueule de bois de Tokay-sans-cœur et les horreurs des songes en fer de la

     Troisième Avenue et trébuchèrent vers les bureaux de chômage,

qui marchèrent toute la nuit avec leurs chaussures pleines de sang le long des docks

     enneigés pour attendre qu’une porte sur l’East River s’ouvre sur une chambre

     pleine de chaleur vaporeuse et d’opium,

qui sur les appartements des bords de l’eau de l’Hudson River créèrent de grands

     drames-suicides sous le projecteur bleu du temps de guerre de la lune et leurs têtes

     seront couronnées de laurier dans l’oubli,

qui mangèrent le ragoût de mouton imaginaire ou digérèrent le crabe au fond boueux

     des rivières de la Bowery,

qui sanglotèrent à la romance des rues avec leurs voitures à bras pleines d’oignons et

     de mauvaises musiques,

qui restèrent assis dans des boîtes, respirant dans l’obscurité sous le pont, et se

     relevèrent pour construire des harpes dans leurs greniers,

qui toussèrent au sixième étage de Harlem couronnés de feu  sous le ciel tuberculeux

     entourés par les caisses d’oranges de la théologie,

qui gribouillèrent toute la nuit dans un rock and roll par-dessus des incantations

     éthérées qui dans le matin jaune devenaient des strophes de charabia,

qui firent cuire des poumons cœur pieds queue borsht et tortillas d’animaux pourris

     en rêvant de royaume de pur légume,

qui plongèrent sous un camion à viande cherchant un œuf,

qui jetèrent leurs montres par-dessus le toit pour remplir leur bulletin de vote en

     faveur de l’Eternité hors du Temps, et des réveils leur tombèrent sur la tête tous

     les jours pour les dix années à suivre,

qui se tailladèrent les poignets trois fois de suite sans succès, renoncèrent et furent

     obligés d’ouvrir des magasins d’antiquité, où ils crurent qu’ils devenaient vieux

     et sanglotèrent,

qui furent brûlés vivant dans leurs innocents complet-vestons en flanelle sur la

     Madison Avenue parmi des éclatements de vers en plomb et le fracas emmagasiné

     des régiments de fer de la haute couture et les cris de nitro-glycérine des pédés

     de la publicité et la suffocante moutarde des rédacteurs en chef intelligents, ou

     qui furent écrasés par les taxis ivres de la Réalité Absolue,

qui se jetèrent en bas du Brooklyn Bridge ceci est vraiment arrivé et s’en allèrent à

     pied inconnus et oubliés dans l’hébétement fantôme de la soupe des ruelles et des

     voitures de pompier de Chinatown et pas même une bière à l’œil,

qui chantèrent de désespoir par la fenêtre, tombèrent par la fenêtre du métro, sautèrent

     dans le crasseux Passaic, se jetèrent sur les nègres, pleurèrent partout dans la rue, 

     dansèrent nu-pieds sur des verres de vin brisés et brisèrent des disques de jazz

     allemand nostalgiques de 1930 burent tout le whisky et vomirent en grognant dans

     les W.C. ensanglantés, des râles dans les oreilles et l’explosion de sifflets à vapeur

     géants,

qui descendirent à tombeau ouvert les autoroutes du passé voyageant à la ronde

     solitude-prison Golgotha-stock-car des uns et des autres ou incarnation de jazz

     à Birmingham,

qui traversèrent le pays en voiture pendant soixante-douze heures pour savoir si

     j’avais une vision ou si tu avais une vision ou s’il avait une vision pour savoir

     l’Eternité,

qui se rendirent à Denver, qui moururent à Denver, qui revinrent à Denver, et

     attendirent en vain, qui montèrent la garde à Denver qui broyèrent du noir et

     restèrent tout seul à Denver et finalement s’en allèrent pour savoir le Temps,

     et combien Denver est triste et solitaire pour ses héros,

qui tombèrent à genoux dans des cathédrales sans espoir en priant pour le salut

     des uns et des autres et la lumière et les poitrines, jusqu’à ce que l’âme illumine

     sa chevelure pendant une seconde,

qui en prison se fracassèrent à travers leur cerveau attendant des criminels impossibles

     avec des têtes d’or et le charme de la réalité dans leurs cœurs et chantèrent le doux

     blues d’Alcatraz,

qui se sont retirés au Mexique pour nourrir une intoxication, ou au Rocky Mount au

     tendre Boudha ou à Tanger aux garçons ou sur la ligne du Pacifique Sud à la

     locomotive noire ou à Harvard ou à Narcisse ou à Woodlawn à la guirlande de

     marguerites ou à la tombe,

qui exigèrent qu’un tribunal statue sur la santé mentale accusant la radio d’hypnotisme

     et qui se retrouvèrent avec leur insanité et leurs mains et la décision des jurés en

     suspens,

qui jetèrent de la salade de pomme de terre sur des conférenciers traitant du dadaïsme

     à l’ Université de New-York et par la suite se présentèrent sur les marches en

     granit de l’asile d’aliénés avec leurs têtes rasées et dans un discours d’arlequin de

     suicide exigèrent une immédiate lobotomie,

et à qui fut administré en échange le vide concret de l’insuline du métrasol de

     l’électricité de l’hydrothérapie de la psychothérapie de la thérapie rééducative

     du ping-pong et de l’amnésie,

qui dans une protestation sans humour ne renversèrent qu’une table de ping-pong

     symbolique, tombèrent brièvement en catatonie, revenant des années plus tard

     vraiment chauve sauf une perruque de sang, et des larmes, et des doigts à

     l’apocalypse visible du fou des dortoirs des villes de folie de l’Est,

 asiles fétides de Pilgrim State de Rockland et de Greystone, se querellant avec

     l’écho de l’esprit, dansant le rock and roll dans les royaumes dolmens blancs de

     solitude de minuit de l’amour, rêve de vie un cauchemar, corps transformés

     en pierre aussi lourde que la lune,

avec la mère*****, et le dernier livre fantastique jeté par la fenêtre du taudis, et

     la dernière porte fermée à quatre heures du matin et le dernier téléphone jeté au

     mur sans réponse et la dernière chambre meublée évacuée jusqu’au dernier morceau

     du mobilier mental, un papier jaune se dressait tordu sur le cintre métallique dans le

     placard, et même cela dans l’imagination, rien qu’un petit bout d’hallucination

     encourageant –

ah ! Carl, quand tu n’es pas en sûreté je ne suis pas en sûreté, et maintenant tu es

     vraiment dans la soupe totale animale du temps –

et qui traversèrent donc en courant les rues glacées obsédés par l’éclair brusque de

     l’alchimie de l’usage de l’ellipse le catalogue le mètre et le plan vibratoire,

qui rêvèrent et qui pratiquèrent des brèches incarnées dans le Temps et l’Espace

     par images juxtaposées, et piégèrent l’archange de l’âme entre deux images

     visuelles et joignirent les verbes élémentaires et disposèrent le nom et l’ – de

     conscience ensemble bondissant avec la sensation de Pater Omnipotens

     Aeterna Deus

pour recréer la syntaxe et la mesure de la pauvre prose humaine et rester debout

     devant vous silencieux et intelligent et tremblant de honte, rejeté et pourtant

     confessant l’âme pour s’astreindre au rythme de la pensée dans sa tête nue

     et infinie,

le momo fou et angélique béat dans le Temps, inconnu, et pourtant inscrivant ici

     ce qui pourrait rester à dire au moment venu après la mort,

et se dressèrent réincarnés dans les vêtements fantômes du jazz à l’ombre des

     trompes d’or de l’orchestre et jouèrent la souffrance de l’esprit nu de

     l’Amérique pour l’amour dans un eli eli lamma lamma sabacthani cri de

     saxophone qui fit trembler les villes jusqu’à leur dernière radio

avec le cœur absolu du poème de la vie arraché à leurs propres corps bon à

     manger pour un millénaire.

 

II

Quel sphinx de ciment et d’aluminium a défoncé leurs crânes et dévoré leurs

     cervelles et leur imagination ?

Moloch ! Solitude ! Saleté ! Laideur! Poubelles et dollars impossibles à obtenir!

     Enfants hurlant sous les escaliers ! Garçons sanglotant sous les drapeaux !

     Vieillard pleurant dans les parcs !

Moloch ! Moloch ! Cauchemar de Moloch ! Moloch le sans-amour ! Moloch

     mental ! Moloch le lourd juge des hommes!

Moloch en prison incompréhensible ! Moloch les os croisés de la geôle sans

     âme  et du Congrès des afflictions ! Moloch dont les buildings sont jugements !

     Moloch la vaste roche de la guerre ! Moloch les gouvernements hébétés !

Moloch dont la pensée est mécanique pure ! Moloch dont le sang est de l’argent

     qui coule ! Moloch dont les doigts sont dix armées ! Moloch dont la poitrine

     est une dynamo cannibale ! Moloch dont l’oreille est une tombe fumante !

Moloch dont les yeux sont mille fenêtres aveugles ! Moloch dont les gratte-ciel

     se dressent dans les longues rues comme des Jéhovahs infinis ! Moloch dont

     les usines rêvent et croassent dans la brume ! Moloch dont les cheminées et

     les antennes couronnent les villes !

Moloch dont l’amour est pétrole et pierre sans fin ! Moloch dont l’âme est

     électricité et banques ! Moloch dont la pauvreté est le spectre du génie ! Moloch

     dont le sort est un nuage d’hydrogène asexué ! Moloch dont le nom est Pensée !

Moloch en qui je m’asseois et me sens seul ! Moloch où je rêve d’Anges ! Fou dans

     Moloch ! Suceur de bite en Moloch ! Sans amour et sans homme dans Moloch !

Moloch qui me pénétra tôt ! Moloch en qui je suis une conscience sans corps !

     Moloch qui me fit fuir de peur hors de mon extase naturelle ! Moloch que

     j’abandonne ! Réveil dans Moloch ! lumière coulant du ciel !

Moloch ! Moloch ! Appartements robots ! banlieues invisibles ! trésors squelettiques !

     capitales aveugles ! industries démoniaques ! nations spectres ! asiles invincibles !

     queues de granit ! bombes monstres !

Ils se sont pliés en quatre pour soulever Moloch au Ciel ! Pavés, arbres, radios, tonnes !

     soulevant la ville au Ciel qui existe et nous entoure partout !

Visons ! augures ! hallucinations ! miracles ! extases ! disparus dans le cours du

     fleuve américain !

Rêves ! adorations ! illuminations ! religions ! tout le tremblement de conneries

     sensibles !

Percées ! par-dessus le fleuve ! démences et crucifixions ! disparus dans la crue !

     Envolées ! Epiphanies ! Détresses ! Décades des cris animaux et de suicides !

     Mentalités ! Amours neuves ! Génération folle ! en bas sur les rochers du Temps !

Vrai rire sacré dans le fleuve ! ils ont vu cela ! les yeux fous ! les hurlements sacrés !

     Ils ont dit adieu ! ils ont sauté du toit ! vers la solitude ! gesticulant ! portant des

     fleurs ! En bas dans le fleuve ! dans la rue !

 

III

Carl Solomon ! je suis avec toi à Rockland

          où tu es plus fou que moi

Je suis avec toi à Rockland

          où tu dois te sentir très bizarre

Je suis avec toi à Rockland

          où tu imites l’ombre de ma mère

Je suis avec toi à Rockland

          où tu as assassiné tes douze secrétaires

Je suis avec toi à Rockland

          où tu ris de cet humour invisible

Je suis avec toi à Rockland

          où nous sommes de grands écrivains sur la même machine à écrire

          épouvantable

Je suis avec toi à Rockland

          où ton état devient grave et on en parle à la radio

 

Je suis avec toi à Rockland

          où les facultés du crâne n’admettent plus les parasites des sens

Je suis avec toi à Rockland

          où tu bois le thé au sein des vieilles filles d’Utica

 

Je suis avec toi à Rockland

          où tu fais des calembours sur le corps de tes infirmières les harpies du

          Bronx

Je suis avec toi à Rockland

          où tu hurles dans une camisole de force que tu perds la partie du vrai

          ping-pong de l’abîme

Je suis avec toi à Rockland

          où tu tapes sur le piano catatonique l’âme est innocente et immortelle

          et elle ne devrait jamais mourir sans divinité dans un asile en armes

Je suis avec toi à Rockland

          où cinquante électrochocs supplémentaires ne restitueront pas ton âme

          à ton corps après le pèlerinage à la croix dans le vide

Je suis avec toi à Rockland

          où tu accuses de folie tes médecins et complote la révolution socialiste

          hébraïque contre le Golgotha national fasciste

Je suis avec toi à Rockland

          où tu couperas en deux les cieux de Long Island et où tu opéreras la

          résurrection de ton Christ humain vivant hors de la tombe surhumaine

Je suis avec toi à Rockland

          où il y a vingt-cinq mille camarades fous chantant tous ensemble les

          dernières strophes de l’Internationale

Je suis avec toi à Rockland

          où nous embrassons et caressons les Etats-Unis sous  nos draps les

          Etats-Unis qui toussent toute la nuit et nous empêche de dormir

Je suis avec toi à Rockland

          où nous nous réveillons électrifiés  du coma des avions de notre âme

          vrombissant par-dessus le toit ils viennent lâcher des bombes angéliques

          l’hôpital s’illumine des murs imaginaires s’écroulent Oh ! sortez frêles

          légions en courant Oh ! trauma étoilé de la miséricorde la guerre éternelle

          est là Oh ! victoire oublie tes sous-vêtements nous sommes libres

Je suis avec toi à Rockland

          dans mes rêves tu marches ruisselant d’un voyage en mer sur l’autoroute

          à travers l’Amérique en pleurs à la porte de mon cottage dans la nuit

          occidentale

 

San Francisco, 1955 – 1956

 

Du même auteur :

Kaddish (I) (25/10/2016)

Tournesol soutra / Sunflower sutra (25/10/2018)

Transcription de musique d’orgue / Transcription of organ music (25/10/2019)

 Song (25/10/2020) 

Kaddish II (1) (25/10/2023)

 

 

Howl, post-scriptum

 

     Sacré ! Sacré ! Sacré ! Sacré ! Sacré ! Sacré ! Sacré ! Sacré ! Sacré ! Sacré !

     Sacré ! Sacré ! Sacré ! Sacré ! Sacré !

Le monde est sacré ! L’âme est sacrée ! La peau est sacrée ! Le nez est sacré ! La

     langue et la queue  et la main et l’anus sacrés !

Tout est sacré ! tout le monde est sacré ! partout est sacré ! toute journée est dans

     l’éternité ! tout homme est un ange !

Le clochard est aussi sacré que le séraphin ! le fou est sacré comme tu es sacrée

     mon âme !

La machine à écrire est sacrée le poème est sacré la voix est sacrée les écouteurs

     sont sacrés l’extase est sacrée !

Sacré Peter sacré Allen sacré Solomon sacré Lucien sacré Kerouac sacré Huncke

     sacré Burroughs sacré Cassady sacré l’inconnu sodomisé et les mendiants

     souffrants sacrés les hideux anges humains !

Sacrée ma mère à l’hôpital psychiatrique ! Sacrées les bites des grands-pères du

     Kansas !

Sacré le saxophone rugissant ! Sacrée l’apocalypse bop ! Sacrés les orchestres de

     jazz la marihuana les initiés  la paix et la came et la batterie !

Sacrées les solitudes des gratte-ciels et des trottoirs ! Sacrées les cafeterias remplies

     de multitudes ! Sacrées les mystérieuses rivières de larmes sous les rues !

Sacré le juggernaut solitaire ! Sacré l’immense agneau des classes moyennes !

     Sacrés les bergers fous de la rébellion ! Celui qui aime Los Angeles EST Los

     Angeles !

Sacré New York Sacré San Francisco Sacré Peoria et Seattle Sacré Paris Sacré

     Tanger Sacré Moscou Sacré Istamboul!

Sacré le temps dans l’éternité sacrée l’éternité dans le temps sacrées les horloges

     dans l’espace sacrée la quatrième dimension sacrée la cinquième Internationale sacré

     l’Ange dans Moloch !

Sacrée la mer sacré le désert sacré le chemin de fer sacrée la locomotive sacrée

     les visions sacrées les hallucinations sacrés les miracles sacré le bulbe de

     l’œil sacré l’abîme !

Sacrée la Clémence ! le Pardon ! la Charité ! la Foi ! Sacrés ! nos Corps !

     souffrant ! magnanimité !

Sacrée la surnaturelle intelligence extrêmement brillante bonté de l’âme !

 

Traduit de l’anglais par Robert Cordier et Jean-Jacques Lebel

In, Allen Ginsberg : « Howl and other poems»

Christian Bourgois éditeur, 2005

 

 

Du même auteur :

Kaddish I (25/10/2016) 

Howl (25/10/2017)

 Tournesol soutra / Sunflower sutra (25/10/2018)

Transcription de musique d’orgue / Transcription of organ music (25/10/2019)

 Song (25/10/2020)

L’automobile verte / The green automobile (25/10/2021)

 Ode à l’échec / Ode to failure (25/10/2022)

 

 

 

Howl

For Carl Solomon

 

I

 

I saw the best minds of my generation destroyed by madness, starving hysterical

     naked,

dragging themselves through the negro streets at dawn looking for an angry fix,

angelheaded hipsters burning for the ancient heavenly connection to the starry

     dynamo  in the machinery of night,

who poverty and tatters and hollow-eyed and high sat up smoking in the

     supernatural darkness of cold-water flats floating across the tops of cities

     contemplating jazz,

 who bared their brains to Heaven under the El and saw Mohammedan angels

     staggering on tenement roofs illuminated, 

who passed through universities with radiant cool eyes hallucinating Arkansas

     and Blake-light tragedy among the scholars of war,

who were expelled from the academies for crazy & publishing obscene odes on the

     windows of the skull,

who cowered in unshaven rooms in underwear, burning their money in wastebaskets

     and listening to the Terror through the wall,

who got busted in their pubic beards returning through Laredo with a belt of marijuana

     for New York,

who ate fire in paint hotels or drank turpentine in Paradise Alley, death, or purgatoried  

     their torsos night after night

 with dreams, with drugs, with waking nightmares, alcohol and cock and endless balls,

incomparable blind streets of shuddering cloud and lightning in the mind leaping

     toward poles of Canada & Paterson, illuminating all the motionless world of

     time between,

Peyote solidities of halls, backyard green tree cemetery dawns, wine drunkenness

     over the rooftops, storefront boroughs of teahead joyride neon blinking traffic

     light, sun and moon and tree vibrations in the roaring winter dusks of Brooklyn,

     ashcan rantings and kind king light of mind,

 who chained themselves to subways for the endless ride from Battery to holy

     Bronx on benzedrine until the noise of wheels and children brought them down

     shuddering  mouth-wracked and battered bleak of brain all drained of brilliance

     in the drear light of Zoo,

who sank all night in submarine light of Bickford’s floated out and sat through the

     stale beer afternoon in desolate Fugazzi’s, listening to the crack of doom on the

     hydrogen jukebox,

who talked continuously seventy hours from park to pad to bar to Bellevue to

     museum to the Brooklyn Bridge,

a lost battalion of platonic conversationalists jumping down the stoops off fire

     escapes off windowsills off Empire State out of the moon, 

acketayakking screaming vomiting whispering facts and memories and anecdotes

     and eyeball kicks and shocks of hospitals and jails and wars,

whole intellects disgorged in total recall for seven days and nights with brilliant eyes,

     meat for the Synagogue cast on the pavement,

who vanished into nowhere Zen New Jersey leaving a trail of ambiguous picture

     postcards of Atlantic City Hall, 

suffering Eastern sweats and Tangerian bone-grindings and migraines of China

     under junk-withdrawal in Newark’s bleak furnished room,   

who wandered around and around at midnight in the railroad yard wondering

     where to go, and went, leaving no broken hearts,

who lit cigarettes in boxcars boxcars boxcars racketing through snow toward

     lonesome farms in grandfather night,

 who studied Plotinus Poe St. John of the Cross telepathy and bop kabbalah because

      the cosmos instinctively vibrated at their feet in Kansas,   

who loned it through the streets of Idaho seeking visionary indian angels who were

     visionary indian angels,

who thought they were only mad when Baltimore gleamed in supernatural ecstasy,

who jumped in limousines with the Chinaman of Oklahoma on the impulse of

     winter midnight streetlight smalltown rain, 

who lounged hungry and lonesome through Houston seeking jazz or sex or soup,

     and followed the brilliant Spaniard to converse about America and Eternity,

      a hopeless task, and so took ship to Africa,

who disappeared into the volcanoes of Mexico leaving behind nothing but the

     shadow of dungarees and the lava and ash of poetry scattered in fireplace Chicago,

 who reappeared on the West Coast investigating the FBI in beards and shorts with

     big pacifist eyes sexy in their dark skin passing out incomprehensible leaflets, 

who burned cigarette holes in their arms protesting the narcotic tobacco haze of

     Capitalism,

who distributed Supercommunist pamphlets in Union Square weeping and

     undressing while the sirens of Los Alamos wailed them down, and wailed down

     Wall, and the Staten Island ferry also wailed, 

who broke down crying in white gymnasiums naked and tremling before the

     machinery of other skeletons,

who bit detectives in the neck and shrieked with delight in policecars for

     committing no crime but their own wild cooking pederasty and intoxication,

who howled on their knees in the subway and were dragged off the roof waving

     genitals and manuscripts,

who let themselves be fucked in the ass by saintly motorcyclists, and screamed

     with joy,

who blew and were blown by those human seraphim, the sailors, caresses of

     Atlantic and Caribbean love,

who balled in the morning in the evenings in rosegardens and the grass

     of publicparks and cemeteries scattering their semen freely to whomever

     come who may,

who hiccuped endlessly trying to giggle but wound up with a sob behind a

     partition  in a Turkish Bath when the blond & naked angel came to pierce them

     with a sword,

who lost their loveboys to the three old shrews of fate the one eyed shrew of the

     heterosexual dollar the one eyed shrew that winks out of the womb and the one

     eyed shrew that does nothing but sit on her ass and snip the intellectual golden

     threads of the craftsman’s loom,

who copulated ecstatic and insatiate with a bottle of beer a sweetheart a package of

     cigarettes a candle and fell off the bed, and continued along the floor and down

     the hall and ended fainting on the wall with a vision of ultimate cunt and come

     eluding the last gyzym of consciousness,

who sweetened the snatches of a million girls trembling in the sunset, and were

     red eyed in the morning but prepared to sweeten the snatch of the sunrise,

     flashing buttocks under barns and naked in the lake,

who went out whoring through Colorado in myriad stolen night-cars, N.C., secret

     hero of these poems, cocksman and Adonis of Denver—joy to the memory of

     his innumerable lays of girls in empty lots & diner backyards, moviehouses’

      rickety rows, on mountaintops in caves or with gaunt waitresses in familiar

     roadside lonely petticoat upliftings & especially secret gas-station solipsisms

     of johns, & hometown alleys too,

who faded out in vast sordid movies, were shifted in dreams, woke on a sudden

     Manhattan, and picked themselves up out of basements hung-over with heartless

     Tokay and horrors of Third Avenue iron dreams & stumbled to unemployment

     offices,

who walked all night with their shoes full of blood on the snowbank docks waiting

     for a door in the East River to open to a room full of steam-heat and opium,

who created great suicidal dramas on the apartment cliff-banks of the Hudson under

     the wartime blue floodlight of the moon & their heads shall be crowned with laurel

     in oblivion,

who ate the lamb stew of the imagination or digested the crab at the muddy bottom of

     the rivers of Bowery,

who wept at the romance of the streets with their pushcarts full of onions and bad music,

who sat in boxes breathing in the darkness under the bridge, and rose up to build

     harpsichords in their lofts,

who coughed on the sixth floor of Harlem crowned with flame under the tubercular

      sky surrounded by orange crates of theology,

who scribbled all night rocking and rolling over lofty incantations which in the yellow

     morning were stanzas of gibberish,

who cooked rotten animals lung heart feet tail borsht & tortillas dreaming of the pure

     vegetable kingdom,

who plunged themselves under meat trucks looking for an egg,

who threw their watches off the roof to cast their ballot for Eternity outside of Time,

     & alarm clocks fell on their heads every day for the next decade,

who cut their wrists three times successively unsuccessfully, gave up and were forced

     to open antique stores where they thought they were growing old and cried,

who were burned alive in their innocent flannel suits on Madison Avenue amid blasts

      of leaden verse & the tanked-up clatter of the iron regiments of fashion & the

     nitroglycerine shrieks of the fairies of advertising & the mustard gas of sinister

     intelligent editors, or were run down by the drunken taxicabs of Absolute Reality,

who jumped off the Brooklyn Bridge this actually happened and walked away unknown

     and forgotten into the ghostly daze of Chinatown soup alleyways & firetrucks, not

     even one free beer,

who sang out of their windows in despair, fell out of the subway window, jumped

     in the filthy Passaic, leaped on negroes, cried all over the street, danced on broken

     wineglasses barefoot smashed phonograph records of nostalgic European 1930s

     German jazz finished the whiskey and threw up groaning into the bloody toilet,

     moans in their ears and the blast of colossal steam whistles,

who barreled down the highways of the past journeying to each other’s hotrod-Golgotha

     jail-solitude watch or Birmingham jazz incarnation,

who drove crosscountry seventytwo hours to find out if I had a vision or you had a

     vision or he had a vision to find out Eternity,

who journeyed to Denver, who died in Denver, who came back to Denver & waited

     in vain, who watched over Denver & brooded & loned in Denver and finally went

     away to find out the Time, & now Denver is lonesome for her heroes,

who fell on their knees in hopeless cathedrals praying for each other’s salvation

     and light and breasts, until the soul illuminated its hair for a second,

who crashed through their minds in jail waiting for impossible criminals with golden

      heads and the charm of reality in their hearts who sang sweet blues to Alcatraz,

who retired to Mexico to cultivate a habit, or Rocky Mount to tender Buddha or

     Tangiers to boys or Southern Pacific to the black locomotive or Harvard to

     Narcissus to Woodlawn to the daisychain or grave,

 who demanded sanity trials accusing the radio of hypnotism & were left with their

     insanity & their hands & a hung jury,

who threw potato salad at CCNY lecturers on Dadaism and subsequently presented

     themselves on the granite steps of the madhouse with shaven heads and harlequin

     speech of suicide, demanding instantaneous lobotomy,

and who were given instead the concrete void of insulin Metrazol electricity

     hydrotherapy psychotherapy occupational therapy pingpong & amnesia,

who in humorless protest overturned only one symbolic pingpong table, resting

     briefly in catatonia,

returning years later truly bald except for a wig of blood, and tears and fingers,

     to the visible madman doom of the wards of the madtowns of the East,

Pilgrim State’s Rockland’s and Greystone’s foetid halls, bickering with the echoes

     of the soul, rocking and rolling in the midnight solitude-bench dolmen-realms of

     love, dream of life a nightmare, bodies turned to stone as heavy as the moon,

with mother finally ******, and the last fantastic book flung out of the tenement

     window, and the last door closed at 4 A.M. and the last telephone slammed at the

     wall in reply and the last furnished room emptied down to the last piece of mental

     furniture, a yellow paper rose twisted on a wire hanger in the closet, and even

     that imaginary, nothing but a hopeful little bit of hallucination —

ah, Carl, while you are not safe I am not safe, and now you’re really in the total

     animal soup of time —

and who therefore ran through the icy streets obsessed with a sudden flash of the

     alchemy of the use of the ellipsis catalogue a variable measure and the vibrating

     plane,

who dreamt and made incarnate gaps in Time & Space through images juxtaposed,

     and trapped the archangel of the soul between 2 visual images and joined the

     elemental verbs and set the noun and dash of consciousness together jumping with

     sensation of Pater Omnipotens Aeterna Deus

to recreate the syntax and measure of poor human prose and stand before you speechless

     and intelligent and shaking with shame, rejected yet confessing out the soul to conform

     to the rhythm of thought in his naked and endless head,

the madman bum and angel beat in Time, unknown, yet putting down here what might

     be left to say in time come after death,

and rose reincarnate in the ghostly clothes of jazz in the goldhorn shadow of the band

     and blew the suffering of America’s naked mind for love into an eli eli lamma

     lamma sabacthani saxophone cry that shivered the cities down to the last radio

with the absolute heart of the poem of life butchered out of their own bodies good

     to eat a thousand years.

 

II

What sphinx of cement and aluminum bashed open their skulls and ate up their

     brains and imagination?

Moloch! Solitude! Filth! Ugliness! Ashcans and unobtainable dollars! Children

     screaming under the stairways! Boys sobbing in armies! Old men weeping

     in the parks!

Moloch! Moloch! Nightmare of Moloch! Moloch the loveless! Mental Moloch!

      Moloch the heavy judger of men!

Moloch the incomprehensible prison! Moloch the crossbone soulless jailhouse

     and Congress of sorrows! Moloch whose buildings are judgment! Moloch the

     vast stone of war! Moloch the stunned governments!

Moloch whose mind is pure machinery! Moloch whose blood is running money!

     Moloch whose fingers are ten armies! Moloch whose breast is a cannibal dynamo!

      Moloch whose ear is a smoking tomb!

Moloch whose eyes are a thousand blind windows! Moloch whose skyscrapers stand

     in the long streets like endless Jehovahs! Moloch whose factories dream and croak

     in the fog! Moloch whose smoke-stacks and antennae crown the cities!

Moloch whose love is endless oil and stone! Moloch whose soul is electricity and

     banks! Moloch whose poverty is the specter of genius! Moloch whose fate is a

     cloud of sexless hydrogen! Moloch whose name is the Mind!

Moloch in whom I sit lonely! Moloch in whom I dream Angels! Crazy in Moloch!

     Cocksucker in Moloch! Lacklove and manless in Moloch!

Moloch who entered my soul early! Moloch in whom I am a consciousness without

     a body! Moloch who frightened me out of my natural ecstasy! Moloch whom I

     abandon! Wake up in Moloch! Light streaming out of the sky!

Moloch! Moloch! Robot apartments! invisible suburbs! skeleton treasuries! blind

     capitals! demonic industries! spectral nations! invincible madhouses! granite cocks!

     monstrous bombs!

 They broke their backs lifting Moloch to Heaven! Pavements, trees, radios, tons! lifting

      the city to Heaven which exists and is everywhere about us!

Visions! omens! hallucinations! miracles! ecstasies! gone down the American river!

Dreams! adorations! illuminations! religions! the whole boatload of sensitive bullshit!

Breakthroughs! over the river! flips and crucifixions! gone down the flood! Highs!

     Epiphanies! Despairs! Ten years’ animal screams and suicides! Minds! New loves!

     Mad generation! down on the rocks of Time!

Real holy laughter in the river! They saw it all! the wild eyes! the holy yells! They bade

     farewell! They jumped off the roof! to solitude! waving! carrying flowers! Down to

     the river! into the street!

 

III

Carl Solomon! I’m with you in Rockland

     where you’re madder than

I amI’m with you in Rockland

     where you must feel very strange

 I’m with you in Rockland

    where you imitate the shade of my mother

I’m with you in Rockland

    where you’ve murdered your twelve secretaries

I’m with you in Rockland

    where you laugh at this invisible humor

I’m with you in Rockland

    where we are great writers on the same dreadful typewriter

I’m with you in Rockland

    where your condition has become serious and is reported on the radio

I’m with you in Rockland

    where the faculties of the skull no longer admit the worms of the senses

I'm with you in Rockland

     where you drink the tea of the breasts of the spinsters of Utica

I’m with you in Rockland

    where you pun on the bodies of your nurses the harpies of the Bronx

I’m with you in Rockland

    where you scream in a straightjacket that you’re losing the game of the

     actual pingpong of the abyss

I’m with you in Rockland

      where you bang on the catatonic piano the soul is innocent and immortal

     it should never die ungodly in an armed madhouse

I’m with you in Rockland

    where fifty more shocks will never return your soul to its body again from

     its pilgrimage to a cross in the void

I’m with you in Rockland

    where you accuse your doctors of insanity and plot the Hebrew socialist

     revolution against the fascist national Golgotha

I’m with you in Rockland

    where you will split the heavens of Long Island and resurrect your living human  

     Jesus from the superhuman tomb

I’m with you in Rockland

    where there are twentyfive thousand mad comrades all together singing the final

     stanzas of the Internationale

I’m with you in Rockland

    where we hug and kiss the United States under our bedsheets the United States

     that coughs all night and won’t let us sleep

I’m with you in Rockland

     where we wake up electrified out of the coma by our own souls’ airplanes

     roaring over the roof they’ve come to drop angelic bombs the hospital

     illuminates itself    imaginary walls collapse    O skinny legions run outside   

     O starry-spangled shock of mercy the eternal war is here    O victory forget

     your underwear we’re free

 I’m with you in Rockland  

     in my dreams you walk dripping from a sea-journey on the highway across

     America in tears to the door of my cottage in the Western night

San Francisco, 1955—1956

 

Footnote to Howl

Holy! Holy! Holy! Holy! Holy! Holy! Holy! Holy! Holy! Holy! Holy! Holy!

      Holy! Holy! Holy!

The world is holy! The soul is holy! The skin is holy! The nose is holy! The

     tongue and cock and hand and asshole holy!

Everything is holy! everybody’s holy! everywhere is holy! everyday is in eternity!

     Everyman’s an angel!

The bum’s as holy as the seraphim! the madman is holy as you my soul are holy!

The typewriter is holy the poem is holy the voice is holy the hearers are holy the

     ecstasy is holy!

Holy Peter holy Allen holy Solomon holy Lucien holy Kerouac holy Huncke holy

     Burroughs holy Cassady holy the unknown buggered and suffering beggars holy

     the hideous human angels!

Holy my mother in the insane asylum! Holy the cocks of the grandfathers of Kansas!

Holy the groaning saxophone! Holy the bop apocalypse! Holy the jazzbands

     marijuana hipsters peace peyote pipes & drums!

Holy the solitudes of skyscrapers and pavements! Holy the cafeterias filled

     with the millions! Holy the mysterious rivers of tears under the streets!

Holy the lone juggernaut! Holy the vast lamb of the middleclass! Holy the

     crazy shepherds of rebellion! Who digs Los Angeles IS Los Angeles!

Holy New York Holy San Francisco Holy Peoria & Seattle Holy Paris Holy

     Tangiers Holy Moscow Holy Istanbul!

Holy time in eternity holy eternity in time holy the clocks in space holy the

     fourth dimension holy the fifth International holy the Angel in Moloch!

Holy the sea holy the desert holy the railroad holy the locomotive holy the

     visions holy the hallucinations holy the miracles holy the eyeball holy

     the abyss!

Holy forgiveness! mercy! charity! faith! Holy! Ours! bodies! suffering!

     magnanimity!

Holy the supernatural extra brilliant intelligent kindness of the soul! 

 

                                                                                                            Berkeley 1955

 

Howl and other poems

City Lights Booksellers & Publishers, San Fransisco, 1956

 

 

Poème précédent en anglais :

Sylvia Plath : Berck plage / Berck-plage (11/10/2017

Poème suivant en anglais :

John Ashbery : Pyrogravure / Pyrography (24/11/2017)

 

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